Le changement climatique, ou réchauffement de la terre causé par les gaz à effet de serre produits principalement par l’activité humaine, est aujourd’hui ressenti partout dans le monde. L’agriculture étant considérée comme secteur économique le plus sensible aux effets négatifs de ce phénomène.
De par son évolution, le changement climatique présente des enjeux critiques suscitant sans cesse des débats médiatiques chauds et contradictoires, par manque de consensus scientifique, entre les écologistes et les climato-sceptiques, ceux qui nient ou minimisent le réchauffement climatique. Les débats s’amplifient au sein des universités, des organisations internationales, des gouvernements et des sociétés civiles.
Au cœur des débats, l’insécurité alimentaire mondiale est mise en exergue, surtout lorsque les statistiques alarmantes de l’ONU annoncent plus de 800 millions de personnes souffrant actuellement de la faim dans le monde. Les prévisions du FMI prévoient une population mondiale de 9 milliards en 2050, et la production alimentaire doit augmenter de 70% pour suivre le rythme de la croissance démographique mondiale. Sachant alors comment les aléas climatiques agissent-ils sur la sécurité alimentaire mondiale aujourd’hui, l’humanité pourra s’attendre à un avenir incertain.
En effet, selon les experts, les températures élevées dues au réchauffement (vagues de chaleur, incendies de forêt intenses) et la modification des régimes de précipitations (sécheresse, inondations) diminueront les rendements des cultures utiles via des mauvaises récoltes à court terme et des faibles productions à long terme. Pareillement, les productions animales, la pêche et la foresterie seront sérieusement affectées. Il y a lieu de rappeler que l’élévation de la température est un allié fort pour la prolifération microbienne, des parasites et des insectes nuisibles pouvant compromettre la qualité sanitaire et la conservation des produits alimentaires.
En conséquence, la disponibilité alimentaire sera réduite, et les prix des produits agricoles connaîtront vraisemblablement des hausses significatives sur le marché national et international.
N’étant pas à l’abri de cette menace, l’Algérie est contrainte de chercher des alternatives permettant de concilier changement climatique et développement agricole.
A vrai dire, l’effet du réchauffement climatique ne fait qu’accentuer la menace pesant sur la sécurité alimentaire en Algérie déjà impactée par une forte croissance démographique, le retard de développement technique de l’agriculture, l’exploitation abusive des forêts, des terres agricoles inexploitées ou mal exploitées, la déforestation découlant de l’expansion agricole et l’augmentation de la consommation d’eau due à son usage irrationnel (gaspillage).
Face aux enjeux climatiques, l’Algérie comme tant d’autres pays doit réfléchir à des innovations pour produire des aliments sains, nutritifs et en quantité suffisante afin de nourrir sa population en pleine croissance. Pour relever le défi de la sécurité alimentaire, l’Algérie a tant besoin d’adopter de nouvelles approches comme l’agriculture climato-intelligente ouvrant des perspectives prometteuses pour la résilience et la durabilité de l’agriculture à l’échelle nationale.
Selon la FAO, l’agriculture intelligente face au climat vise trois objectifs principaux : l’augmentation durable de la productivité et des revenus agricoles (sécurité alimentaire), le renforcement de la résilience face aux impacts des changements climatiques (adaptation) et la réduction et/ou la suppression des émissions de gaz à effet de serre (l’atténuation).
Pour atteindre ces objectifs, l’Algérie doit se mettre au diapason climato-intelligent en implémentant des pratiques éprouvées et innovantes basées sur les nouvelles technologies et l’intelligence artificielle dans son système agricole. Dans ce sens, la prospective joue un rôle crucial dans l’élaboration des stratégies de développement via le renforcement de start-up, en vue d’assurer durablement la sécurité alimentaire. Ainsi, il est grand temps pour l’Algérie de développer son agriculture via l’adoption des technologies agricoles intelligentes répondant à des préoccupations urgentes.
A titre d’exemple, il est recommandé d’utiliser les technologies de l’information et de la communication permettant fondamentalement la collecte, le stockage, le traitement, la gestion et l’échange de données et d’informations. Plus explicitement, la collecte de données sur tous les éléments, du contenu du sol aux conditions météorologiques, est essentielle dans l’agriculture intelligente pour aider les agriculteurs à structurer et à transférer ces données. L’autre option est d’exploiter l’internet des objets désignant un réseau d’objets physiques connectés disposant de «capteurs intelligents» qui assurent le suivi des cultures, le suivi du bétail et l’observation de l’état de l’équipement agricole, entre autres. En outre, des drones peuvent également être mis en œuvre pour collecter des données agricoles par télédétection.
A titre d’illustration, aux Etats-Unis, des capteurs reliés à une application pour smartphones recueillent des informations en temps réel sur l’état des sols, notamment leur humidité, aboutissant à des recommandations en matière d’arrosage. De même, ces technologies permettent d’observer les conditions à l’intérieur des «serres intelligentes» et d’ajuster automatiquement les températures, la lumière, l’humidité et les niveaux d’irrigation en fonction des besoins, afin de créer un environnement optimal pour la croissance des cultures.
Enfin, le recours à l’automatisation et à la robotique permet l’usage des tracteurs autonomes et des robots pour des tâches telles que l’ensemencement, la récolte et la taille. Autres avantages, des drones peuvent être employés pour la collecte de données, afin de pulvériser des engrais, des pesticides et d’autres produits agricoles d’une manière plus efficace et plus précise que les méthodes classiques. Toutes ces nouvelles technologies peuvent contribuer à créer un meilleur avenir pour l’agriculture et garantir une sécurité alimentaire permanente pour l’Algérie.
Par Pr Amrouche Tahar
Directeur du laboratoire qualité et sécurité des aliments