Après le constat de défaillance de plusieurs ministres : Que fera Tebboune ?

23/02/2023 mis à jour: 01:06
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Le président de la République Abdelmadjid Tebboune

Deux dossiers sensibles ont été examinés, dimanche, par le Conseil des ministres, sous le sceau de l’urgence. Il s’agit, d’une part, de l’opération de démolition des constructions illicites menée, au pas de charge, au cours de ces derniers jours par certaines wilayas, provoquant colère et indignation de la part des familles qui ont vu leurs demeures livrées, sans préavis, aux bulldozers, et d’autre part, de l'affolement de la mercuriale des prix et du phénomène de la pénurie, à quelques encablures du mois sacré de Ramadhan. Une situation qui a incité le Conseil des ministres à prendre les mesures appropriées pour réguler le marché et stabiliser les prix.

Depuis son arrivée à la tête de l’Etat, le président Abdelmadjid Tebboune a inauguré son propre style de communication présidentielle. En dehors de ses interventions dans le cadre de ses activités officielles, de ses rencontres périodiques avec les médias nationaux, les réunions hebdomadaires du Conseil des ministres se sont imposées comme un tribune privilégiée pour le chef de l’Etat en vue de prodiguer des instructions, des orientations et des ordres au gouvernement, aux walis et à l’ensemble des structures exécutives pour recadrer les choses, corriger les dysfonctionnements, imprimer un rythme plus soutenu à la dynamique du développement national dans les différents secteurs d’activité, pointer du doigt le manque d’engagement dans la concrétisation des objectifs tracés. La solennité du cadre des réunions du Conseil des ministres impose au chef de l’Etat une certaine retenue dans ses interventions, même s’il ne se prive pas de tancer des ministres en charge de certains secteurs, dont il attend plus, en termes de performances et de résultats de gestion, en égratignant, parfois, le gouvernement. Le dernier Conseil des ministres a quelque peu dérogé à la règle. La coupe présidentielle était manifestement pleine. Le ton du discours du chef de l’Etat est monté en puissance, s’insurgeant contre la légèreté, le manque de coordination et l’absence de vision avec lesquels a été engagée l’opération de démolition des constructions illicites, et l’incapacité des responsables concernés à lutter efficacement et durablement contre le phénomène de la spéculation, assainir la situation du marché de la consommation au double plan de la maîtrise des prix et de la disponibilité de certains produits de large consommation.

Un lourd réquisitoire

Quand on lit le communiqué du dernier Conseil des ministres et, à bien analyser la réaction indignée du président de la République sur la manière cavalière avec laquelle l’opération de démolition des constructions illicites est menée et dont les images ont choqué les citoyens, même si, dans le fond, l’infraction est dûment avérée, il est à se demander qui a donné l’ordre de faire intervenir les bulldozers sans avoir pris le soin d’accorder aux propriétaires des maisons démolies la possibilité d’épuiser toutes les voies de recours garanties par la loi, tel que relevé par le chef de l’Etat. Des lois relatives à la régularisation des constructions illicites ont été édictées. Des dossiers de régularisation déposés par les citoyens au niveau des APC sont en souffrance depuis des années en raison des lenteurs bureaucratiques, et cela en dépit de la promulgation de lois relatives à l’assainissement du dossier des constructions illicites. Une décision administrative d’un wali ou d’un président d’APC de démolition d’une bâtisse illicite peut-elle se mettre en porte-à-faux par rapport à la loi ?

Le même constat est établi sur l’impuissance des pouvoirs publics à organiser le marché, en dépit des mesures prises pour imposer l’usage de la facturation, l’assainissement du fichier des importateurs afin de lutter contre le phénomène de la surfacturation, la criminalisation de la spéculation, à travers l’adoption de lois répressives contre les spéculateurs exposés à des peines d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 30 ans…

Les mises au point faites par le président Tebboune sur l’action de l’Executif lors du dernier Conseil des ministres dissimulent une profonde «colère» du locataire d’El Mouradia, si l’on se fie à une dépêche de l’agence de presse APS. L’agence officielle dépeint un Président «mécontent de la cadence de traitement de nombreux dossiers par le gouvernement». Des échéances «élastiques», des chiffres «approximatifs», des décisions qui «perturbent» le quotidien des citoyens et des opérateurs économiques, la confusion faite entre «l’autorité de l’Etat» et «l’autoritarisme», entre «la protection de la production nationale» et «le protectionnisme», le lourd réquisitoire du chef de l’Etat contre les forces de l’immobilisme tapies dans les institutions de l’Etat sonne comme une sévère mise en garde annonciatrice de changement au niveau des structures qui auraient failli dans leur mission, selon le diagnostic présidentiel. Par le passé, le président Tebboune n’avait pas hésité à limoger, séance tenante, des membres du gouvernement qui n’auraient pas été à la hauteur de ses attentes. En affirmant n’avoir jamais «ordonné la destruction des constructions illicites, mais plutôt de prendre des mesures pour que cela ne se reproduise pas à l’avenir», selon les confidences rapportées par l’agence APS, le Président a voulu prendre à témoin l’opinion publique sur l’existence de forces du mal au sein de l’appareil de l’Etat qui cherchent à décrédibiliser la parole et l’action de l’Etat qu’il incarne en tant que président de la République. Les prérogatives constitutionnelles liées à la nature semi-présidentielle du système politique en place lui donnent de larges pouvoirs pour opérer les changements nécessaires dans les choix stratégiques, les politiques publiques, les nominations de l’équipe gouvernementale et aux autres hautes fonctions de l’Etat. L’exercice d’exorcisme auquel il s’est livré, à cœur ouvert, face aux citoyens qui s’interrogent où est l’Etat devant les pénuries fabriquées, l’envolée des prix, appelle deux remarques : soit que les barons de l’informel et de l’ordre bureaucratique sont plus puissants qu’on ne le pense, au point de menacer la cohésion nationale, soit que le président Tebboune veut s’appuyer sur l’opinion publique pour apporter les correctifs nécessaires en lui disant tout, pourquoi le pays ne marche pas à la cadence voulue et que les performances attendues ne sont pas au rendez-vous. Dès lors que le diagnostic est établi et que le mal est circonscrit, il faudra s’attendre à ce que le président Tebboune joigne l’acte à la parole en donnant un vigoureux coup de pied dans la fourmilière. Le temps lui est compté, à deux ans de l’élection présidentielle sur laquelle il a annoncé, lors d’une récente rencontre avec la presse, qu’il prendra sa décision «le moment venu» quant à sa candidature pour un second mandat, préférant d’ici là, avait-il expliqué, se consacrer à la poursuite de la concrétisation de son programme présidentiel. 

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