Amina Hamoutène revient au-devant de la scène artistique à la galerie d’art privée Dar El Kenz de Bouchaoui, à Alger, avec une nouvelle collection de figurines en argile intitulée «Passion d’argile».
Cette pharmacienne d’industrie de formation revient sur sa passion de l’argile et sur son processus de création. Rencontre avec une artiste qui offre 65 figurines qui se déploient dans une grande virtuosité, offrant un panel d’émotions notables.
Propos recueillis par Nacima Chabani
-Sachant que vous occupiez un poste de responsabilité important, quand avez-vous commencé au juste votre activité en tant que sculpteur ? Qu’est-ce qui vous y a conduit ?
J’ai commencé petite fille, à 5/6 ans, à m’intéresser au modelage, comme beaucoup d’enfants, j’ai eu entre les mains de la pâte à modeler et, très vite, mes parents ont remarqué que je modelais des personnages et que ces derniers étaient très précis et détaillés, même si extrêmement miniaturisés (certains ne dépassaient pas les 3 cm de haut). Mes parents se sont mis à m’acheter de la pâte à modeler auto durcissante qui permettait de conserver mes personnages, et je pense que c’est cela qui a été l’élément déclencheur de toute mon aventure artistique, j’avais trouvé le mode d’expression artistique qui me correspondait. Mon baccalauréat en poche, j’ai longuement hésité entre les beaux-arts et des études scientifiques qui m’attiraient aussi, j’ai opté pour la pharmacie et ensuite la pharmacie industrielle en spécialité.
Mes études m’ont menée en Belgique ou j’ai commencé ma carrière dans un grand laboratoire pharmaceutique. A l’époque, ma production artistique se résumait à quelques pièces modelées pendant mes vacances, c’est aussi à ce moment-là que j’ai découvert l’argile en suivant un ami à un cours de poterie. Dans le cadre de mon travail, je suis rentrée en Algérie en 2000 et j’ai eu l’opportunité d’occuper des fonctions de responsabilité croissante dans l’industrie pharmaceutique en tant que directrice générale de l’usine puis PDG jusqu’en 2017.
J’avoue que mon travail prenant et le fait que je sois devenue maman m’ont éloignée plusieurs années de la production artistique pour une simple question de temps et de priorités. J’ai néanmoins eu la chance de croiser le chemin, en 2005, de Mme Zahia Guelimi, propriétaire de la galerie Dar El Kenz qui m’a encouragée à produire et qui a exposé mes premières créations en 2005. S’en est suivie, comme je l’ai expliqué plus haut, une période de plus de 10 ans durant laquelle je n’ai produit qu’une seule pièce. J’en ai éprouvé une grande frustration…
En 2018, j’ai décidé de donner une tournure différente à ma carrière, je suis devenue consultante (toujours dans l’industrie pharmaceutique) et coach. Cette reconversion professionnelle m’a permis de trouver le temps de m’adonner à ma passion et à produire de façon continue. En 2019, mon ami et artiste Karim Sergoua m’a présenté Mme Amel Bara, propriétaire de la galerie Ifru, qui a exposé mes œuvres pendant trois semaines en décembre 2019. S’en est suivi le Covid et me revoilà, aujourd’hui, à nouveau à la galerie Dar El Kenz jusqu’au 27 février.
-Pourquoi voulez-vous sculpter l’argile ?
L’argile est la matière qui me convient parfaitement, elle est malléable, naturelle et permet toutes les excentricités, j’aime son toucher. Vous avez dû remarquer que j’avais introduit sur certaines de mes sculptures de la mosaïque, ce n’est absolument pas une infidélité à l’argile puisque je continue à modeler mes personnages en argile puis les habiller, dans un deuxième temps, de mosaïque de verre parce que j’aime l’effet lumineux que cela leur apporte.
-Comment vous vient l’inspiration ?
Mon inspiration me vient de la vie simplement, les gens ordinaires m’inspirent, ce qui se passe entre les gens m’inspire, les corps de monsieur et madame tout le monde m’inspirent avec leurs rondeurs, imperfections, l’expression derrière leurs postures...
-Quelle est l’origine de vos séries colorées de figurines humaines sans visages mais joyeuses, rehaussées de lumière ?
Comme expliqué plus haut, j’aime exprimer mes sentiments à travers la posture de mes personnages : deux sœurs qui se parlent, une mère et son enfant, des couples heureux, disputés… J’aime introduire de la couleur, il y a de la couleur partout autour de nous, c’est la vie et c’est précisément ce que je veux représenter.
-Les animaux semblent aussi vous interpeller à plus d’un titre ?
La plupart des animaux que j’ai représentés sont inspirés de doudou que j’ai moi-même achetés à mes enfants, j’apprécie leur côté naïf, sain et enfantin que je garde et cultive même indéniablement en moi.
-Comment se déroule votre séance de travail ? Suivez-vous toujours le même processus de création pour chacune de vos œuvres ?
Oui, mon processus de création est assez bien défini, il y a une première création mentale puis une création physique comme à peu près tout ce que nous faisons dans la vie. En ce qui me concerne, la création mentale de mes œuvres est assez précise et me réveille parfois la nuit. La création physique est ensuite une phase de pur bonheur pour moi .
-L’explication et la transmission de votre savoir sont-elles importantes pour vous ?
Le partage est important, c’est un peu une façon de laisser rentrer les gens dans mon univers, de leur donner de l’amour, j’espère arriver à les divertir, les amuser et les interpeller.
-Y a-t-il une autre forme artistique qui vous attire ou que vous pratiquez en dehors de la sculpture ?
En dehors de la mosaïque que j’ai récemment découvert mais toujours pour servir mes sculptures en argile, rien d’autre ne m’attire, je ne suis pas peinture, ni dessin…
-Quels sont vos plans d’avenir ?
J’aimerais pouvoir consacrer du temps à la création. La sculpture fait partie de moi, elle m’apporte équilibre et satisfaction.