Abdelghani Badi : «Le transfert des grévistes de la faim est une mesure punitive»

08/02/2022 mis à jour: 00:27
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Abdelghani Badi. Membre du collectif de défense des détenus d’opinion / Photo : D. R.

L’avocat et membre du collectif de défense des détenus d’opinion revient ici sur le transfert des prisonniers d’opinion ayant entamé une grève de la faim à la prison d’El Harrach vers d’autres établissements pénitenciers du pays. Selon lui, 23 détenus étaient concernés par cette mesure «punitive», visant «à casser ce mouvement de grève». Concernant les accusations de violences subies par les concernés, elles font «actuellement l’objet d’un examen par le collectif de la défense qui envisage de porter plainte contre les auteurs de ces pratiques».

- Des détenus d’opinion ont été transférés, il y a quelques jours, de la prison d’El Harrach vers d’autres établissements pénitentiaires du pays. Quel est leur nombre et où ont-ils été placés ?

Le nombre des détenus qui ont été transférés de la prison d’El Harrach, selon nos informations, est de 23. Ils sont placés en détention au niveau des prisons de Bouira et de Berrouaghia.

Ce chiffre concerne ceux qui sont poursuivis dans des affaires dans lesquelles nous nous sommes constitués en tant qu’avocats de la défense. Mais, selon les informations données par nos clients, le nombre des détenus d’opinion dans la seule prison d’El Harrach dépasse les 100 personnes.

- Cette décision a été prise en raison de la grève de la faim entamée pas ces détenus pour dénoncer leur «détention arbitraire». Quel est l’objectif de cette mesure, selon vous, surtout que le parquet général près la cour d’Alger avait démenti l’existence de grévistes de la faim à la prison d’El Harrach ?

En fait, nous étions étonnés par les déclarations du parquet, surtout que ce démenti est intervenu après l’entrée en grève de la faim de certains détenus.

Cette action a été entamée à cause de l’entêtement de la direction de la prison d’El Harrach, qui a refusé de se conformer à l’article 64 de la loi régissant les prisons.

Cet article stipule que «(…) le prisonnier en grève de la faim doit être placé en isolement comme mesure préventive et s’il y a plusieurs grévistes, ils sont mis à l’écart des autres prisonniers». Ainsi, l’administration de la prison aurait dû appliquer cette disposition, surtout que la grève de la faim est un droit reconnu par ce même article.

Nous considérons, de ce fait, que le transfert de ces détenus vers d’autres prisons est, d’un côté, une mesure punitive, de l’autre, elle vise à casser ce mouvement qui s’est élargi par la suite, dans la mesure où la grève a été observée par plus de 40 détenus.

- Des familles de certains détenus ont pris la parole pour dénoncer leur maltraitance à l’occasion de leur transfert. Ces faits sont-ils avérés ?

Je pense que ces familles ne peuvent pas inventer des faits imaginaires pour induire en erreur les parents et les proches des détenus. Même ceux qui sont restés à la prison d’El Harrach nous ont informés que ce transfert s’est fait avec violence.

De ce fait, le collectif de la défense examine cette affaire de maltraitance des détenus et recueille des témoignages et les détails pour introduire des plaintes contre ceux qui sont impliqués dans l’atteinte à l’intégrité physique ou morale des prisonniers.

- Malgré les dénonciations, les activistes et les militants continuent à être poursuivis. Selon vous, quel est le but de cette politique ?

Le pouvoir a adopté une approche sécuritaire qui a gravement brimé les libertés des Algériennes et Algériens. Le hirak était pacifique et reste comme tel.

Mais le régime, qui refuse la transition politique, a décidé de le criminaliser en lui collant des affaires graves, voire très graves, portant sur l’atteinte à l’unité nationale, la trahison, le terrorisme et d’autres formes d’accusations qui ne reposent sur aucun fait.

Aujourd’hui, un seul post sur Facebook peut valoir à son auteur des poursuites pour terrorisme, alors que l’appel à un changement pacifique est devenu un délit condamné en vertu de l’article 87 bis, surtout si le changement voulu ne s’inscrit pas dans le cadre constitutionnel.

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