Le Centre de recherche en économie appliquée pour le développement (Cread) lance un projet de recherche sur une thématique d’une extrême importance : «La rétention des compétences étrangères formées en Algérie».
Conduit par un groupe de sociologues chercheurs très connus, dont Mohamed Saïb Musette, Samir Djelti, Zahir Hadibi, Hocine Labdelaoui…, ce travail scientifique devra donner des réponses à la question de la formation des compétences étrangères en Algérie, sans tirer profit de leur savoir, comme c’est le cas dans de nombreux pays étrangers.
A l’occasion du lancement du projet, un atelier a été organisé dimanche dernier à Alger, avec la participation de plusieurs chercheurs ayant présenté des communications sur la «Migration et travailleurs étrangers en Algérie» (Hocine Labdelaoui), «Conditions de vie des étudiants étrangers en Algérie» (Zahir Hadibi), «Politiques de rétention des étudiants étrangers» (Sabrina Mortet) et «Algeria within the Global Talent Competitiveness» (M. S. Musette).
L’atelier en question a permis de présenter le cadre général justifiant le lancement de ce projet de recherche. «Dans un monde de plus en plus en osmose, la migration des compétences est devenue une évidence, non seulement dans les pays en développement, mais aussi dans les pays les plus développés et qui adoptent les politiques migratoires les plus sophistiquées», précise les initiateurs de cette recherche.
De ce fait, ajoutent-ils, «les étudiants formés dans un pays ne représentent pas forcément une réserve de main-d’œuvre pour le futur». «Cette réalité est plus visible dans le cas des diplômes difficiles, qui demandent un budget considérable et une longue durée de formation.
Petit à petit, les pays sont entrés dans une compétition pour retenir ces compétences, à travers la mise en place des politiques attractives de compétences au niveau international. Le but de cet atelier de lancement du projet est de produire une connaissance profonde sur l’opportunité de l’Algérie d’organiser ses capacités d’attraction des talents», indiquent-ils.
Construire une politique
L’Algérie profite-t-elle des compétences étrangères formées dans ses universités ? Pourquoi n’arrive-t-elle pas à les retenir ? En réponse à ces interrogations, le sociologue Zahir Hadibi résume la situation.
«L’Algérie, fidèle à son histoire et à sa solidarité avec les pays africains, offre régulièrement des bourses d’études, mais elle n’a pas encore adopté une stratégie d’investissement dans le marché international de l’ES ou de la rétention des talents», explique-t-il, en conclusion de son intervention sur cette thématique, axée notamment sur les étudiants en médecine et les STIM (sciences, technologie, ingénierie et mathématiques).
Le sociologue souligne aussi le taux assez faible d’étudiants étrangers en Algérie (0,5%) par rapport aux pays voisins (Maroc et Tunisie), où ils sont quatre fois plus importants. En prenant appui sur le rapport de recherche sur les étudiants étrangers (Cread 2019), il affirme que le taux de rétention des étudiants est encore très faible.
Intervenant lors de la même occasion, Sabrina Mortet a exposé l’expérience du Canada pour cerner les éléments d’une politique de rétention des étudiants. Dans ce pays, souligne-t-elle, «il y a un dispositif national pour le recrutement des étudiants internationaux».
«Il a y aussi différents programmes au niveau des universités mis en œuvre pour la rétention des étudiants étrangers. La stratégie canadienne a porté ses fruits avec un stock de plus d’un million d’étudiants internationaux, certes avec des concentrations dans certains régions», indique-t-elle.
Mohamed Saïb Musette, pour sa part, présente un exposé, d’abord sur le classement de l’Algérie selon l’indice de la compétition mondiale des compétences (l’Algérie est classée 102e mondial selon cet indice, sur 132 pays dans le monde en 2023).
«Ce classement peut être amélioré avec la production des indicateurs de la rétention et de l’attractivité des compétences», insiste-t-il. Selon lui, avant de parler de rétention, «il faut construire notre capacité d’attraction des étudiants étrangers, sachant que le nombre des boursiers étrangers est en baisse par rapport aux dix dernières années».