Il est symptomatique de la dégradation de la qualité du débat national quand un secteur aussi névralgique que celui de l’éducation ne soit évoqué qu’à l’occasion des vacances scolaires ou de l’enclenchement des mouvements de grève des enseignants. Vidée de son contenu pédagogique et des questionnements que cela soulève, l’année scolaire est vouée aux joutes syndicales et à la perpétuelle préoccupation liée à la programmation des examens.
Le débat est clôturé au terme des épreuves de fin d’année, dont les taux de réussite bénéficient souvent de quelque artifice amplificateur. Un rituel qui voile l’ampleur de la déliquescence de l’institution éducative, sans perspective de revalorisation d’un domaine qui détermine pourtant le sort d’un pays.
A l’heure où l’on ne parle que de budgétisation effrénée pour d’autres secteurs oubliés depuis longtemps et de «Plans Marshall» tous azimuts, il serait peut-être opportun de remettre à l’ordre du jour le dossier de l’école, pour établir son bilan et dessiner son devenir. Il n’y a aucun segment de la vie nationale qui peut connaître une nouvelle dynamique de développement si le processus de formation n’est pas revu et réformé à la base.
La première urgence est sans doute d’éloigner les conflits sociaux des structures éducatives où la seule activité qui doit être promue est celle de l’enseignement. Alors que la baisse du niveau de vie affecte des pans entiers de la société, à commencer par les chômeurs et les rangs étoffés du pré-emploi, c’est la question du statut particulier qui polarise l’attention des personnels enseignants sous l’impulsion des syndicats, lesquels ont connu un foisonnement inédit ces dernières années, comme l’ont observé des spécialistes du dossier.
L’on ne s’embarrasse plus alors de surenchère lorsque, en pleine grève, on assure que le «boycott des examens» n’est pas dirigé contre les élèves mais contre l’administration. Dans l’éducation plus que dans tout autre secteur, l’obligation de résultat est, au moins, aussi sacralisée que l’exercice syndical.
Quand la sérénité et la stabilité auront regagné le secteur de l’enseignement, il sera alors possible d’engager un début de réflexion sur la réforme éducative. Plaidée avec fracas par un ancien Premier ministre, que la tourmente nationale a jeté en prison, la réhabilitation des mathématiques et autres disciplines scientifiques est une option incontournable quand on se fixe pour objectif d’esquisser des perspectives de développement pour le pays. Les techniciens du domaine, lorsqu’ils sont sollicités sur la base de critères scientifiques, sauront déterminer la place et le volume horaire de chaque matière dans l’emploi du temps des élèves.
Tiraillée entre les accès de fièvre sociale au sein de son encadrement et le poids idéologique dans les centres de décision, l’école doit être restituée aux professionnels qui ont accumulé une expérience dans les instances nationales mais aussi à travers le monde. Sans excès ni stigmatisation, le renforcement de l’enseignement de la langue anglaise doit être examiné avec objectivité. Il n’est pas possible de considérer que c’est un tort que de permettre aux générations futures de communiquer avec les trois quarts de la planète.
Le transfert et l’assimilation des connaissances sont d’abord une connaissance de langues. Le statu quo sera dépassé lorsque tous les acteurs de la vie nationale auront admis que, lorsqu’un pays connaît une éclaircie à son horizon, au commencement était l’école.