Après les attaques des rebelles houthis yéménites en Arabie saoudite : Frappes de représailles de la coalition arabe à Sanaa et Al Hodeïda

27/03/2022 mis à jour: 05:20
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Un énorme nuage de fumée a été vu près du site de Formule 1 de la ville de Djeddah, où des rebelles yéménites ont déclaré avoir attaqué une installation pétrolière de Saudi Aramco dans le cadre d’une vague d’attaques de drones et de missiles

La coalition menée par Riyad a effectué des frappes aériennes au Yémen «contre les sources de menace à Sanaa et Al Hodeïda» en représailles aux attaques des rebelles yéménites houthis en Arabie Saoudite, a tweeté l’agence de presse officielle saoudienne SPA, dans la nuit de vendredi à samedi, relayée par l’AFP. «L’opération militaire se poursuivra jusqu’à ce que ses objectifs soient atteints», a ajouté l’agence sur le même réseau social, en citant la coalition. 

Un peu plus tard dans la journée, un responsable saoudien proche du dossier a indiqué que les rebelles ont proposé une trêve et des pourparlers intra-yéménites. «Les Houthis ont proposé, par l’intermédiaire de médiateurs, une initiative comprenant une trêve, l’ouverture de l’aéroport (de Sanaa) et du port (d’Al Hodeïda) ainsi que des discussions intra-yéménites», a-t-il déclaré. «Nous attendons une annonce officielle de leur part, car ils changent constamment de position», a ajouté ce responsable, qui a requis l’anonymat. 
 

Les Houthis ont mené vendredi 16 attaques dans le Sud et à Jeddah (Ouest) visant différentes infrastructures, dont une centrale électrique, une station d’eau et des installations pétrolières, a indiqué la coalition dans un communiqué. La plus impressionnante a eu lieu à Jeddah contre des réservoirs du géant pétrolier Aramco, provoquant un gigantesque incendie. «L’incendie a été maîtrisé», a déclaré le porte-parole de la coalition, Turki Al Maliki, en assurant que l’incident n’aurait pas d’impact «sur les activités à Jeddah».

 Il est survenu non loin du circuit de Formule 1 où se tiennent actuellement les essais libres du Grand Prix, prévu aujourd’hui. Le promoteur du championnat Formula 1 a indiqué que la course se poursuivrait «comme prévu». Les attaques, menées avec des missiles et des drones, ont été lancées depuis les villes de Sanaa, la capitale du Yémen, aux mains des insurgés, et d’Al Hodeïda, également en zone rebelle. 

L’opération des rebelles intervient alors que les prix du pétrole ont fortement augmenté depuis l’intervention de la Russie en Ukraine le 24 février, qui a perturbé les approvisionnements mondiaux, la Russie étant frappée par des sanctions occidentales. Le royaume saoudien avait déjà averti lundi dernier du risque d’une baisse de sa production de pétrole au lendemain de plusieurs attaques revendiquées par les Houthis. 

Un responsable du ministère saoudien de l’Energie, cité par l’agence officielle SPA, a de nouveau mis en garde vendredi contre la menace que représentent ces attaques «pour la sécurité de l’approvisionnement mondial en pétrole». «L’Arabie Saoudite n’assumera pas la responsabilité de toute pénurie d’approvisionnement en pétrole sur les marchés mondiaux», a ajouté le responsable saoudien en accusant l’Iran de «continuer à fournir des drones et des missiles» aux Houthis. Dimanche dernier, une des attaques a contraint Aramco à réduire «temporairement» sa production. 
 

Les pays occidentaux pressent, depuis le début de la crise ukrainienne, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), menée par l’Arabie Saoudite, d’augmenter sa production. La monarchie du Golfe est cependant restée sourde à ces appels, fidèle à ses engagements auprès de l’alliance Opep+, qui inclut la Russie, deuxième plus grand exportateur de brut au monde. 

Sept ans après les premières frappes, le 26 mars 2015, au Yémen, l’intervention militaire pilotée par Riyad a montré ses limites sur le terrain et accentué l’une des pires crises humanitaires au monde. Elle a permis de stopper l’avancée des Houthis dans le Sud et à l’Est, mais pas de les déloger du nord du pays, notamment de la capitale Sanaa. 

Le Conseil de coopération du Golfe (CCG), qui regroupe six monarchies arabes (Arabie Saoudite, Bahreïn, Emirats arabes unis, Koweït, Oman et Qatar), a indiqué mi-mars être prêt à organiser des pourparlers de paix avec les Houthis, mais ces derniers ont refusé d’y participer s’ils se tiennent à Riyad.

Sept ans d’échecs

S’estimant marginalisés, les Houthis déclenchent en 2004, depuis leur fief Saada (nord), la guerre au pouvoir central. En septembre 2014, ils entrent dans la capitale Sanaa, appuyés par des partisans de l’ex-président Saleh, et occupent, entre autres, le siège du gouvernement. 

A la mi-octobre, ils se saisissent du port d’Al Hodeïda sur la mer Rouge, puis progressent vers le centre du pays. Le 20 janvier 2015, ils s’emparent du palais présidentiel à Sanaa et encerclent la résidence du président Abd Rabbo Mansour Hadi, qui fuit vers Aden, au Sud, puis en Arabie Saoudite. Dans la nuit du 25 au 26 mars, l’Arabie Saoudite lance une opération militaire au Yémen à la tête d’une coalition de pays arabes pour empêcher les rebelles houthis, minorité zaïdite d’obédience chiite, accusés d’être soutenus par l’Iran, de prendre le contrôle de l’ensemble de ce pays voisin. 

Objectif : chasser les Houthis de la capitale Sanaa, qu’ils occupent depuis septembre 2014, et rétablir le pouvoir du président Abd Rabbo Mansour Hadi, réfugié à Riyad. Sur le plan régional, l’offensive compte contrer l’influence de l’Iran. Washington fournit un soutien en logistique et en renseignement.Le 29 novembre 2017, la crise entre les Houthis et l’ex-président Saleh dégénère. 

Le 2 décembre, ce dernier propose au royaume wahhabite de «tourner la page», à condition qu’il lève le blocus renforcé un mois plus tôt après un tir de missiles par les Houthis au-dessus de Riyad. Le 4 décembre, Abdallah Saleh est tué par des rebelles houthis. Fin janvier 2018, des séparatistes du Sud, Etat indépendant avant sa fusion avec le Nord en 1990, se retournent contre les forces gouvernementales à Aden et assiègent le palais du président Hadi. Une intervention saoudo-émiratie met fin aux hostilités.
 

Le 13 juin 2018, les forces progouvernementales, appuyées par Riyad et Abou Dhabi, lancent une offensive sur Al Hodeïda. Le 13 décembre de la même année, le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (ONU), Antonio Guterres, annonce des accords pour mettre fin aux combats, en particulier dans cette ville portuaire. Le 7 août 2019, des affrontements opposent à Aden des éléments séparatistes de la force «Cordon de sécurité», entraînée par les Emirats, aux troupes du gouvernement soutenues par Riyad. 

Le 29 août, les forces séparatistes reprennent Aden. En septembre, les rebelles revendiquent des attaques contre deux installations pétrolières saoudiennes. Riyad et Washington accusent l’Iran, qui dément. 

Fin décembre 2020, plusieurs explosions ont fait au moins 26 morts à l’aéroport d’Aden, la capitale provisoire du Yémen, au moment où a atterri un avion transportant le nouveau gouvernement d’union. Un Exécutif, rassemblant des ministres pro-pouvoir et des séparatistes du Sud, est formé le 18 décembre sous l’égide de l’Arabie Saoudite : deux camps, qui se disputaient le pouvoir dans le Sud, se sont alliés contre les rebelles houthis.Dans son discours de politique étrangère le 4 février 2020, le nouveau président américain, Joe Biden, a fait état de la fin du soutien à la coalition saoudienne.

 En outre, il a déclaré que «cette guerre doit cesser». Le 12 février, le secrétaire d’Etat américain Anthony Blinken a annoncé le retrait de Ansar Allah, groupe des rebelles houthis, de la liste noire des «organisations terroristes étrangères». Soit un mois à peine après que l’administration de Donald Trump ait intégré les Houthis à sa liste noire.

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