La création de l’Académie par décret présidentiel de 2015 a permis, après la sélection par un panel de scientifiques des plus prestigieuses académies du monde, d’avoir un noyau de 46 académiciens, dont 6 résidents à l’étranger.
Six chercheurs algériens établis à l’étranger et membres de l’Académie algérienne des sciences et technologies attirent l’attention des plus hautes autorités du pays sur «la grave menace d’exclusion des scientifiques algériens résidant à l’étranger de toute responsabilité au sein de l’Académie algérienne des sciences et des technologies (AAST), contenue dans le texte de loi 2022-02 du 25 avril 2022, fixant l’organisation, la composition, le fonctionnement et les missions de l’Académie algérienne des sciences et des technologies», alertent les professeurs Maghraoui Mustapha, physicien du globe et géologue à l’Institut Terre et environnement de Strasbourg (ITES) et président élu de la Commission sismologique africaine, Ahmed Djebbar, ancien ministre de l’Education nationale, le chimiste physicien de renom Abderrahmane Tadjeddine de l’université Paris-Sud-Orsay, et le Dr Azzedine Bousseksou, directeur de recherche au CNRS à Toulouse, classé meilleur chercheur au monde par la prestigieuse université américaine de Stanford en mai 2021, ainsi que trois autres membres de l’Académie algérienne.
Une distinction basée sur la fréquence à laquelle leurs travaux sont cités par d’autres scientifiques et publications scientifiques aux quatre coins de monde.
La première mouture portant création de cette Académie, adoptée en Conseil des ministres sous la présidence de Abdelmadjid Tebboune, a été modifiée, dénoncent les scientifiques sans que cela ne leur a été signifié.
«A notre grande surprise, le projet de loi proposé par l’Académie a été modifié par rapport à sa version initiale préparée par l’Académie et adoptée à l’unanimité par l’ensemble des académiciens algériens, en particulier les articles 9, 12 et 20 qui stipulent que seuls les résidents en Algérie peuvent postuler et accéder au poste de la présidence de l’Académie, faire partie du bureau de l’Académie ou présider les différentes sections scientifiques ou technologiques de l’Académie», relèvent les chercheurs signataires d’une correspondance adressée aux députés algériens représentant la communauté algérienne à l’étranger, dont la présidente de l’AAST, Malika Allab, et l’ensemble des membres de l’Académie résidant en Algérie.
«Ces dispositions sont d’abord une régression par rapport à ce qui a bien fonctionné depuis, basé sur le décret présidentiel de création de l’AAST daté de 2015. Par exemple, des présidents de section vont perdre ce statut alors qu’ils ont parfaitement bien fonctionné durant toute cette période», soulignent les chercheurs. Et d’estimer que «ces trois articles sont aussi, à notre avis, anticonstitutionnels et visent gravement à écarter les Algériens non résidents en Algérie de toute responsabilité au sein de l’Académie».
Pour eux, écarter les scientifiques algériens non résidents en Algérie n’a «tout simplement aucun sens» et même risquerait d’«amoindrir inutilement la portée des actions de l’Académie».
Ce noyau fondateur a fonctionné depuis 2015 de manière solidaire, rappellent-ils, permettant aux académiciens algériens, tant résidents à l’étranger que résidents en Algérie et dans un esprit d’unité exceptionnel, d’être la «locomotive du démarrage et du fonctionnement de notre Académie», écrivent les six chercheurs. «Ce dont nous sommes tous fiers», affirment encore les chercheurs.
Un dossier à soumettre à l’APN
Et de préciser que la création de l’Académie par décret présidentiel de 2015 a permis, après la sélection par un panel de scientifiques des plus prestigieuses académies du monde, d’avoir un noyau de 46 académiciens, dont 6 résidents à l’étranger, avec l’objectif d’avoir à terme 200 académiciens sélectionnés et fonctionnant selon les standards internationaux en vigueur dans les grandes académies du monde (décret présidentiel n° 15-246 du 23 Dhou El Kaada 1436, correspondant au 7 septembre 2015, portant approbation de la liste définitive des membres fondateurs de l’Académie algérienne des sciences et technologies.
«Nous pensons que les modifications citées ci-dessus nuisent gravement à l’unité de l’Académie, au risque même de l’éteindre et d’empêcher notre pays d’avoir une Académie de qualité et de prestige fonctionnant comme celles de toutes les autres nations de la planète», regrettent-ils.
Et de demander l’intervention des députés pour «la correction de ce volet de la loi qui serait très importante et permettrait la mise en place de l’Académie algérienne des sciences et technologies sur des bases saines, constructives et solides».
Le bon fonctionnement d’une Académie des sciences, tel que stipulé dans le décret présidentiel de 2015, est primordial, selon les chercheurs qui ajoutent : «Nous tenons à contribuer au développement économique et social de notre pays».
Un dossier qui sera soumis au bureau de l’APN, notamment à la commission de l’éducation, de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, pour examen, a précisé un des députés représentant la communauté algérienne à l’étranger.
Interrogée à ce propos, la présidente de l’AAST, le Pr Malika Allab Yaker, destinataire du même courrier, affirme qu’il est clair qu’à travers ces articles «il y a une sorte de discrimination envers les membres non résidents en Algérie et c’est anticonstitutionnel».
Elle estime qu’il y a des modalités pratiques dont il faut tenir compte, mais cela relève de l’organisation des instances au sein de l’Académie définies par le règlement intérieur.
«Ce n’est pas normal. D’un côté, on fait appel à eux pour participer au développement du pays et, de l’autre, on les exclut. L’Académie compte saisir le Conseil constitutionnel pour la révision de cette loi», a-t-elle déclaré. Et signaler qu’une réunion des membres de l’Académie est prévue prochainement et ce problème y sera soulevé.