Le président chinois, Xi Jinping, se rendra à Moscou la semaine prochaine pour y rencontrer son homologue russe, Vladimir Poutine. Pékin, qui a renforcé ses liens avec Moscou ces dernières années dans une opposition commune à l’Occident, se présente comme partie neutre dans le conflit en Ukraine.
«A l’invitation du président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine, le président Xi Jinping effectuera une visite d’Etat en Russie du 20 au 22 mars», a annoncé hier le ministère chinois des Affaires étrangères dans un communiqué, relayé par l’AFP. Il s’agira d’un «déplacement pour l’amitié et la paix», a-t-il ajouté.
Lundi, «ce sera une conversation en tête-à-tête, il y aura un déjeuner informel. Et dès le 21 mars, se tiendra une journée de négociations», a détaillé le porte-parole de la Présidence russe, Dmitri Peskov. Les deux Présidents auront «un échange de vues approfondi (...) sur les relations bilatérales et les grandes questions internationales et régionales d’intérêt commun», a indiqué un porte-parole de la diplomatie chinoise, Wang Wenbin. «Des changements inédits depuis un siècle se produisent en ce moment, et le monde est entré dans une nouvelle période de turbulences», a-t-il affirmé lors d’un point presse régulier.
Les deux dirigeants «discuteront de l’approfondissement du partenariat exhaustif et de la coopération stratégique entre la Russie et la Chine», notamment «sur la scène internationale», a déclaré dans un communiqué la Présidence russe, ajoutant que des «documents bilatéraux importants seraient signés». Un peu plus tard dans la journée, le conseiller diplomatique du Kremlin, Iouri Ouchakov, a indiqué que les deux dirigeants comptent signer «une déclaration commune (...) sur l’approfondissement des relations de partenariat exhaustif et de relation stratégique entrant dans une nouvelle ère».
Selon lui, ils signeront également un autre document portant sur la coopération économique russo-chinoise à l’horizon 2030, ainsi qu’une dizaine d’autres accords en cours d’élaboration. Il a salué la «retenue» de la Chine sur le conflit en Ukraine. «Bien entendu, le conflit en Ukraine fera partie des discussions. Nous apprécions grandement la position pleine de retenue et d’équilibre des dirigeants chinois sur cette question», a-t-il soutenu. Pour le diplomate, «il n’y a ni leader ni suiveur dans les relations entre la Russie et la Chine. Les deux parties se font confiance à égalité».
Les relations entre Pékin et Moscou ont connu un développement important ces dernières décennies pour faire front commun face à l’influence des Etats-Unis. Xi Jinping et Vladimir Poutine se sont rencontrés en septembre, en marge d’un sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), en Ouzbékistan. A cette occasion, ils ont affiché leur volonté de se soutenir et de renforcer leurs liens en pleine crise avec les Occidentaux.
«Influence négative»
Au début février 2022, le président russe s’est rendu à Pékin à l’occasion des Jeux olympiques d’hiver. Dans une déclaration commune, les deux dirigeants ont alors dénoncé l’influence américaine et le rôle des alliances militaires occidentales, l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (Otan) et l’alliance entre l’Australie, le Royaume-Uni et les Etats-Unis (Aukus), en Europe comme en Asie, les jugeant déstabilisatrices.
Les deux pays, qui entretiennent des relations tendues avec Washington ont évoqué le rôle déstabilisateur des Etats-Unis pour la «stabilité et une paix équitable» dans le monde. Dans cet esprit, ils ont exprimé leur «opposition» à «tout élargissement futur de l’Otan».
Ils ont appelé «l’Alliance Atlantique nord à renoncer à ses approches idéologisées datant de la guerre froide». La Russie et la Chine défendent le principe de «l’indivisibilité de la sécurité», sur lequel Moscou se fonde pour réclamer un départ de l’Otan de son voisinage, estimant que la sécurité des uns ne peut se faire aux dépens de celle des autres, en dépit du droit de chaque Etat à choisir ses alliances. Moscou et Pékin dénoncent, en outre, «l’influence négative pour la paix et la stabilité dans la région de la stratégie indo-pacifique des Etats-Unis».
Ils se disent aussi «préoccupés» par la création, en 2021, de l’alliance militaire des Etats-Unis avec le Royaume-Uni et l’Australie (Aukus), estimant que cette union, dénoncée déjà par la Chine, «touche à des questions de stabilité stratégique». Alors que les Etats-Unis considèrent comme une priorité leur compétition avec Pékin en Asie et dans le Pacifique. Quelques jours plus tard, Moscou a lancé son opération militaire en Ukraine.
L’annonce de la visite en Russie de Xi Jinping intervient au lendemain d’un entretien téléphonique entre ministres chinois et ukrainien des Affaires étrangères. «La Chine craint que la crise ne s’aggrave et ne devienne incontrôlable», a indiqué à son interlocuteur le ministre chinois Qin Gang, selon un communiqué de son ministère. «Elle espère que toutes les parties garderont leur calme, feront preuve de retenue, reprendront les pourparlers de paix au plus vite et reviendront sur la voie d’un règlement politique.»
Hier, Moscou a exprimé sa colère après que la Slovaquie a annoncé la livraison prochaine à l’Ukraine de 13 avions de chasse Mig-29, devenant ainsi le deuxième pays de l’Otan après la Pologne à prendre une telle décision. Kremlin a dénoncé une «implication de plus en plus grande» des pays de l’Otan dans le conflit avec Kiev. «La livraison de ces équipements militaires, comme nous l’avons répété maintes fois, ne peut pas affecter l’issue» du conflit, a déclaré à la presse le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. «Bien entendu, ces équipements seront détruits».
En février, la Chine a publié un document en 12 points exhortant Moscou et Kiev à tenir des pourparlers de paix. Le texte s’oppose à tout recours à l’arme nucléaire et appelle à respecter l’intégrité territoriale de tous les pays. Aussi, Pékin souhaite que le conflit sorte de sa «mentalité de guerre froide». Dans cette optique, «la sécurité d’une région ne devrait pas être obtenue en renforçant ou en élargissant des blocs militaires. Les intérêts et inquiétudes légitimes de tous les pays en matière de sécurité doivent être pris au sérieux».
Pour se rapprocher de la paix, selon l’Empire du Milieu, les Occidentaux, la Russie et l’Ukraine doivent chercher à «maintenir la stabilité des chaînes industrielles et d’approvisionnement», mais également «s’opposer à l’utilisation de l’économie mondiale comme outil ou arme à des fins politiques».
Ce document a été accueilli avec prudence par les Occidentaux car la Chine n’a jamais condamné publiquement la Russie. Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a déclaré qu’il est d’accord avec certaines parties du plan, ce qui, selon lui, est un signe de la volonté de la Chine de s’impliquer dans le conflit. Le mois dernier, il a fait part de son souhait d’échanger avec son homologue chinois. «Ce sera important pour la sécurité mondiale.
La Chine respecte l’intégrité territoriale et doit tout faire pour que la Russie quitte le territoire de l’Ukraine», a-t-il affirmé.