Alibaba Group, le géant chinois de la technologie, a annoncé, jeudi, qu’il envisageait de céder des actifs non stratégiques et d’abandonner le contrôle de certaines de ses activités, dans le cadre d’une vaste restructuration de ses opérations.
Le conglomérat prévoit de scinder ses activités en six unités principales, allant du commerce électronique à l’informatique dématérialisée, qui pourront éventuellement lever des fonds ou s’introduire en Bourse.
«Alibaba sera davantage un gestionnaire d’actifs et de capitaux qu’un opérateur commercial», a déclaré le PDG du groupe, Daniel Zhang, lors d’une conférence téléphonique avec des investisseurs.
Le directeur financier, Toby Xu, a indiqué que chaque nouvelle entité pourrait décider de façon indépendante de lever des fonds et d’engager une IPO «quand elle sera prête».
Toutefois, Alibaba décidera du maintien ou non de son contrôle sur chaque entité après leur entrée en Bourse. «Parallèlement à cette restructuration, le groupe prévoit également de céder des actifs non stratégiques pour optimiser sa structure de capital», a déclaré le directeur financier.
Cette annonce intervient après une offensive règlementaire menée fin 2020 par les autorités chinoises sur le secteur technologique, qui a entraîné une chute de la capitalisation boursière d’Alibaba de plus de 60%.
Il est passé de plus de 800 milliards de dollars à 260 milliards de dollars. Néanmoins, l’action d’Alibaba a progressé de plus de 2% à la Bourse de Hong Kong jeudi, après avoir bondi de 12% la veille. Signalons que le groupe Alibaba avait annoncé, mardi, le groupe a décidé de se scinder en six entités.
Chacune concentrée sur un secteur d’activité : l’informatique dite «en nuage», ou «à distance», le commerce en ligne, la logistique, les divertissements, les médias et l’intelligence artificielle.
Le service d’informatique «en nuage» (cloud) était considéré comme un rival d’Amazon jusqu’à l’an passé, lorsque le gouvernement chinois a suspendu son partenariat avec Alibaba. Il a estimé que l’entreprise avait des vulnérabilités en matière de cybersécurité.
La branche divertissements d’Alibaba gère Youku, l’une des principales plateformes de partage de vidéos en ligne en Chine. Les six entités auront chacune un PDG et un conseil d’administration. Les activités des applications de vente en ligne Taobao et Tmall, très populaires en Chine, continueront toutefois d’être détenues à 100% par le groupe Alibaba.
L’entreprise, dont le siège se trouve à Hangzhou (est de la Chine), a présenté cette restructuration comme le «plus important remaniement en matière de gouvernance en 24 ans» d’existence. «Le marché est le meilleur test, et chaque entité pourra procéder à des levées de fonds indépendantes et à une introduction en Bourse quand elle sera prête à le faire», a indiqué le patron du groupe, Daniel Zhang.
Pourquoi cette restructuration ?
La fragmentation en unités plus petites devrait rendre Alibaba plus flexible et réactif. Elle devrait également contribuer à éviter que les campagnes de régulation du gouvernement frappent l’ensemble de l’entreprise, selon des analystes.
«Le chiffre d’affaires d’Alibaba sur son activité principale, le commerce en ligne, a baissé l’année dernière car la pression des concurrents était (...) forte», souligne Li Chengdong, fondateur de Dolphin, un groupe de réflexion basé à Pékin et spécialisé dans les technologies.
«Avec cette restructuration, (la principale application de e-commerce du groupe), Taobao, gagne en légèreté et pourra mieux faire face aux nouvelles formes de concurrence.» Alibaba a été l’une des principales cibles des régulateurs chinois, inquiets de voir un petit nombre de géants du secteur technologique accumuler trop de pouvoir, de capital et avoir un quasi-monopole sur certaines activités.
«Cette scission est une décision intelligente», juge Jeffrey Towson, analyste au sein du cabinet de conseil Techmoat. «Désormais, Alibaba ne sera plus considéré comme un acteur aussi dominant», ajoute-t-il. «Et si un problème de nature politique frappe une partie de l’entreprise, le reste des activités ne sera pas affecté.»
Quel est le contexte ?
Des indices semblent suggérer que la campagne des régulateurs faiblit. Lors de la session annuelle du Parlement chinois début mars, des responsables politiques ont appelé à un soutien plus fort au secteur privé, laminé par près de trois ans de restrictions anti-Covid.
L’annonce mardi de la restructuration d’Alibaba intervient après la réapparition en début de semaine en Chine continentale de son charismatique fondateur, Jack Ma, après une longue absence de la scène publique. L’homme de 58 ans fait profil bas depuis fin 2020, lorsqu’il s’en était pris dans un discours aux régulateurs chinois, qui avaient fait annuler l’énorme introduction en Bourse d’Ant Group, entreprise financière sœur d’Alibaba.
En janvier, Ant Group a indiqué que Jack Ma ne détenait plus aucun pouvoir de contrôle sur la société. Une situation qui, selon des analystes, a pu contribuer à alléger la pression des régulateurs sur Ant et Alibaba.