Au cœur d’une crise diplomatique entre Paris et Alger : La justice française annule l’expulsion vers l’Algérie de «Doualemn»

08/02/2025 mis à jour: 20:58
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Tribunal administratif de Melun (France)

L'affaire «Doualemn», au cœur d'un bras de fer diplomatique entre Paris et Alger, connaît un nouveau rebondissement. 

Le tribunal administratif de Melun a décidé,  jeudi 6 février, d'annuler l'Obligation de quitter le territoire français (OQTF) visant ce tiktokeur algérien vivant en France depuis plus de 30 ans et a levé l'interdiction de retour sur le territoire français dont il faisait l'objet pour une durée de trois ans. 

Le 29 janvier, le tribunal administratif de Paris avait déjà suspendu en urgence l’expulsion de l’homme de 59 ans vers l’Algérie, au motif que la procédure d’urgence utilisée par le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau n’était, selon lui, pas justifiée.

L'affaire, qui a débuté par une publication sur TikTok dans laquelle Doualemn, de son vrai nom Boualem Naman, avait tenu des propos haineux contre un Algérien, a pris une dimension politique. Interpellé à Montpellier le 5 janvier, «Doualemn» avait été placé en rétention administrative. 

Le ministre français de l'Intérieur a usé d'une procédure d'urgence pour l'expulser en Algérie. Or, les autorités algériennes ont refusé l'entrée du quinquagénaire, le renvoyant en France le 9 janvier. Une action perçue comme «une humiliation» par le ministre français de l’Intérieur, Bruno Retailleau. 

L'Algérie, dans un communiqué, a rappelé que «Doualemn» résidait en France depuis 36 ans et disposait d'un permis de séjour depuis 15 ans. Son intégration sociale, attestée par un emploi stable et une famille constituée sur le sol français, plaidait en faveur d'un examen approfondi de son cas. Alger a aussi pointé l'absence de procès judiciaire avant l'exécution de l'expulsion. «Le ressortissant objet de l’expulsion est père de deux enfants nés de son union avec une ressortissante française. Il est socialement intégré dans la mesure où il exerce un emploi stable depuis 15 ans», affirme le ministère algérien des Affaires étrangères dans son communiqué de presse. 

Et de souligner : «Ce ressortissant n’a pas pu bénéficier d’un procès judiciaire en bonne et due forme qui constitue un rempart contre l’abus de pouvoir dans la mesure où son ordre d’expulsion, s’il avait été mené à son terme, l’aurait privé de défendre ses droits lors du procès prévu le 24 février».  Suite à cette expulsion ratée, la France de Retailleau a estimé que «l’Algérie cherchait à humilier la France». 
 

Rétention illégale

Désormais libre, le tiktokeur s’est même vu octroyer une indemnisation de 1200 euros en raison de la rétention illégale à laquelle il a été soumis depuis le 29 janvier. Il devra attendre le réexamen de sa situation sous trois mois, comme l'a ordonné le tribunal. En attendant, il bénéficiera d'une autorisation provisoire de séjour. 

Ses avocats, Marie David-Bellouard et Julie Gonidec, se sont félicités de cette décision, dénonçant «un acharnement féroce et aveugle» de la part des autorités françaises. «Le ministère a joué son va-tout et a perdu. Nous dénonçons une rétention illégale depuis le 29 janvier et saluons une décision logique qui y met un terme», ont-elles écrit.

Bruno Retailleau a immédiatement annoncé son intention de faire appel et de «continuer la procédure d'expulsion». «Il y a des points sur lesquels on doit changer la loi», a-t-il affirmé fustigeant un droit français «trop protecteur» à ses yeux. Cette décision de justice est «le signe de l’extrême difficulté en France d’expulser, de tenir nos frontières. Notre droit rend très difficile le fait de prendre le contrôle de l’immigration», a-t-il déclaré, insistant sur le fait que les propos de l’influenceur étaient, selon lui, «évidemment une incitation à la haine». 

Le ministre français de la Justice, Gérald Darmanin, a abondé dans le même sens. «S’il faut modifier la loi une nouvelle fois pour que les choses soient extrêmement claires et que la République et l’Etat ne fassent pas preuve d’impuissance mais expulsent du territoire national toute personne étrangère irrégulière. 

Alors il faudra modifier la loi», a, de son côté, déclaré le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, à l’Assemblée nationale.

 

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