- Y a-t-il un recul social en Algérie ?
On ne peut pas dire qu’il y a un recul, contrairement aux années 1970 caractérisées par la pauvreté. Bien au contraire, il y a une nette amélioration du cadre de vie. Pour parler d’un recul, il faut se baser sur les critères et l’Indice du développement humain (IDH). Ce dernier indique que l’Algérie est classée premier ou deuxième pays en Afrique, avec un IDH de 0,75. Cela, sans oublier que tous les Algériens ont accès à l’éducation, aux soins et autres.
Mais en comparaison avec d’autres pays, notre développement n’était pas en harmonie avec nos capacités. On aurait pu avoir de meilleures conditions de vie, si on avait des politiques économiques et sociales rationnelles, accompagnées d’évaluation, posant des questions sur chaque dépense et ses résultats. Cette évaluation est différente de l’audit et le contrôle menés par des institutions officielles.
- Toute politique sociale repose sur trois axes : l’assurance, l’assistance et la solidarité, induisant une redistribution des richesses et une réduction des inégalités. Pensez-vous que ces principes sont appliqués en Algérie ?
Relativement oui. L’Algérie est bien placée par rapport à ses voisins africains, en se basant sur l’indice de Gini qui reflète la distribution égale des richesses. Les richesses de l’Algérie touchent tout le monde, soit dans les villes ou dans les régions rurales. Certes, il y avait des dérives durant ces dernières décennies, mais la situation dans notre pays est nettement meilleure que celle d’autres pays, comme le Maroc.
Dans ce dernier, on constate une grande différence entre les villes côtières et celles de l’intérieur. Evidemment, on peut faire mieux, mais avec une évaluation afin de revoir la manière de distribution des richesses, caractérisée parfois par le gaspillage. Je cite le phénomène des subventions, qui s’est répercuté négativement sur l’économie nationale.
Tous les problèmes du pays viennent de ces subventions, à commencer par le dinar algérien qui est surévalué, encourageant la surfacturation, la contrebande des marchandises et le trafic à travers les frontières. Cela, parce que les prix des biens et des services en Algérie sont moins chers, et des réseaux essaient de les exporter par le biais de l’informel. Il est nécessaire de cibler les couches qui méritent cette aide.
- A part le soutien aux prix des produits de base, qui profite même aux riches, où voyez-vous la distribution des richesses ?
A travers la santé gratuite pour tout le monde, la formule du logement social qui n’existe qu’en Algérie, l’enseignement gratuit, l’hébergement dans les cités universitaires ainsi que des repas à un 1,20 DA au profit d’environ 1 million d’étudiants et autres.
Même les pays de l’époque communiste ne faisaient pas cela. Il n’y a pas mieux que la réalité des prix, commençant par l’évaluation du dinar et ce qui suit, donnant les vrais salaires, pour que chacun prenne sa responsabilité. Par exemple, en donnant l’argent directement à l’étudiant, on va systématiquement éviter la moitié du gaspillage.
- Pensez-vous que l’actuelle stratégie de politique sociale en Algérie tend à réduire les inégalités ?
Il y a une certaine prise de conscience allant dans le bon sens. Mais il y a le manque de courage, où on ne va pas au fond des choses par la création d’un ministère de suivi et d’évaluation de tout programme public.
Comme solution à court terme, je propose l’évaluation immédiate des actions et des politiques publiques. A long terme, il faut aller vers la réalité des prix, par étape, durant les cinq prochaines années. Le but est d’arriver à écarter la rente pétrolière du budget de l’Etat, commençant par l’établissement d’un plan.
Le but de ce plan, qui s’étalera sur 10 ans, est de supprimer chaque année 10% de la rente pétrolière du budget et la mettre de côté. Avec le temps, les recettes du pétrole ne seront réservées que pour les projets structurants et non pas pour l’importation de vêtements et maquillage de la Turquie.
Tout le monde est aujourd’hui tenté par l’importation avec la surévaluation du dinar. Mais avec la suppression de la rente pétrolière, les fabricants locaux vont se mettre à travailler, participant à l’émergence de l’économie locale.
Tout comme le phénomène de lettre J, où au début ça va être difficile, mais dans deux ans et par besoin on va se rattraper et allant même vers l’exportation, avec une évaluation permanente.
Le critère qui permet de connaître une politique défaillante d’un Etat est l’existence des taux de change parallèle. Malheureusement, l’Algérie est parmi les rares pays qui ont un marché parallèle et n’a pas de bureau de change.