L’Allemagne, première puissance économique de la zone euro, lorgne ces derniers mois vers l’Algérie pour «ajuster» son modèle énergétique jusque-là adossé au gaz russe.
Après Rome et Belgrade, le ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger (MAE), Ahmed Attaf, s’est rendu jeudi à Berlin dans le cadre d’une tournée européenne visant à renforcer les relations bilatérales entre l’Algérie et ses partenaires en Europe.
Les visites d’Ahmed Attaf en Italie, en Serbie et en Allemagne, effectuées sur instruction du président de la République, Abdelmadjid Tebboune, s’insèrent dans le cadre de la consolidation du dialogue politique sur les questions qui concernent les intérêts fondamentaux et majeurs de l’Algérie et de ses partenaires.
Le périple européen de M. Attaf intervient, moins de deux semaines, après la visite d’Etat effectuée par le président Tebboune en Russie et la signature avec son homologue russe, Vladimir Poutine, d’une «Déclaration sur un partenariat stratégique approfondi».
Sur le plan diplomatique, M. Attaf s’est donné pour objectif, lors de cette tournée européenne, de conforter le rôle de l’Algérie dans son environnement régional et de réaffirmer son statut de partenaire responsable et fiable dans la rive sud de la Méditerranée.
Un rôle privilégiant une approche multilatérale et favorisant une politique de voisinage commun dans un contexte géopolitique dominé par des enjeux énergétiques, engendrés essentiellement par le conflit russo-ukrainien. A Berlin, le ministre des Affaires étrangères a ainsi examiné avec son homologue allemand les «dossiers régionaux et internationaux d’intérêt commun», a souligné un communiqué du MAE.
Il a également coprésidé avec la ministre allemande, Annalena Baerbock, une séance de travail au cours de laquelle l’état et les perspectives du partenariat algéro-allemand ont été passés en revue.
Les deux ministres se sont réjouis, à ce titre, de «la dynamique des relations bilatérales dans divers secteurs, notamment les grands projets communs que les deux parties aspirent à concrétiser dans le domaine des énergies renouvelables et de l’hydrogène vert», a ajouté la même source.
M. Attaf et Mme Baerbock ont, à cette occasion, réaffirmé leur engagement à renforcer la concertation et la coordination autour de la situation dans la région sahélo-saharienne, en évoquant le processus de paix et de réconciliation au Mali, ainsi que de la crise en Ukraine à la lumière de l’initiative de médiation algérienne «en vue de contribuer aux efforts internationaux visant à favoriser une solution pacifique et durable qui mettra un terme au conflit et permettra de remédier à ses conséquences et retombées», toujours selon le MAE.
La ministre allemande a, au terme de la séance de travail, salué «le rôle prépondérant de l’Algérie pour assurer la sécurité énergétique dans le monde et ses efforts dans son espace régional pour instaurer la sécurité et la stabilité au Mali, en Libye et au Sahel de manière générale».
Elle a, par ailleurs, félicité l’Algérie pour son élection comme membre non permanent du Conseil de sécurité, soulignant que son pays était disposé à partager son expérience acquise lors de son dernier mandat au Conseil de sécurité en 2019-2020.
Le chef de la diplomatie algérienne a, pour sa part, rappelé «la profondeur des relations historiques entre les deux pays qui remontent au Traité de paix signé entre l’Algérie et Hambourg en 1751», se réjouissant de «leurs perspectives prometteuses, notamment dans les domaines technique et énergétique».
Le ministre des Affaires étrangères a, par ailleurs, eu des entretiens hier avec le vice-chancelier et ministre allemand de l’Economie et du Climat, Robert Habeck, sur le partenariat économique algéro-allemand et les perspectives de le renforcer, notamment à la lumière des nouveaux projets que les deux parties aspirent à concrétiser dans le domaine des énergies renouvelables et l’hydrogène vert.
SoutH2 Corridor
M. Attaf a, à cette occasion, salué l’accord conclu entre l’Allemagne, l’Autriche et l’Italie sur le projet de l’hydrogène Sud (SoutH2 Corridor), qui ouvrira la voie à un accord élargi au sein de l’Union européenne (UE) pour soutenir ce projet qui vise à couvrir 10% des besoins énergétiques de l’Europe.
Les deux parties ont, en outre, évoqué la nécessité d’entamer les préparatifs de la prochaine session de la Commission économique mixte entre les deux pays en organisant une réunion au niveau des experts en Algérie en octobre prochain.
A cet effet, M. Attaf a convié le vice-chancelier allemand à effectuer une visite officielle en Algérie. Robert Habecka a accueilli favorablement l’invitation, souhaitant la concrétiser au début de l’année prochaine. L’Allemagne, première puissance économique de la zone euro, lorgne ces derniers mois vers l’Algérie pour «ajuster» son modèle énergétique jusque-là adossé au gaz russe.
Elle entend importer du gaz algérien dans ce sens à partir de 2024, selon des déclarations de responsables allemands. L’Union européenne (UE), principal partenaire commercial de l’Algérie, compte également diversifier ses approvisionnements en énergie avec notre pays.
Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a, lors de son récent déplacement à Alger, affirmé que l’UE souhaitait développer son partenariat énergétique avec l’Algérie.
Environ «90% des exportations de gaz algérien partent vers l’Europe, et nous savons que nous pouvons compter sur l’Algérie qui est un partenaire fiable et il l’a été dans des moments difficiles», a-t-il déclaré à l’AFP à l’issue d’un entretien avec le président Tebboune.
L’UE souhaite, devait-il ajouter, développer ce partenariat «en regardant vers le futur, en privilégiant les investissements européens dans le secteur des énergies renouvelables».
L’Algérie est le premier exportateur africain de gaz naturel. Soucieux de diversifier leurs approvisionnements pour réduire leur dépendance aux hydrocarbures russes, plusieurs pays européens se sont tournés vers le gaz algérien. Le 19 janvier dernier, le PDG de la société italienne de gestion des gazoducs (SNAM), Stefano Venier, a souligné le caractère stratégique du projet du gazoduc Galsi.
Le projet serait, selon lui, d’un apport important pour soulager la demande de l’Europe sur les produits énergétiques, notamment l’Italie et l’Allemagne, à la recherche d’alternatives au gaz russe.
D’importants efforts sont déployés par l’Italie pour se transformer en hub énergétique européen, laquelle s’appuie essentiellement sur le partenariat stratégique qu’elle a scellé avec l’Algérie, portant sur l’augmentation des approvisionnements en gaz naturel et GNL.
Depuis le début de la crise ukrainienne, les regards des pays européens sont braqués vers l’Algérie qui se place en acteur principal sur l’échiquier énergétique européen.