Une année après le déclenchement du conflit russo-ukrainien, une nouvelle tension s’annonce sur les marchés internationaux du blé après l’entrée en scène du retrait de négociants occidentaux de l’exportation de la céréale russe.
L’un après l’autre, des négociants de poids ont annoncé, la fin de la semaine écoulée, leur intention de ne plus lever la production russe pour la destiner à l’exportation. Les premiers à avoir fait cette annonce sont l’américain Cargill et le suisse Vittera, qui ont décidé de ne plus poursuivre leurs programmes d’origination et d’exportation à partir de Russie, et ce, dès le 1er juillet prochain. Archer-Daniels-Midland Co pourrait aussi, selon Bloombreg, adopter la même position et se retirer de ses principales activités en Russie.
Le ministère de l’Agriculture russe a réagi à ces annonces en assurant que cela n’affectera pas le volume des exportations du premier exportateur de blé au monde. Les responsables locaux des bureaux des négociants occidentaux en Russie envisageraient de poursuivre l’activité d’exportation en devant indépendants. «Après cette décision, notre tâche principale est de sauver les emplois et de soutenir l’infrastructure restante.
La direction prévoit de poursuivre ses activités d’exportation de céréales en tant que nouvel exportateur russe indépendant, dans le but de maintenir la compétitivité des céréales russes sur le marché mondial et d’offrir les conditions les plus viables aux producteurs russes», déclare à Reuters, Nikolai Bemyanov, directeur du bureau russe de Vittera.
Selon des analystes de Bloomberg, ces retraits permettront aux entreprises locales d’avoir le contrôle sur de vastes ressources alimentaires du pays et sur le marché du négoce. Il faut savoir que les volumes d’exportation de blé russe demeurent intacts malgré une baisse de la production pour la campagne 2023-24.
Une production de 85,3 millions de tonnes est prévue en Russie, en baisse par rapport aux 104,2 millions de tonnes récoltées en 2022, en raison des conditions météorologiques défavorables. Toutefois, les stocks devraient être massifs permettant que l’offre d’exportation soit similaire à celle de l’année passée. Ainsi, la Russie prévoit d’exporter, selon des analystes de SovEcon, 43 millions de tonnes, légèrement en dessous des 44,1 millions de tonnes attendues et dont 34 millions de tonnes sont déjà expédiées avec pour principales destinations l’Egypte, la Turquie et l’Iran. «Malgré le départ des principaux négociants occidentaux, les céréales russes et d’autres récoltes continueront d’affluer sur les marchés mondiaux.
A l’intérieur du pays, les négociants locaux remplaceront les négociants étrangers. Et à l’extérieur, là où l’autorité des ports russes s’arrête et où l’activité des navires battant pavillon étranger commence, les négociants occidentaux continueront d’expédier des céréales russes», estiment des analystes de Bloomberg. Le marché n’a pas tardé à réagir à cette nouvelle tension en affichant des hausses des prix du blé.
Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, les prix se sont plus ou moins stabilisés, mais demeuraient sensibles à tout mouvement de panique au niveau des chaînes d’approvisionnement ou des tensions géopolitiques. Selon l’analyste Andreï Sizov, la hausse des prix pourrait dépasser les 20%. «Il pourrait arriver quelque chose en mer Noire. Les marchés semblent avoir oublié qu’une guerre est toujours en cours dans la région.
Il pourrait aussi y avoir un élément déclencheur, comme l’aggravation de la sécheresse dans la région productrice de blé dur roux d’hiver aux Etats-Unis ou l’extension de la crise financière. Ces scénarios haussiers pourraient provoquer une explosion des prix du blé de 20% ou plus, car les fonds spéculatifs rachètent d’urgence leur importante position à découvert sur le marché du blé tendre roux d’hiver», explique-t-on. Sur Euronext, des inquiétudes se font jour au sujet d’un possible prix minimum de blé imposé par la Russie sur ses exportations.
Du côté américain, le rapport de l’USDA, ministère américain de l’Agriculture, confirme la poussée dans la semence de blé et annonce une augmentation de 9% des surfaces dédiées à la culture du blé. 20,1 millions d’hectares seront consacrés au blé lors de la campagne en cours, soit un niveau jamais atteint depuis sept ans par les USA. L’Etat qui a connu une plus forte croissance des surfaces dédiées au blé est le Texas, en enregistrant une hausse de 26% par rapport à l’année écoulée.