Blocage dans plusieurs communes du pays : Le développement local otage des désaccords entre élus

22/10/2023 mis à jour: 14:03
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Des apc connaissent des dissensions entre leurs membres - Photo : D. R.

Plusieurs assemblées communales bloquées faute de consensus entre leurs membres ou gelées par les walis. L’organisation d’élections partielles serait-elle la solution pour relancer la machine du développement ?

Perchée sur les monts de Bouzegza, au sud de Boumerdès, la commune de Keddara vit une période de stagnation sans précédent. La machine du développement semble grippée depuis mars dernier à cause de désaccords entre élus. Aucune délibération depuis. «L’Assemblée a tenté de se réunir à 5 reprises mais les séances sont levées avant de commencer.

Car 7 sur les 13 élus s’opposent à l’ordre du jour avant l’entame des réunions», souligne Boualem Guerrouabi, P/APC d’obédience FLN, précisant que même le budget supplémentaire de l’année en cours n’est pas encore approuvé. Conséquence : les services communaux tournent au ralenti et pas moins de 16 projets de développement n’ont pas pu démarrer. Chose qui a été durement ressentie par la population (10 000 habitants) disséminée sur 18 villages.

Les besoins sont énormes. «Nous avons 4 projets d’assainissement, 3 d’AEP, 3 écoles à réhabiliter, 3 opérations d’aménagement urbain et beaucoup d’habitations à électrifier. Aucun projet n’a été lancé», déplore le maire. Le problème n’est pas propre à Keddara. Des dizaines d’autres APC du pays sont dans la même situation.

La presse fait régulièrement écho d’assemblées communales bloquées faute de consensus ou gelées par les walis, mais aucun décompte ni déclaration officielle n’ont été faits sur ce sujet. Il y en a partout : à Oran, Relizaine, Alger, Tizi Ouzou, Médéa, Boumerdès, Saïda, Batna, Tissemsilt, Mila, Béjaïa, etc. A Khenchela, c’est l’APW qui est bloquée. Trois sessions ont déjà été reportées, ce qui a empêché l’examen de plusieurs dossiers.

Conflits d’intérêts

A Oran, au moins quatre communes, à savoir Hassi Bounif, Hassi Ben Okba, Boussfer et Messerghine, ont vécu des épisodes d’instabilité et de discorde. Parfois sur fond de scandales.

Bien d’autres communes très importantes, à l’instar de Boudouaou, Mohammadia, Sidi M’hamed, Sidi Khaled, Tipasa, Chelghoum El Aid, ont également connu des situations de paralysie. Collusion/opposition d’intérêts, chantage, alliances contre nature, malversation, népotisme, pots-de-vin, favoritisme…, les raisons des tiraillements entre les édiles locaux diffèrent d’une commune à une autre.

«Parfois à cause d’un bon d’essence ou d’un repas, on risque d’être fâché avec son allié. Il y a des blocages qui ne sont motivés par aucun argument valable. Le législateur doit remédier à ce problème. Normalement, la moindre contestation ou opposition à la gestion du maire doit être étayée par des faits et des preuves irréfutables.

L’article 144 du code communal permet même de déposer plainte contre le P/APC s’il a fauté», explique Omar Berour, modérateur de la page Forum des élus des assemblées communales depuis 1967. Il rappelle que beaucoup de blocages ont été induits par les amendements apportés à l’article 65 du code communal, évoquant des alliances fragiles ayant rarement résisté aux tentations opportunistes.

«Tous les modes de scrutin sont imparfaits, celui-ci l’est davantage. Il dénature l’élection en permettant à des élus provenant de listes minoritaires d’accéder au poste de président d’une assemblée censée être conforme au choix souverain de la population», avait écrit à juste titre un ancien député.

Un élu à l’APC de Boudouaou, bloquée depuis juillet 2021, évoque le rôle des walis, précisant que rares sont ceux qui intercèdent pour réconcilier les belligérants en cas de divergences. Selon lui, même les médiateurs de la République n’ont pas brillé dans ce domaine, et ce, malgré l’impact des blocages sur la prise en charge des préoccupations des citoyens, dit-il.

L’année dernière, le blocage d’une APC (M’Fatha) à Médéa a privé des milliers d’élèves du transport scolaire, de la cantine, retardant la réalisation de nombreux projets et le versement des salaires des employés, a-t-on appris.

En l’absence d’autres solutions, beaucoup d’assemblées ont fini par être gelées par les walis à travers l’application du pouvoir de substitution conformément aux articles 100, 101 et 102 du code communal.

«Nous sommes entrés dans une nouvelle ère, nos mains ne seront pas lourdes avec les partisans du moindre effort. Nous sommes là pour converger nos efforts pour répondre aux doléances de nos citoyens et leur garantir le cadre de vie qui sied avec leur dignité», a déclaré, il y a quelques mois, le wali de Relizaine à l’issue du gel de la commune de Merdja Sidi Abed. Mais est-ce le seul et le meilleur moyen de garantir la continuité du service public ?

Populations prises en otages 

Pour un ancien P/APW, la solution viendra par l’organisation d’élections partielles. «Quand il y a blocage, on doit redonner la parole à la population. L’article 46 du code communal parle de dissolution et de renouvellement total de l’assemblée. Puisque on avait organisé des élections partielles l’année passée dans six communes de Kabylie, pourquoi on ne le fait pas pour renouveler les APC bloquées», plaide-t-il. 

Selon l’article 47, «la dissolution et le renouvellement de l’Assemblée populaire communale sont prononcés par décret présidentiel, pris sur rapport du ministre chargé de l’Intérieur». L’art. 49 prévoit l’organisation des élections «dans un délai maximum de six mois à compter de la date de la dissolution. En tout état de cause, elles ne peuvent avoir lieu à moins d’une année de la fin du mandat électif».

Tout en soulignant les inconvénients de la gestion à distance, beaucoup d’élus défendent l’idée que le pouvoir de substitution doit être limité dans le temps. A M’kira, dans la wilaya de Tizi Ouzou, l’APC est gérée par le chef de daïra depuis le 6 septembre. Mais rien ne semble fonctionner comme avant.

Des habitants parlent de la fermeture de 3 cantines faute de personnel et de la suspension des contrats pour 9 transporteurs chargés du ramassage scolaire. Ici, le blocage de l’APC cache des intérêts occultes. «L’Assemblée a travaillé dans un climat serein durant plus de 20 mois. Les problèmes ont commencé quand je me suis opposé à la délivrance d’une autorisation pour l’exploitation d’une carrière de tuf, rejetée par beaucoup de villageois», explique Mourad Louna, P/APC élu sur une liste des indépendants.

A Légata, dans la wilaya de Boumerdès, l’APC est paralysée depuis le mois de mars, ce qui a empêché le lancement de 13 projets de développement d’un montant de 11 milliards, indique le P/APC.

Là aussi, aucune initiative sérieuse n’a été entreprise pour débloquer la situation. Les intérêts de la population se trouvent otages de querelles intestines. La cohabitation et la culture du compromis sont loin d’être la première vertu des édiles locaux. 

 

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