Dans une déclaration terrifiante, le directeur de l’hôpital Al Shifa, à Ghaza, lançait hier à la communauté internationale : «Nous faisons l’objet d’un génocide, il y a des morts chaque minute, l’image est noire. Des cadavres et la mort nous entourent et les forces de l’occupation poursuivent le siège de l’hôpital.»
Il décrit une situation des plus inquiétantes : «Des malades meurent au vu du monde entier, c’est un crime de guerre (…). Les ONG ne nous ont rien donné. Les forces de l’occupation ont saccagé les équipements vitaux de l’hôpital. Nous continuons à enterrer les mortsdans la fosse que nous avons creusée à l’intérieur de l’établissement.
Les forces de l’occupation ont ignoré notre demande pour l’acquisition de carburant et le transfert des blessés. C’est une honte que ces derniers meurent faute de trouver un endroit sûr pour se soigner. Les déplacés remplissent les couloirs et les passages de l’ensemble des bâtiments de l’hôpital. Nous avons une grande pharmacie, mais les forces de l’occupation nous empêchent de l’utiliser.»
Assiégé depuis plus d’une semaine, l’hôpital a vecu, mercredi dernier, une nuit d’horreur, durant laquelle, les forces d’occupation ont usé de tous les moyens – tirs de chars et raids qui ont détruit les murs d’enceinte et de certains services – pour donner l’assaut à ses bâtiments. Les appels de détresse des équipes médicales n’ont pu empêcher une telle violation du droit international par l’entité sioniste, qui n’arrivait pas, jusqu’à hier, à convaincre de l’utilisation des sous-sols de ces bâtiments par la résistance comme poste de commandement.
Hier encore, le directeur du service des brûlés annonçait «la mort d’un grand nombre des nouveau-nés prématurés en raison du siège imposé au complexe médical», alors que le directeur de l’établissement déplorait plus tard : «Des snipers sont postés partout aux alentours des services, les forces d’occupation ont volé de nombreux cadavres qui se trouvaient à l’hôpital, nous avons perdu la majorité des malades sous respiration artificielle.» Il fait état de 7000 personnes isolées «exposées à une mort certaine».
Une situation humanitaire désastreuse qui a touché d’autres établissements de santé. Le Croissant-Rouge palestinien a fait état d’une «violente attaque» par des chars contre l’hôpital Al Ahli Arabi, à Ghaza, ayant fait des dizaines de victimes. «Les secouristes peinent à faire entrer les blessés à l’hôpital, assiégé par des chars. Les forces d’occupation ont donné l’assaut et occupé tous les services de soins», a annoncé l’agence palestinienne Wafa.
Quelques heures plus tard, c’est l’Hôpital indonésien qui fait l’objet d’un bombardement. Selon son directeur, les équipes médicales sont «incapables de faire leur travail (…). Nous ne pouvons plus offrir de lits aux patients. L’hôpital est hors service».
«Feu vert américain»
Situé dans le nord de Ghaza, l’hôpital, qui a une capacité de 140 lits, abrite quelque 500 malades se trouvant toujours à l’intérieur, dont 45 patients qui «ont besoin d’une intervention chirurgicale urgente». Le directeur a appelé les ambulances à «ne plus amener de blessés» en raison du manque de capacité, et affirme que «tous les hôpitaux de la ville de Ghaza et du Nord ont cessé de fonctionner».
L’hôpital Ibn Sina est lui aussi ciblé, tôt dans la matinée d’hier, par des raids au moment où les ambulances évacuaient de nombreuses victimes touchées dans le raid contre le camp de réfugiés de Jénine. Des tireurs d’élite et des bulldozers encerclaient l’établissement et empêchaient les ambulances d’y accéder. Sommé de quitter l’hôpital les mains levées, le personnel médical a refusé d’obtempérer mais a fini, après des heures de siège, par sortir. Les vidéos diffusées sur les réseaux sociaux, les montrant en file indienne, les bras bien dressés vers le ciel ont suscité la colère des internautes. Durant toute la journée de jeudi, l’hôpital était coupé du monde, les morts jonchaient les services, les malades sans soinset les déplacés sans vivres, ni eau ni électricité.
Israël persistait hier à tenter de justifier ce génocide par la recherche des otages et des combattants du Hamas, qu’il n’a pas trouvés, malgré l’étendue du désastre qu’il a engendré et le nombre de personnes qu’il a tuées.
Hier en fin de journée, le complexe médical d’Al Shifa était toujours sous l’emprise des forces d’occupation, avec plus 7000 personnes, entre malades, personnel médical et déportés, isolées à l’intérieur, sans électricité, ni nourriture et sans soins pour les malades. Le Hamas, par la voix de son porte- parole, a accusé l’occupant d’y avoir commis «un génocide avec le feu vert américain» et rappelé avoir demandé à l’ONU une enquête sur les allégations de l’entité sioniste, que celle-ci à refusée.
De son côté, la rapporteuse spéciale des Nations unies sur le droit à la santé, Tlaleng Mofokeng, s’est déclarée préoccupée «face aux attaques, harcèlements et menaces de violence continus contre les agents de santé, les établissements de santé et les organisations humanitaires dans la Bande de Ghaza, poussant la situation humanitaire à des proportions graves». Pour elle, «ces actions sont contraires à la réalisation du droit de chaque individu de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible».
La responsable a exprimé sa préoccupation devant «les risques persistants causés par les maladies véhiculées par l’eau et l’air, le manque de dignité dans la préservation des corps des défunts, ainsi que le manque de dignité nécessaire pour les enterrer», avant d’appeler «à un cessez-le-feu immédiat et à la fin de l’occupation des Territoires palestiniens».