Le changement opéré samedi à la tête de l’Exécutif avec la nomination, par le président Abdelmadjid Tebboune, de Nadir Larbaoui, ex-chef de cabinet à la présidence de la République, au poste de Premier ministre, en remplacement de Aïmene Benabderrahmane, a surpris les observateurs politiques autant que l’opinion nationale, aussi bien par son timing que par le choix du nouveau locataire du Palais du gouvernement.
Même si elle était dans l’air et les prévisions de certains médias nationaux qui avaient annoncé, plus d’une fois, la disgrâce imminente de Aïmene Benabderahmane, la perspective d’apporter un sang neuf à la tête du gouvernement ne semblait pas être une urgence signalée sur les tablettes du président de la République.
D’autant que l’ex-Premier ministre venait fraîchement, en septembre dernier, de subir avec succès son grand oral devant le Parlement, dans ses deux Chambres, lors de la présentation de la Déclaration de politique générale validant le bilan annuel du programme d’action du gouvernement.
Que s’est-il passé, dans l’intervalle, pour que l’ancien Premier ministre quitte le gouvernement, à un moment où rien n’indiquait que ses jours étaient comptés.
Tout porte à croire que la décision du président Tebboune de se séparer de son ancien chef de gouvernement était déjà actée depuis un certain temps. Selon toute vraisemblance, son maintien à son poste pourrait s’expliquer par le souci du président Tebboune d’assurer la continuité des affaires de l’Etat, dans le respect de la voie constitutionnelle.
En veillant à ce que la Déclaration de politique générale du gouvernement soit présentée devant le Parlement, dans le délai requis, et en évitant le parasitage, sur fond de crise institutionnelle, du rendez-vous, crucial, du débat autour du projet de loi de finances pour 2024 et de son examen et adoption, prochainement, devant les députés et sénateurs.
Procéder à la nomination d’un nouveau chef de l’Exécutif, au milieu du gué, en faisant fi de l’agenda institutionnel du moment, aurait eu, fatalement, des conséquences fâcheuses sur la stabilité des institutions. Les formes constitutionnelles étant sauves, scrupuleusement respectées, la démarche apparaît, néanmoins, quelque peu singulière dans le sens où c’est à un nouveau gouvernement, avec à sa tête un nouveau Premier ministre, qu’échoit la responsabilité de défendre devant le Parlement, à tout le moins, les textes de loi, dont celui portant loi de finances pour 2024 dont il hérite, tout en assurant la continuité du programme d’action du gouvernement sortant, dans l’intervalle de l’élaboration de son propre programme d’action. C’est ce qui ressort de la lecture formelle de l’articulation des pouvoirs, au regard de la Constitution.
Cependant, les changements structurels introduits par le président Tebboune dans l’organisation et le fonctionnement de l’appareil de l’Etat et de ses institutions, en mettant en place un réseau de conseillers auprès de la présidence de la République, qualifié par les observateurs de gouvernement- bis, piloté par Nadir Larbaoui, donnent une certaine cohérence et traçabilité politique à la démarche présidentielle.
L’empreinte de Nadir Larbaoui dans les dossiers sectoriels sur lesquels a planché cette superstructure institutionnelle, dont il assurait la coordination, met le nouveau Premier ministre dans une position confortable pour aborder sa nouvelle mission sous le signe de la continuité pleinement assumée, tout en se fixant un nouveau cap exigé par le poids des défis multiformes auxquels est confronté le pays. Un cap dont la feuille de route est tracée par le programme présidentiel et que le nouveau Premier ministre aura la lourde responsabilité de dynamiser et de mener à bon port.
Intervenant à quelques encablures du mandat finissant de Abdelmadjid Tebboune, le challenge de Nadir Larbaoui ressemble, à bien des égards, à celui de l’athlète de haut niveau qu’il fut dans une autre vie. Engagé dans les derniers mètres, dans une course de vitesse, en tant que relayeur-sprinter du projet présidentiel, fonçant, triomphalement, toutes voiles dehors, vers la ligne d’arrivée.