Le président syrien Bachar Al-Assad a été invité hier par l’Arabie Saoudite au prochain sommet arabe, prévu le 19 mai dans le royaume, rapporte l’AFP.
Le chef de l’Etat «a reçu une invitation du roi Salmane» d’Arabie Saoudite pour participer au sommet annuel qui se tient cette année dans la ville saoudienne de Jeddah (ouest), a annoncé la présidence syrienne dans un communiqué.
Cette invitation intervient après la réintégration, dimanche, de la Syrie au sein de la Ligue arabe, dont elle a été exclue à la suite des révoltes populaires en 2011. L’organisation panarabe a également imposé dans la foulée de ce soulèvement des sanctions économiques à la Syrie et la fin des liaisons aériennes, après des mesures économiques américaines et européennes contre des dirigeants et des intérêts économiques syriens.
En février 2012, les pays du Conseil de coopération du Golfe (Bahreïn, Koweït, Oman, Qatar, Arabie saoudite et Emirats arabes unis) ont rappelé leurs ambassadeurs de Syrie. Le dernier sommet annuel de la Ligue arabe auquel a participé le chef de l’Etat syrien s’est tenu en 2010 à Syrte en Libye. En 2013, l’opposition anti-Assad a même été invitée à occuper le siège de la Syrie lors d’un sommet de la Ligue arabe au Qatar, un des pays qui a soutenu les rebelles syriens.
Annoncée à l’issue de la réunion des ministres arabes des Affaires étrangères au Caire (Egypte) cette réintégration surgit dans le sillage de bouleversements régionaux, marqués notamment par la réconciliation entre l’Arabie Saoudite et l’Iran, allié de Al-Assad.
Deux jours plus tard, Riyad et Damas ont annoncé la réouverture de leurs représentations diplomatiques, après onze ans de rupture. Al- Assad a bénéficié de l’élan de solidarité suscité par le tremblement de terre du 6 février. Plusieurs pays arabes ont envoyé de l’aide humanitaire via Damas et Alep, contrôlés par les forces loyales.
Quelques heures après la catastrophe, le président égyptien, Abdel Fattah Al-Sissi, a appelé son homologue syrien pour lui présenter ses condoléances et lui promettre une «aide humanitaire d’urgence». Deux semaines après, le président syrien s’est rendu dans le sultanat d’Oman.
Ankara veut changer de vision
De leur côté, les ministres des Affaires étrangères turc et syrien se sont rencontrés hier en Russie, autre puissance très proche de Bachar Al-Assad, pour la première fois depuis 2011.
En présence de ses homologues russe et iranien, Moscou a proposé d’élaborer une feuille de route pour normaliser les relations entre Damas et Ankara. «Un résultat optimal de notre rencontre d’aujourd’hui pourrait être un accord pour charger des experts d’élaborer (...) un projet de feuille de route pour une normalisation turco-syrienne, qui sera ensuite présentée à nos chefs d’Etat», a déclaré le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, au début de la réunion.
Selon lui, ce document doit permettre à Damas et Ankara de «fixer clairement leurs positions sur les sujets prioritaires pour eux» afin de pouvoir «rétablir le contrôle du gouvernement syrien sur l’ensemble du territoire du pays et assurer de manière solide la sécurité de la frontière avec la Turquie de 900 km de long». «Il est également important d’évoquer le rétablissement des liaisons logistiques qui ont été rompues entre les deux pays voisins et la reprise de la coopération économique sans barrière quelconque», a-t-il observé. «Nous avons tous intérêt à ce que les relations entre la Syrie et la Turquie reprennent sur la base de l’égalité et du respect» mutuels, a-t-il soutenu.
Ankara présente cette réunion entre ministres des Affaires étrangères comme un préalable à un sommet entre les dirigeants turc et syrien. Le président turc Recep Tayyip Erdogan s’efforce désormais de renouer les liens avec Damas, avec le but affiché de renvoyer une partie des 3,7 millions de Syriens réfugiés sur le sol turc. Al- Assad, dont le pays sort progressivement de son isolement régional, a toutefois conditionné toute rencontre avec Erdogan au retrait des troupes turques déployées dans le nord de la Syrie.
En septembre 2011, six mois après le début de manifestations pacifiques contre Bachar al-Assad réprimées dans le sang, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan, dont le président syrien est encore un «ami» quelques mois plus tôt, observe : «Le peuple syrien ne croit pas Assad, moi non plus». «Je crains que les choses ne tournent à la guerre civile entre alaouites et sunnites».
Se rangeant aux côtés des puissances occidentales, Ankara s’engagera dans une escalade verbale et diplomatique contre son voisin, avant de prendre des sanctions à son égard. En octobre, après plusieurs réunions en Turquie, des opposants créent un Conseil national syrien réunissant les courants politiques opposés au régime. Un colonel déserteur syrien, réfugié en Turquie, a fondé en juillet l’Armée syrienne libre (ASL), composée de déserteurs et de civils ayant pris les armes pour combattre le régime de Damas.
Fin 2012, la Turquie reconnaît la nouvelle Coalition de l’opposition en tant que «seule représentante légitime du peuple syrien».
Fin 2014, l’armée turque refuse de venir en aide aux combattants kurdes qui défendent Kobané face aux jihadistes du groupe Etat islamique (EI). Ankara craint de voir émerger en Syrie une région autonome tenue par les milices kurdes proches du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), actif depuis 1984 sur le sol turc.
En juillet 2015, la Turquie est rattrapée par le conflit en Syrie, avec un attentat attribué à l’EI à Suruç, près de la frontière syrienne (34 morts). Le président Erdogan lance une «guerre contre le terrorisme» visant simultanément le PKK et l’EI. En août, Ankara rejoint la coalition contre l’EI, puis resserre ses contrôles dans les aéroports et à sa frontière.
D’août 2016 à mars 2017, Ankara lance l’opération «Bouclier de l’Euphrate» dans le nord syrien, de l’autre côté de sa frontière, pour débarrasser la zone, selon elle, à la fois du groupe jihadiste Etat islamique (EI) et de la milice kurde des Unités de protection du peuple (YPG). Partenaires des Occidentaux dans la lutte antijihadiste, les YPG sont considérées comme une organisation «terroriste» par Ankara pour leurs liens avec le PKK qui mène une guérilla en Turquie. L’opération permet à la Turquie d’établir un tampon entre les différents territoires contrôlés dans le nord syrien par des groupes kurdes. De janvier à mars 2018, les forces turques et leurs supplétifs syriens prennent aux YPG l’ensemble d’Afrine (nord-ouest) à l’issue de l’offensive baptisée «Rameau d’olivier».
En octobre 2019, la Turquie lance une opération aérienne et terrestre, baptisée «Source de paix», visant les milices kurdes. Celle-ci lui permet de prendre le contrôle à sa frontière d’une bande de territoire d’une trentaine de kilomètres de profondeur. Le 11 mars 2020, Ankara mène l’opération «Bouclier du Printemps» contre le régime de Damas, après des semaines d’escalade dans le nord-ouest syrien.
Dans la nuit du 19 au 20 novembre 2022, l’aviation turque lance l’opération «Griffe épée», une série de raids aériens contre des positions du PKK et des YPG en l’Irak et en Syrie. Le gouvernement turc accuse ces deux mouvements (qui ont démenti) d’avoir commandité l’attentat du 13 novembre à Istanbul.