Le recours à l’importation de véhicules depuis l’étranger, dont les avantages sont à énumérer, tels que la qualité des véhicules obéissant à des normes mondiales, roulant dans un environnement régi par des lois strictes, un choix diversifié et la disponibilité dans un délai court, comporte a contrario des risques accrus et des contraintes dont les acheteurs ne s’en aperçoivent qu’une fois le véhicule est mis en circulation sur le territoire national.
Par : Aziz Kharoum
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Le marché de l’automobile du pays n’a pas encore atteint son degré de maturité. D’abord du fait que le dossier lié à l’importation de véhicules neufs, bien qu’il ne soit pas officiellement annulé, est toujours mis «en veille» dans l’attente de la délivrance du nouveau quota pour l’exercice 2024.
Un rétropédalage inattendu qui vient compromettre une relance du marché automobile amorcée pourtant en grande pompe l’année dernière, lequel avait donné beaucoup d’espoir après une privation de cinq années. Mais aussi, c’est sans compter sur un marché d’occasion caractérisé depuis plus de six ans par une flambée des prix des véhicules jamais égalée.
Une conséquence à laquelle il fallait sans nul doute s’attendre, puisque ce marché obéit lui aussi à l’offre et à la demande du marché du neuf du pays. Cela étant dit, une porte sur le marché automobile du pays reste ouverte pour approvisionner le marché algérien, permettant aux particuliers d’acquérir une voiture depuis l’étranger.
Cette option s’avère dans l’immédiat la plus envisageable pour de nombreux Algériens au vu de l’évolution du secteur automobile du pays, lequel semble ne plus pouvoir couvrir les besoins actuels en matière de disponibilité de véhicules, en attendant le passage à la fabrication locale qui devra débuter pour certaines marques à l’orée de 2025.
Donc, il est tout à fait évident que le dossier lié à l’importation de véhicules d’occasion suscite un tel engouement ces derniers temps en dépit de toutes les complexités administratives, douanières et financières exigées par les nouvelles dispositions gouvernementales.
Toutes ces formalités ne s’avèrent néanmoins pas comme une contrainte pour beaucoup de personnes désireuses d’acquérir un véhicule à «tout prix» au regard de la nécessité absolue. Preuve en est, le nombre de voitures de moins de 3 ans importées a explosé au port d’Alger, selon les chiffres livrés ce 21 octobre par le chef d’inspection divisionnaire aux régimes particuliers à la direction des Douanes d’Alger, le contrôleur général, Abdelkader Chibane.
Revers de la médaille
Force est de constater que le recours à l’importation de véhicules d’occasion, dont les avantages sont à énumérer, tels que la qualité des véhicules obéissant à des normes mondiales, en bon état de marche dans un environnement régi par des lois strictes, un choix diversifié et la disponibilité dans un délai court, possède a contrario des risques accrus et des inconvénients dont les acheteurs ne s’en aperçoivent qu’une fois le véhicule est mis en circulation sur le territoire national. Car il s’agit bien d’un risque que s’apprêtent à prendre de nombreux Algériens, inconscients de l’arnaque qui se trame sur leur dos, par les multiples réseaux de trafiquants installés dans les grandes villes d’Europe. Ce revers de la médaille, conditionné par la demande croissante et effrénée des clients, commence à se révéler au grand jour chez nous.
C’est d’ailleurs l’une des raisons qui a motivé les autorités compétentes de geler, en ce début du mois d’octobre, la délivrance des cartes grises, à en croire certaines voix concordantes. La falsification des documents des véhicules volés semble constituer une passerelle pour la criminalité organisée adoptée par des importateurs véreux. Sous cette optique, il faut se mettre à l’évidence qu’il existe de nombreuses catégories de véhicules d’où sont puisées ces offres à l’export, provenant des parcs de sociétés de location et de leasing, mais également des voitures accidentées, maquillées et d’autres volées ou inondées.
Face aux pratiques spéculatives qui se sont développées, le gouvernement a décidé de revoir sa copie. L’avant-projet de loi de finances 2025 prévoit des restrictions additionnelles pour réguler le secteur. Hormis le problème d’authenticité des véhicules importés, le gouvernement souhaite, entre autres, lutter contre les spéculateurs qui profitent des avantages fiscaux et douaniers pour revendre rapidement les véhicules avec une grosse plus-value à la clé.
Accident et kilométrage
Mais faut-il encore dire que cette mesure ne règle pas tout le problème. Pour la plupart des acheteurs potentiels, à défaut de pouvoir partir en Europe acheter eux-mêmes leurs propres voitures de moins de trois ans, il peut être difficile de vérifier l’historique complet d’une voiture d’occasion importée.
Les risques incluent des kilométrages trafiqués, des antécédents d’accidents non déclarés ou des problèmes mécaniques masqués, que même au passage du contrôle obligatoire des services des mines, ces failles sont difficilement identifiables.
Donc, acheter auprès de sources peu fiables ou non reconnues peut augmenter les risques de fraude. A titre indicatif, de nombreux acheteurs de voitures ont déjà signalé des arnaques de ce genre depuis la réouverture en 2023 du marché à l’importation. «Il est très difficile de contrôler la qualité des voitures d’occasion au niveau international, car les pays ont des législations différentes en matière de fraude au compteur kilométrique.
Comme les pays n’échangent pas d’information sur les voitures, une fois qu’un véhicule est exporté, son historique peut être revu à la baisse à l’aide de scanners ultra sophistiqués.
Ce qui triple presque le risque de se retrouver avec une voiture au compteur trafiqué, comparée à une voiture nouvellement acquise de la concession», explique Omar VVT représentant de groupe World Motors et expert en automobile. Et l’achat d’un kilométrage falsifié est le début des ennuis : difficultés à planifier l’entretien, pannes, risques pour la sécurité…
En somme, ces véhicules reviennent plus chers à l’achat. Encore faut-il gérer les contraintes liées à cette nouvelle mesure concernant le gel de l’opération de délivrance de cartes grises des voitures importées pour lesquelles la reprise est renvoyée sine die par un arrêté ministériel.
Les acheteurs particuliers de ces véhicules, après avoir accompli les formalités fastidieuses du dédouanement, passage obligatoire par les services des mines ainsi que le dépôt du dossier pour l’immatriculation devront attendre encore trois longues années avant de pouvoir revendre le véhicule sur le marché.
Un engagement qui au final nécessite à réfléchir à plus d’une fois avant de s’engager et recourir à cette voie d’acquisition de véhicules. La réussite de ce pari risqué reste entre les mains des acheteurs !