La CTRF est comme une cellule dormante dont on entend rarement parler, d’autant qu’elle n’a plus publié de rapport annuel depuis 2017. Le décret 22-36 du 4 janvier 2022 va-t-il servir à dynamiser la cellule, ou du moins lui offrir une mise à jour par rapport aux recommandations 2021 du Groupe d’action financière (GAFI), dont elle fait partie ?
A lire la dépêche APS reprise par notre journal dans l’édition d’avant-hier, on a l’impression qu’il s’agit d’une nouvelle création. Pourtant, la Cellule de traitement du renseignement financier (CTRF) est née il y a vingt ans ! En fait, le décret 22-36 du 4 janvier 2022 publié cette semaine au Journal officiel vient fixer les missions, l’organisation et le fonctionnement de cet organisme de veille, créé le 7 avril 2002, et dont le rôle est de renforcer le maillage contre le crime, précisément le blanchiment d’argent et/ou de financement du terrorisme.
Il est vrai que la CTRF est comme une cellule dormante dont on entend rarement parler, d’autant qu’elle n’a plus publié de rapport annuel depuis 2017. Ce décret va-t-il servir à dynamiser la cellule ou du moins lui offrir une mise à jour par rapport aux recommandations 2021 du Groupe d’action financière (GAFI), dont elle fait partie ?
On en saura davantage sur la volonté des autorités publiques dans les mois à venir, mais on sait d’ores et déjà que l’Algérie sera évaluée en juillet-août 2022, sur place et en mai 2023 (Discussion plénière possible) par le GAFI. Le GAFI, organisme intergouvernemental indépendant, créé en 1989 lors du sommet du G7 tenu à Paris, a reçu pour mandat de concevoir les normes et d’impulser des stratégies en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et, à partir de 2001, contre le financement du terrorisme.
Il compte actuellement 37 membres et 2 observateurs, et collabore très étroitement avec 8 groupes régionaux de type GAFI, ayant pour fonction de promouvoir la reconnaissance et d’évaluer la mise en œuvre effective des standards internationaux par leurs membres. Au total, le «réseau GAFI» couvre 183 juridictions engagées dans la lutte contre la délinquance financière internationale.
Notre pays a mis en place un dispositif qui intègre en droit interne ses engagements internationaux pris en vertu des conventions internationales qu’il a ratifiées, basées sur le chapitre VII de la Charte des Nations unies ainsi que des normes internationales recommandées par le Groupe d’action financière (GAFI).
Encore des efforts
Mais à l’instar de l’Office national de prévention et de lutte contre la corruption (ONPLC) et de la Cour des comptes, la CTRF souffre d’absence d’indépendance à l’égard du pouvoir exécutif, et d’un environnement composé d’institutions tétanisées face à l’obligation de transparence. Son rendement en est directement affecté.
C’est ce qui explique, par exemple, pourquoi un Ahmed Ouyahia, Premier ministre, peut posséder un compte bancaire rempli de plus de 30 milliards de centimes sans que cela ne soulève les soupçons.
En temps normal, sa banque (la BADR dans ce cas) aurait dû informer automatiquement la CTRF, qui a son tour aurait étudié l’information et déclenché les mesures suivant les moyens et/ou méthodes appropriés, pour connaître l’origine et la destination de ces fonds, avant d’en aviser les autorités sécuritaires et judiciaires. Employant la litote, le directeur de la CTRF, Sid Ahmed Saïdi, exprime parfaitement cette frustration dans son mot publié sur le site web de la cellule.
Il écrit : «Même si la Cellule a réussi à se mettre en conformité avec les exigences internationales dans le domaine AML/CFT, d’autres défis l’attendent notamment, dont celui de l’efficacité, et ce, à travers l’implication effective de l’ensemble des assujettis à l’obligation de déclaration par, notamment, la mise à niveau de leurs systèmes de détection, mais également de celle d’autres acteurs-clés dans cette lutte, particulièrement les administrations des Douanes, Domaines et Impôts, ainsi que la Banque d’Algérie et le CNRC.»
Edifiant ! Cela dit, l’Algérie est sortie effectivement de la zone grise du GAFI. Dans un rapport publié en février 2016, l’organisme international a reconnu que l’Algérie a fait des progrès significatifs dans l’amélioration de son régime de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme et ne sera donc plus soumise au processus de surveillance.
Le GAFI identifie les juridictions qui présentent des défaillances stratégiques aux normes pour la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et classe les pays, selon leurs comportements, sur liste noire ou liste grise.
Jusqu’à octobre 2021, il a identifié 97 juridictions à hauts risques et sous surveillance, parmi lesquelles les îles Caïmans, Malte, le Maroc, le Nicaragua, l’Ouganda, le Pakistan, ou encore Panama.