Après 11 ans d’isolement : La Syrie réintègre la Ligue arabe

08/05/2023 mis à jour: 03:13
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Les ministres des Affaires étrangères arabes ont décidé au Caire de réintégrer la Syrie à la Ligue arabe après l’avoir mise à l’écart en 2011

Les  ministres arabes des Affaires étrangères ont décidé hier au Caire de réintégrer la Syrie à la Ligue arabe après l’avoir écartée en 2011 pour la répression d’un soulèvement populaire ayant dégénéré en guerre sanglante, rapporte l’AFP. 

«Les délégations du gouvernement de la République arabe de Syrie siégeront de nouveau à la Ligue arabe», indique le texte voté par l’ensemble des ministres dans une réunion à huis clos au siège de la Ligue arabe au Caire. Le président Al Assad est donc «le bienvenu s’il le veut» au sommet annuel des chefs d’Etat de l’organisation panarabe le 19 mai à Jeddah, en Arabie Saoudite, a précisé le secrétaire général de la Ligue arabe Ahmed Abou Al Gheit.

En 2013, l’opposition anti-Assad a pu occuper le siège de la Syrie lors d’un sommet de la Ligue arabe à Doha, au Qatar. Des pays arabes ont soutenu des rebelles au début de la guerre, devenue depuis un terrain d’affrontement entre forces étrangères. Mais des signes de sortie de l’isolement de la Syrie commencent à se manifester (Emirats arabes unis, Egypte, entre autres), ces dernières années. 

En août 2021, les Etats-Unis donnent le feu vert exceptionnel au projet d’acheminement de gaz égyptien via la Syrie vers le Liban en crise, malgré les lourdes sanctions du Caesar Act, adopté en 2019 et qui interdit toute transaction avec les autorités de Damas. 

Fin septembre de la même année, est rouvert le principal point de passage frontalier terrestre entre la Jordanie et la Syrie, celui de Jaber-Nassib, au nord-ouest du royaume hachémite, qui partage 375 km de frontières entre les deux pays. Début octobre, Bachar Al Assad et le roi Abdallah II de Jordanie se sont entretenus par téléphone. Aussi, Al Assad a bénéficié de l’élan de solidarité suscité par le tremblement de terre du 6 février. Plusieurs pays arabes ont envoyé de l’aide humanitaire via Damas et Alep, contrôlés par les forces loyales. 

Quelques heures après la catastrophe, le président égyptien, Abdel Fattah Al Sissi, a appelé son homologue syrien pour lui présenter ses condoléances et lui promettre une «aide humanitaire d’urgence». Deux semaines après, le président syrien s’est rendu dans le sultanat d’Oman.

Les lignes bougent

Damas mise désormais sur une pleine normalisation avec les pays arabes, notamment les riches monarchies du Golfe, un temps plus grands alliés de l’opposition à Al Assad, pour financer la coûteuse reconstruction du pays aux infrastructures détruites par le conflit. Avec le temps et le soutien précieux de la Russie et de l’Iran, le régime d’Al Assad a repris le contrôle de la majeure partie du territoire. 

Samedi à Damas, le président iranien Ebrahim Raïssi et son homologue syrien ont annoncé le renforcement de leurs liens diplomatiques et économiques, mettant l’accent sur la reconstruction. 

En novembre 2011, 18 des 22 membres de la Ligue arabe ont suspendu la participation du gouvernement syrien à leurs réunions, suscitant l’approbation des pays occidentaux et de la Turquie, mais l’ire de la Russie, de l’Iran, de l’Irak et du Liban. L’organisation panarabe a également imposé des sanctions économiques à la Syrie et la fin des liaisons aériennes, après des mois de mesures économiques américaines et européennes contre des dirigeants et intérêts économiques syriens. 

En février 2012, les pays du Conseil de coopération du Golfe (Bahreïn, Koweït, Oman, Qatar, Arabie Saoudite et Emirats arabes unis) ont rappelé leurs ambassadeurs de Syrie. Mais en 2018, les Emirats arabes unis, premier Etat du Golfe à avoir rétabli leurs relations avec Damas, ont rouvert leur ambassade. 

De son côté, Bachar Al Assad leur a réservé en retour, en mars 2022, sa première visite dans un pays arabe depuis le début de la guerre. «L’absence de la Syrie a été trop longue. Il est temps pour la Syrie de retrouver sa place parmi ses frères dans le monde arabe», a déclaré à cette occasion le président des Emirats Mohammed ben Zayed Al Nahyane. 

Pour les Emirats, qui ont apaisé leurs relations avec l’Iran et Israël, cette réintégration s’inscrit dans la volonté du pays de voir «la paix et la stabilité prévaloir en Syrie et dans l’ensemble de la région», a-t-il soutenu. 

En 2023, la donne régionale change radicalement : l’Arabie Saoudite  et l’Iran se réconcilient en mars. Dans la foulée, le 12 avril, le ministre syrien des Affaires étrangères effectue une visite surprise en Arabie Saoudite, une première depuis le début du conflit. Deux semaines plus tard, la Tunisie nomme un ambassadeur à Damas. 

Avant cela, peu après le séisme, le chef de la diplomatie égyptienne a été dépêché à Damas pour une visite «humanitaire». 

En dehors de la Ligue arabe, la Turquie, qui a  soutenu des opposants à Damas  depuis 2011, et appelé à la chute d’Al Assad a pris des initiative pour renouer avec son voisin. Fin décembre 2022, les ministres turc et syrien de la Défense s’entretiennent lors d’une réunion tripartite à Moscou. 

Il s’agit de la première rencontre officielle à ce niveau entre Ankara et Damas depuis la guerre, au grand dam des Kurdes du nord de la Syrie et de leur allié Washington.  Mais Bachar Al Assad estime qu’un rapprochement implique «la fin de l’occupation» turque du territoire syrien.
 

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