Vivant dans une région menacée par la désertification, les habitants de Taguedit attendent des autorités locales la prise en charge de leurs doléances.
Dans les vastes plaines de la commune de Taguedit, dans la région de Bordj Okhris, 65 km à l’extrême sud de la wilaya de Bouira, les quelque 500 familles des tribus, dites les Boukouffa, Ouled Lalâm, Lahouache et El Tarfa vivent depuis des décennies en marge du développement. Dans le vaste territoire de la commune, sur des terrains incultes, le bétail pâture en toute liberté. Le phénomène de désertification touchant l’ensemble des localités du sud de la wilaya de Bouira pose problème.
En plus de l’avancée du sable du Sahara, la régression du tissu végétal de toute la steppe de la région inquiète de plus en plus les éleveurs. Les actions de lutte pouvant contrer le phénomène comme la reforestation, un outil efficace de prévention contre la désertification demeurent insignifiantes pour ne pas dire inexistantes. Les conditions de vie sont difficiles. «De génération en génération, nous sommes ici depuis plus d’un siècle», rappellent les habitants rencontrés.
Sans eau et sans aucune commodité pouvant fixer la population, ils pratiquent l’élevage ovin, avec pour seul voisinage, la commune de Sidi Aïssa dans la wilaya de M’sila où l’activité agricole domine. Cette petite localité des Hauts-Plateaux inspire un sentiment de paix et de sérénité à toute personne qui la visite pour la première fois. Issu d’une famille révolutionnaire, Boukouffa Bouaâkaz, qui a franchi le cap des 80 ans, a soulevé beaucoup de difficultés dans leur vie quotidienne.
«Notre douar est privé d’eau, et ce, depuis de longues années. Nous avons réalisé des forages avec des profondeurs dépassant les 200 mètres, mais nous n’avons pas trouvé le liquide vital», dit-il. Les villages de la commune de Taguedit devaient être raccordés aux eaux du barrage de Tilesdit dans la commune de Bechloul.
Ce dernier alimente plusieurs municipalités de la wilaya de Bouira, M’sila et une partie de l’est de Bordj Bou Arréridj. Il a fallu attendre des années pour qu’un forage soit réalisé près de la tribu des Ouled Laâlam. «Le réseau de distribution est réceptionné mais sa mise en service tarde à voir le jour», se désole-t-on. «Les autorités locales sont au courant de notre problème. Le wali de Bouira nous a même promis de nous rendre visite», ajoute M. Bouakkaz.
Manque de structures publiques
Les habitants des tribus des Boukouffa, El Tarfa et Lahouach se disent marginalisés et oubliés, ils déplorent le manque d’infrastructures. L’école primaire située sur la route reliant leur localité au CW 25 est dotée de deux classes. «Nous avons réclamé récemment une autre classe pour éviter la surcharge. Nos enfants étudient dans des conditions un peu difficiles notamment durant la saison des pluies», dira un parent d’élève. Les jeunes du village sont contraints à l’oisiveté. A l’heure d’internet et de la mondialisation, il reste encore des populations isolées.
Privés de toute structure de loisirs et sportive, des jeunes ont aménagé à leur manière un petit terrain où ils s’adonnent à leur sport favori, le football. L’accès aux services de communications notamment la téléphonie fixe et l’internet est quasiment impossible. «Nous sommes coupés du monde», dit un jeune en rappelant qu’il est important d’avoir de l’internet dans leurs foyers et éviter de se déplacer vers les zones urbaines pour y avoir accès. Par ailleurs, c’est le secteur de la santé qui illustre sans doute le mieux le manque de services publics.
Pour une simple consultation médicale, les patients se trouvent obligés de se déplacer vers les unités de soins du chef-lieu de daïra de Bordj Okhris ou de Sidi Aïssa, distantes d’une vingtaine de kilomètres. Autre contrainte incitant parfois les habitants à quitter leurs douars, le refus de l’administration de régulariser leurs terrains qu’ils occupent depuis plus d’un siècle et sur lesquels ils ont construit des habitations. «La plupart des terrains relèvent du domaine public», a déclaré le chef de daïra de Bordj Okhris, en charge depuis décembre de l’année passée de la gestion des affaires courantes de l’APC de Taguedit.
La décision avait été prise par le chef de l’exécutif de la wilaya en raison de l’état de blocage dans lequel se trouve l’assemblée locale. «Les doléances exprimées par la population sont identifiées et prises en charge. La mise en service de l’eau potable interviendra dans les prochains jours», a-t-il déclaré. «Nous ne pouvons pas postuler à l’habitat rural parce que nos terrains ne sont pas régularisés. C’est avec nos propres moyens que nous avons construit ces maisons», se désole un villageois d’Etarfa. Malgré les conditions difficiles dans lesquelles vivent ces familles, elles sont toujours là. Fier du passé révolutionnaire de ses aïeux, Bouakkaz Boukouffa, l’un des plus importants éleveurs d’ovins de la région, a transformé le salon de son habitation en un véritable musée.
Les murs sont décorés des attestations et autres portraits de valeureux martyrs tombés au champ d’honneur, à l’image de Chahid Ameziane Saïd Bakli, commissaire politique de l’Armée de libération nationale (ALN). Arrêté par l’armée coloniale le 19 mars 1960, le moudjahid, originaire de Draa El Mizan dans la wilaya de Tizi Ouzou, a été assassiné après avoir été torturé par la soldatesque coloniale.
Ce qui ajoute encore plus d’amertume au quotidien des habitants des tribus en question, c’est le manque des structures administratives, pouvant leur éviter les déplacements au chef-lieu communal, d’autant plus que les moyens de transport sont tout bonnement absents. Ce sentiment d’être oublié par les pouvoirs publics, les villageois le ressentent profondément. Au douar des Boukouffa et dans d’autres localités de Taguedit, il n’y a pas beaucoup de promesses d’amélioration de leurs conditions de vie, ce qui amène ces habitants à exprimer leurs attentes en réclamant des pouvoirs publics la prise en charge de leurs doléances.
10 886 logements en cours de réalisation
Le secteur de l’habitat de la wilaya de Bouira a enregistré une nette progression dans la relance des projets dont certains étaient à l’arrêt. Sur un total de 14 749 logements inscrits, un programme de 10 885 unités, tous segments confondus, est en cours de réalisation à travers plusieurs communes de la wilaya, a-t-on appris à l’occasion de la célébration de la Journée mondiale et arabe de l’habitat organisée mardi dernier à la maison de la culture Ali Zaamoum.
Depuis novembre dernier, un programme de près de 3313 logements sur un total de 3834 affectés ont été relancés et plusieurs projets étaient à l’arrêt pour diverses raisons. Le choix d’entreprises non qualifiées est l’une des raisons retardant l’achèvement des projets.
S’agissant des sites livrés et réceptionnés, la Direction de l’habitat de la wilaya de Bouira a fait savoir que 4590 logements, toutes catégories confondues, ont été achevés. Des opérations de démolition des habitations précaires ont eu lieu également dans les communes de Sour El Ghozlane, Saharidj et Aomar. Les occupants des maisons, dont la plupart remontent à l’ère coloniale, ont été relogés dans des logements neufs. A. F.