A quand l’ouverture totale du ciel algérien ?

07/03/2022 mis à jour: 00:51
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Photo : D. R.

De plus en plus de pays ont décidé la réouverture totale des frontières pour permettre de voyager sans restriction. Cette décision a été prise après avoir constaté un net recul du nombre des cas Covid-19 et ayant pris conscience que le transport aérien sera un élément vital de la reprise économique mondiale après la crise sanitaire. En Algérie, l’ouverture se fait graduellement et avec une extrême prudence. Ce qui ne permet pas à la compagnie nationale Air Algérie de prendre de l’altitude et engendre des prix excessivement chers, surtout ceux des compagnies aériennes étrangères.

Dans ce contexte, et au cours d’une visite inopinée samedi dernier au siège de l’agence commerciale d’Air Algérie à la place Audin, Aïssa Bekkaï, ministre des Transports, a été interpellé par certains citoyens qui ont soulevé deux problèmes majeurs, à savoir «l’insuffisance du nombre de vols et la cherté des billets». 

Il a souligné les efforts de la tutelle qui vise à «augmenter le nombre des vols dans les prochains jours» sans donner plus de détails, ni de date précise, ce qui contribuera à alléger, selon lui, «la pression sur Air Algérie, ainsi qu’à ramener les prix des billets à des niveaux acceptables».

Le marché algérien est parmi les plus importants sur le réseau France par exemple, et la demande devrait exploser en cas de réouverture totale des frontières ou de hausse importante du nombre de vols autorisés. Actuellement, il y a 52 vols par semaine sur le réseau international, alors qu’Air Algérie faisait 250 vols par jour en 2019. Le taux d’exploitation est entre 12 et 15% par rapport au programme de 2019. Cela reste nettement insuffisant pour répondre à la forte demande exprimée. Un avion qui ne vole pas a une répercussion sur la maintenance.

C’est très coûteux. La maintenance est l’un des plus importants postes budgétaires derrière le carburant, les salaires ainsi que les redevances d’aéroport et de navigation. La flotte d’Air Algérie est composée de 59 appareils, dont l’âge moyen est de 11 ans, répondant aux normes de sécurité internationales, exploités tant pour le transport des passagers que pour le cargo. Seule une ouverture plus large des frontières aériennes permettra à la compagnie nationale de retrouver son équilibre financier.

L’argument sanitaire qu’on avance à chaque fois n’arrive plus à convaincre. Le Dr Mohamed Bekkat Berkani ne fait pas dans la nuance : «Il n’y a aucun empêchement sanitaire pour la réouverture totale des frontières. Sur le plan socioéconomique, la reprise des liaisons avec les pays étrangers, notamment la France et le Canada, est pratiquement urgente pour des raisons sociales, économiques, certaines familles dépendent de leurs enfants se trouvant à l’étranger.» Pourquoi dans ces cas le programme d’Air Algérie d’avant Covid n’est pas mis en place ? Pourquoi il faut des tests PCR pour se déplacer alors que la majorité des pays sont entrain de lever les restrictions sanitaires ?

Pourquoi la frontière terrestre avec la Tunisie est maintenue fermée ? Autant de questions qui interpellent le gouvernement et qui méritent des réponses convaincantes. Il faut ouvrir les frontières car les bilans financiers d’Air Algérie ne sont pas bons et les chiffres officielles indiquent un recul sensible du nombre de cas Covid (41 nouveaux cas confirmés de Covid-19, 41 guérisons et 1 décès ont été enregistrés ces dernières 24 heures en Algérie). La reprise des vols réguliers vers deux pays africains, à savoir le Sénégal et la Mauritanie, à partir du dimanche 27 mars 2022, n’est qu’un petit pas timide vers la normalisation. C’est un marché marginal et des lignes fréquentées essentiellement par des hommes d’affaires.

La forte demande est exprimée sur la France dans les deux sens. Des liens familiaux ont été disloqués à cause de la Covid-19 et beaucoup de binationaux ou de résidents en France n’ont pas pu venir en Algérie à cause du manque de vols. Air Algérie a plusieurs challenges à relever dans un contexte extrêmement défavorable : renforcer sa position sur le marché domestique, d’autant qu’elle sera en principe concurrencée par d’autres compagnies privées en cours de création, renouveler et augmenter progressivement sa flotte pour déployer ses ailes sur un marché africain en pleine croissance.

Mais même sur ce marché, elle devra se battre avec les majors qui ont déjà un réseau bien établi (Air France, Lufthansa, Turkish Airlines). Elle a aussi un rôle dans la promotion de la destination Algérie et doit introduire la technologie et la numérisation dans tous les services destinés aux clients pour les mettre à niveau et les rendre plus attractifs. Autre conséquence de ce peu de vols : le prix des billets reste très cher pour le citoyen algérien, et les compagnies étrangères en profitent que ce soit en économie ou en first class.

C’est ce qui a été mis en exergue par les représentants des agences de voyages et de tourisme qui ont rencontré samedi dernier deux ministres : Aïssa Bekkai et Yacine Hammadi, ministre du Tourisme. Mouloud Youbi, président de la Fédération nationale des agences de voyages et du tourisme, a confirmé que «les compagnies étrangères ont largement profité du manque d’offre, en mettant en vente des billets jusqu’à 30 millions !» Sur le plan international, des pays ont ouvert leurs frontières.

L’Arabie Saoudite, par exemple, a pris d’importantes décisions en levant les mesures de restriction prises jusque-là pour lutter contre le coronavirus. Il n’est plus nécessaire d’effectuer un test PCR ou antigénique avant de voyager vers ce pays.

Le royaume a stipulé que ceux qui y viennent avec des visas visiteur doivent avoir une assurance couvrant les frais de traitement contre l’infection de la Covid-19 pendant la période du séjour en Arabie Saoudite. La nouvelle décision a également annulé l’application du confinement à domicile. La suspension de l’arrivée directe au royaume a également été levée, et celle de tous les vols entrants et sortants à destination et en provenance du royaume a été levée vers une vingtaine de pays.

Les restrictions de voyage ont des répercussions sur les économies

L’Association du transport aérien international (IATA) a publié des données montrant «un élan croissant dans la reprise du transport aérien», mais déplore que les restrictions liées à la pandémie de Covid-19 «ne soient pas levées au même rythme». De plus en plus de gouvernements annoncent un assouplissement des restrictions de voyage : une enquête de l’IATA sur les 50 principaux marchés mondiaux du transport aérien (représentant 92% de la demande mondiale en 2019, mesurée par les passagers-kilomètres payants) a révélé «l’accès croissant disponible pour les voyageurs vaccinés».

18 marchés (représentant environ 20% de la demande de 2019) sont ouverts aux voyageurs vaccinés sans quarantaine ni tests préalables au départ. 28 marchés sont ouverts aux voyageurs vaccinés sans exigence de quarantaine (y compris les 18 marchés susmentionnés). Cela représente environ 50% de la demande de 2019. 37 marchés (représentant environ 60% de la demande de 2019) sont ouverts aux voyageurs vaccinés dans des conditions variables (18 n’ayant aucune restriction, d’autres nécessitant des tests, une quarantaine ou les deux).

«L’élan vers la normalisation du trafic s’accélère. Les voyageurs vaccinés ont le potentiel de voyager beaucoup plus avec moins de tracas qu’il y a quelques semaines. Cela donne à un nombre croissant de voyageurs la confiance nécessaire pour acheter des billets.

Et c’est une bonne nouvelle», a déclaré Willie Walsh, directeur général de l’IATA. «Les restrictions de voyage ont eu de graves répercussions sur les personnes et sur les économies. Elles n’ont cependant pas stoppé la propagation du virus. Et il est temps de les retirer alors que nous apprenons à vivre et à voyager dans un monde qui présentera des risques de Covid-19 dans un avenir prévisible», ajoute Willie Walsh. 

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