Planche de salut pour la Tunisie avec le passage à exécution immédiate du prêt de 500 millions de dollars accordé par la Banque africaine d’import-export (Afreximbank) pour le financement du budget de l’Etat 2023. Un pas très significatif de la communauté financière internationale à l’intention de la Tunisie pour lui éviter le défaut de paiement, voire des difficultés insurmontables dans ses importations.
La ministre des Finances, Sihem Nemsia, a déclaré devant l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), lors de la discussion de ce prêt, que «si une défaillance empêche un Etat de rembourser sa dette, cela signifie l’annonce de la faillite de ce pays !» Le Parlement tunisien a validé ce prêt avec, seulement, cinq abstentions et deux oppositions. Les délégués du peuple expriment ainsi leur conviction du recours inévitable à ces prêts extérieurs pour sauver le pays de la faillite, en attendant la reprise d’un rythme soutenu de travail permettant le rebondissement économique, synonyme de croissance.
Le prêt approuvé par l’ARP servira au financement au Budget de l’Etat. La ministre a été on ne peut plus explicite, en affirmant que «la Tunisie a un besoin pressant de ce prêt pour répondre à une échéance importante en juin», sans donner plus de détails. Un regard sur la liste des prochaines échéances de 2023 de la Tunisie laisse apparaître une euro-obligation de 500 millions de dollars ainsi qu’une autre de 412 millions de dollars concernant des prêts antérieurs du FMI.
Une autre euro-obligation de 850 millions arrivera à échéance en février 2024, sur un total de 2,6 milliards de dollars l’année prochaine, mettant ainsi la trésorerie publique sous forte pression. Le prêt de l’Afreximbank sera remboursé sur cinq ans avec deux années de grâce et un taux d’intérêt de 10,28%, selon le rapport de la commission des finances de l’ARP. Lequel taux est favorable si l’on sait que les obligations tunisiennes sur les marchés financiers internationaux (marchés secondaires) sont cotées à 23% sur quatre ans.
C’est dire que la Tunisie est très mal lotie en cas d’une éventuelle sortie sur le marché financier international. Elle nécessite donc l’accord-cadre avec le FMI le plus rapidement possible, pour ouvrir la voie à d’autres prêts avec les bailleurs de fonds classiques, comme la BAD, la Banque européenne de développement, etc., si elle veut éviter le spectre de la banqueroute.
Interrogations
Le prêt d’Afreximbank envoie néanmoins deux signaux clairs. D’une part, la communauté financière internationale ne cherche pas à laisser couler la Tunisie. Il s’agit d’un prêt important couvrant presque 25% des besoins en financements extérieurs du pays en 2023, estimés à près de deux milliards de dollars, dont 300 millions ont été couverts par l’Algérie. Et si l’on ajoute les prémisses d’une année touristique prospère et les envois en hausse des Tunisiens à l’étranger, avoisinant les trois milliards de dollars en 2022, le gouvernement Bouden ne serait pas dans un besoin pressant immédiat de devises fortes pour boucler 2023.
Par ailleurs, le président Saïed et les institutions de son pouvoir n’ont pas fermé la porte aux institutions financières internationales classiques. Les propos de la ministre des Finances devant l’ARP le confirment. «Il serait idéal que nous ne recourions pas aux prêts étrangers et nous réussissions à relever le pays grâce à nos propres ressources, en combattant le monopole et en consacrant la culture du travail, mais, aujourd’hui, cela ne fera que réduire l’endettement… Nous y sommes contraints», a dit Sihem Nemsia. Le président Saïed ne serait pas satisfait de pareils propos. Le prêt d’Afreximbank sauve certes momentanément la trésorerie tunisienne, et Sihem Nemsia en est satisfaite, mais le spectre de la faillite n’est pas pour autant parti.
Le doute est permis puisque le président Saïed a réagi le jour même en demandant à la présidente du gouvernement plus de discipline de la part des membres de son équipe dans l’application de ses directives. Et même si le président Saïed n’a pas été explicite dans ses critiques, les réflexions sont allées directement aux propos de la ministre des Finances disant devant le Parlement que l’on ne saurait que réduire l’endettement en comptant sur soi. Le président tunisien appelle, quand l’occasion se présente, à compter sur ses propres moyens, alors que sa ministre des Finances assure que ce n’est pas suffisant.
Manque d’harmonie évidente. Il est donc nécessaire que le pouvoir tunisien accorde ses violons pour établir un calendrier clair de ses objectifs et les étapes pour les réaliser. «Compter sur ses propres moyens est un objectif noble auquel il faut accorder les moyens nécessaires», assure l’universitaire Sami Aouadi.
Tunis
De notre correspondant Mourad Sellami