Au moins 274 morts en trois jours, dont trois fils d’Ismaïl Haniyeh : Un Aïd noir à Ghaza

13/04/2024 mis à jour: 06:30
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Dans la continuité de leur Ramadhan cauchemardesque, les Ghazaouis n’ont pas connu de répit durant l’Aïd El Fitr. Selon le ministère de la Santé du gouvernement Hamas à Ghaza, 122 Palestiniens ont été tués la veille de l’Aïd, dans la nuit de mardi à mercredi, et 63 morts ont été recensés entre mercredi et jeudi, tandis qu’une série de raids a fait 89 morts en 24 heures, entre jeudi et hier. 

Ainsi, pas moins de 274 morts ont été enregistrés entre la veille de l’Aïd et la matinée d’hier. Avec ces nouveaux cortèges d’innocents fauchés par la machine de guerre israélienne, le bilan de la guerre contre Ghaza s’élève désormais à 33 634 morts et 76 214 blessés. 


Parmi les dernières victimes de la frénésie meurtrière israélienne figurent trois fils d’Ismaïl Haniyeh, le chef du bureau politique du Hamas. Mercredi 10 avril, le premier jour de l’Aïd, Mohammad, Hazem et Amir Haniyeh ont été sauvagement exécutés par une frappe israélienne alors qu’ils se trouvaient dans un véhicule à destination du camp de réfugiés dit Al Chati’, sur la côte ouest de la ville de Ghaza. Les trois fils du chef politique du Hamas, faut-il le préciser, étaient accompagnés de leurs enfants. Ils devaient effectuer une visite familiale à leurs proches qui habitaient le camp d’Al Chati’. D’après le mouvement Hamas, outre les trois fils d’Ismaïl Haniyeh, quatre de ses petits-enfants qui se trouvaient dans le véhicule ciblé ont également été tués. L’armée israélienne a justifié son crime en affirmant que Mohammad, Hazem et Amir étaient «des agents militaires du Hamas». Les gamins eux aussi étaient des «terroristes du Hamas ?» 


La détermination d’Ismaïl Haniyeh 

Réagissant à cette boucherie qui lui a ravi la chair de sa chair, Ismaïl Haniyeh a accueilli la nouvelle avec beaucoup de courage et de dignité. «Je rends grâce à Dieu pour cet honneur qu’Il nous a accordé avec le martyre de mes trois fils et de mes petits-enfants... Avec cette douleur et ce sang versé, nous créons l’espoir et nous assurons l’avenir et la liberté pour notre peuple, pour notre cause et pour notre nation» a-t-il déclaré à la chaîne Al Jazeera. Il ajoute : «Mes fils martyrs ont eu l’honneur de l’opportunité du temps, du lieu et de la destinée. Ils sont restés avec notre peuple dans la bande de Ghaza et ne l’ont pas abandonné. Tout le peuple et toutes les familles de Ghaza ont payé un lourd tribut à travers le sacrifice de leurs enfants et moi je suis l’un d’entre eux. Près de 60 membres de ma famille sont tombés en martyrs comme tous les enfants du peuple palestinien (tombés en martyrs), il n’y a pas de différence entre eux.» 

Le chef politique du Hamas précise dans la foulée : «L’occupant pense qu’en ciblant les enfants des dirigeants, il va briser la détermination de notre peuple. Nous lui disons : ce sang versé ne fera que nous rendre plus forts et plus attachés à nos principes et à notre terre. L’ennemi ne parviendra pas à atteindre ses objectifs, et les citadelles ne tomberont pas. Et ce qu’il n’a pas réussi à prendre par le meurtre, la destruction et le génocide, il ne le prendra pas par les négociations.» Et de marteler : «L’ennemi se trompe s’il pense qu’en tuant mes fils, nous changerons nos positions. Le sang de mes fils n’est pas plus précieux que le sang des enfants martyrs de notre peuple à Ghaza. Ce sont tous mes enfants. Le sang de mes fils s’ajoute aux sacrifices consentis sur la voie de la libération d’Al Qods et d’Al Aqsa.»


«Notre cœur n’est pas à la fête»


Les Palestiniens de Ghaza auront ainsi eu droit à un Aïd des plus tristes, accueillant la fin du mois de jeûne sous un déluge de missiles. «La bande de Ghaza accueille la fête de l’Aïd El Fitr avec plus de tristesse, de chagrin et de douleur, à la lumière des crimes continus perpétrés par l’armée d’occupation et de la poursuite de la guerre de génocide et du nettoyage ethnique», a déploré mercredi le Bureau des médias du gouvernement Hamas, cité par l’APS. «Ghaza accueille l’Aïd avec un surcroît de martyrs et de blessés, et les forces d’occupation continuent de bombarder des maisons et des institutions civiles, leur dernière attaque étant un massacre horrible mardi (au camp de Nusseirat), qui a fait 14 martyrs», poursuit la même source. Et de faire remarquer : «L’occupant mène ses actes criminels et militaires depuis le matin de l’Aïd (mercredi, ndlr), avec ses avions de guerre survolant la bande de Ghaza et ses chars tirant des missiles en continu, au mépris des sentiments des musulmans et des Palestiniens.»
Ahmed Qishta, un déplacé qui s’est réfugié à Rafah, père de quatre enfants, a le cœur lourd. «Je jure devant Dieu que nous n’avons jamais vécu un Aïd comme celui-ci, plein de tristesse, de peur, de destruction et de dévastation» déclare-t-il à l’AFP. 

Dans Ghaza en un champ de ruines, il n’y a même plus de mosquée pour accueillir la prière de l’Aïd. «L’année dernière, la mosquée Al Farouq était encore là, mais cette année, elle a été prise pour cible deux ou trois semaines avant le début du Ramadhan», affirme à l’AFP Ahmed Abou Chaer, déplacé à Rafah. Ce sinistré de la guerre a dû prier «sous la grande tente blanche servant de lieu de prière, trop exiguë pour les dizaines de Ghazaouis rassemblés dans ce quartier de Rafah», note l’agence française. Abir Sakik, une autre rescapée des tueries sionistes, la quarantaine, se souvient que l’Aïd avait une autre saveur à Ghaza, malgré le blocus. Il y régnait «une atmosphère douce» avec une profusion de «jouets pour les enfants, de gâteaux, de boissons et de chocolats dans chaque maison», témoigne-t-elle à l’AFP. Mais celui de cette année, «c’est un Aïd de tristesse et d’épuisement». 

«Nous avons fait les gâteaux avec des dattes. Il n’y a pas d’ingrédients. Mais nous voulions nous réjouir malgré tout le sang, la mort et les bombardements.» «Assez, assez de guerre et de destruction», se lamente Abir. Hikmat Abu Anza, une femme de 43 ans réfugiée elle aussi à Rafah, n’a pas davantage le cœur aux réjouissances de l’Aïd. «Notre cœur n’est pas à la fête, car tous ceux que nous aimions sont partis, nous les avons perdus», dit-elle à un journaliste de l’AFP. Un autre Ghazaoui en détresse témoigne avoir distribué à ses enfants, pour marquer l’événement autrefois réputé heureux, des «sucreries de rations des Nations unies», rapporte l’agence française. «Tout le monde est dispersé. Les frères, les sœurs et les parents sont séparés», regrette Nihaya Atallah, une autre Palestinienne en détresse. Ritaj, 12 ans, a perdu le sourire : «Ma maison que j’adorais dans la ville de Ghaza a été détruite et mes proches sont toujours là-bas. Ils doivent se déplacer d’un endroit à l’autre, comment pourrais-je me réjouir ?» lâche-t-elle. 


L’occupant s’engage à ouvrir plus de passages pour l’aide humanitaire


Et toujours pas de trêve qui donnerait un peu d’air aux Palestiniens. Une nouvelle proposition a été soumise il y a quelques jours par les pays médiateurs, mais ils attendent toujours une réponse. Cette nouvelle proposition comprend trois phases. «La première étape prévoit une trêve de six semaines, la libération de 42 otages retenus à Ghaza en échange de 800 à 900 Palestiniens incarcérés par Israël, l’entrée de 400 à 500 camions d’aide alimentaire chaque jour et le retour chez eux des habitants du nord de la bande de Ghaza déplacés par la guerre», détaille l’AFP qui cite un cadre du Hamas. Faute d’un accord, Israël continue à préparer sa grande offensive terrestre sur Rafah où se sont réfugiés quelque un million et demi de personnes. 


Dans une déclaration à la chaîne américaine, Univision qui diffuse en langue espagnole, Joe Biden a appelé une nouvelle fois l’entité sioniste à la retenue. «Ce que je demande, c’est que les Israéliens appellent à un cessez-le-feu, qu’ils autorisent pour les six ou huit prochaines semaines un accès total à la nourriture et aux médicaments entrant dans le pays», a-t-il insisté. Dans cette même interview diffusée mardi, le président américain a qualifié «d’erreur» la façon dont Netanyahu conduit la guerre. «Je pense que ce qu’il fait est une erreur. Je ne suis pas d’accord avec son approche» s’est-il agacé. Mercredi, le président des Etats-Unis est encore revenu à la charge pour presser Israël de laisser entrer l’aide humanitaire à Ghaza, sachant que l’Etat hébreu s’est engagé solennellement à accélérer l’acheminement des flux d’aide vers l’enclave asphyxiée. Le 18 mars, cinq ONG ont adressé une pétition à la Cour suprême israélienne afin de contraindre l’entité sioniste à «respecter ses obligations de puissance occupante». 

La Cour suprême a donné un délai jusqu’au 10 avril pour «s’expliquer sur sa politique en matière d’aide humanitaire à Ghaza». «A la veille de cette échéance, les autorités israéliennes ont affirmé que 468 camions étaient entrés mardi dans la bande de Ghaza, le nombre le plus élevé en une journée depuis le début de la guerre», indique l’AFP. «Nous assistons à un changement radical qui, nous l’espérons, se poursuivra et s’étendra», s’est réjouie la cheffe de l’Agence américaine pour le développement international (Usaid), Samantha Power, avant d’inciter Israël à laisser entrer plus de 500 camions par jour comme avant la guerre. «Le mois dernier, la moyenne quotidienne était de 213 camions (par jour, ndlr) et avant cela de 170», a avoué le ministre de la Défense,Yoav Gallant, d’après l’AFP, ajoutant que l’objectif était d’atteindre rapidement une moyenne de 500 camions par jour grâce à l’ouverture d’autres passages. 


Le Conseil de sécurité fait pression sur Israël


Le Conseil de sécurité de l’ONU a pris acte de l’engagement du gouvernement israélien à ouvrir plus de points de passage pour l’acheminement de l’aide humanitaire vers Ghaza. Dans une déclaration rendue publique jeudi, les membres du Conseil de sécurité ont en effet «pris note de l’annonce d’Israël d’ouvrir le point de passage d’Erez et de permettre l’utilisation du port d’Ashdod pour l’aide à Ghaza» et ont souligné la «nécessité d’appliquer immédiatement et totalement cette décision de manière durable». Ils ont en outre exhorté Israël à faire davantage «pour apporter l’aide humanitaire nécessaire face à l’ampleur des besoins à Ghaza». Les membres du Conseil de sécurité ont exprimé «leur profonde inquiétude concernant le bilan humain du conflit, la situation humanitaire catastrophique et la menace d’une famine imminente».  

Ils ont appelé à «la levée immédiate de tous les obstacles à la livraison d’une aide humanitaire d’ampleur à la population civile et à la distribution sans entrave de cette aide». Le Conseil de sécurité de l’ONU a par ailleurs insisté sur «la nécessité d’une enquête complète, transparente et exhaustive sur la mort de sept travailleurs de l’ONG World Central Kitchen» tués le 1er avril  par une frappe israélienne à Deir El Balah.


A noter que parmi les raids israéliens menés hier, l’un d’eux a ciblé une équipe de la chaîne turque TRT Arabi. «Le caméraman de TRT Arabi, Sami Shehadeh, a été amputé de la jambe après que la voiture de son équipe a été ciblée dans le camp de Nuseirat dans le centre de Ghaza, en Palestine», a rapporté le site TRT français sur sa page Facebook, avant de préciser : «De nombreux journalistes ont été blessés alors qu’ils couvraient les attaques israéliennes sur Ghaza ce vendredi 12 avril.» 

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