A l’appel du chef de la rébellion Ahmed Al Sharaa : Des milliers de Syriens dans la rue pour célébrer la fin de la dictature

14/12/2024 mis à jour: 11:36
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 Les Syriens ont fêté hier dans une formidable communion le premier vendredi sans le dictateur Bachar Al Assad et son armée de tortionnaires l Les images diffusées de ces rassemblements populaires donnaient à voir des foules impressionnantes à Damas, à Halab, à Hama, à Homs, à Lattaquié, à Souaida, à Deraa… l Partout était célébrée avec ardeur l’unité retrouvée du peuple syrien.

 

Les Syriens ont investi en masse ce vendredi les rues et les places publiques dans toutes les villes du pays, à l’appel d’Ahmed Hussein Al Sharaa alias Abou Mohammad Al Joulani, le chef de la rébellion syrienne qui a fait tomber le président Bachar Al Assad. Dans un message vidéo d’une trentaine de secondes diffusé sur son compte officiel sur le réseau X, Ahmad Al Sharaa a en effet lancé un appel à l’adresse du peuple syrien, l’invitant «à sortir manifester sa joie» après l’éviction du tyran alaouite. Comme à son habitude, Abou Mohammad Al Joulani parlait d’une voix basse et douce, dégageant beaucoup de sérénité. 

Cependant, pour la première fois, il a délaissé son habituelle tenue militaire au vert austère, arborant une chemise blanche et un gilet de costume élégant. «Je voudrais féliciter le glorieux peuple syrien pour le succès de sa révolution bénie. Et je l’appelle à sortir dans les rues et les places pour exprimer sa joie suite à cette victoire, mais sans tirer en l’air et terroriser les gens. Après cela, qu’on se mobilise tous pour la construction de ce pays. Et comme on le dit depuis le début, elle (cette révolution) triomphera avec l’aide de Dieu.» Tels sont les mots prononcés par le nouvel homme fort de la Syrie. Ahmad Al Sharaa a ensuite pris part à la prière hebdomadaire du vendredi à Al Jamaâ Al Amaoui, la mosquée des Omeyyades, au centre de Damas, au milieu d’une grande ferveur populaire. 


Gel de la Constitution et du Parlement

Le peuple syrien a fêté ainsi dans une formidable communion le premier vendredi sans le dictateur Bachar Al Assad et son armée de tortionnaires. Les images diffusées de ces rassemblements intenses donnaient à voir des foules impressionnantes qui ont répondu à l’appel du leader de Hayate Tahrir Al Sham (HTS) : à Damas, à Halab, à Hama, à Homs, à Lattaquié, à Souaida, à Deraa… Partout étaient scandés à l’unisson les slogans chantant l’unité retrouvée du peuple syrien et maudissant le dictateur déchu en agitant le drapeau de la révolution syrienne qui a remplacé celui de l’ancien régime.

Sur le plan politique, les nouvelles autorités du pays ont décidé de «geler la Constitution et le Parlement», et ce, pour une durée de trois mois correspondant à la période du gouvernement transitoire dirigé par Mohammad Al Bachir. C’est ce qu’a indiqué jeudi à l’AFP le porte-parole des Affaires politiques du nouveau gouvernement, Obaida Arnaout. «Un comité juridique et des droits humains va être formé pour examiner la Constitution puis effectuer des amendements», a expliqué le représentant du nouveau pouvoir. «Notre priorité est de préserver les institutions et de les protéger», a assuré M. Arnaout à l’AFP, soulignant que les nouvelles autorités sont déterminées à «instituer un Etat de droit» en Syrie après plusieurs décennies d’un régime monolithique. «Tous ceux qui ont commis des crimes à l’égard du peuple syrien seront jugés conformément aux lois», a-t-il insisté. Et d’affirmer : «Nous respectons les diversités religieuse et culturelle en Syrie, qui resteront telles quelles.»

Moins d’une semaine depuis la chute de Bachar Al Assad, plusieurs Etats ont d’ores et déjà montré leur disponibilité à coopérer avec la nouvelle direction politique qui a pris les rênes du pouvoir à Damas. Il s’agit principalement de gouvernements arabes. «Nous remercions l’Egypte, l’Irak, l’Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis, la Jordanie, Bahreïn, Oman et l’Italie pour la reprise des activités de leurs missions diplomatiques à Damas», a déclaré un communiqué du département des Affaires politiques du nouveau gouvernement relayé par l’AFP. Le Qatar a annoncé mercredi qu’il allait rouvrir «bientôt» son ambassade à Damas.

De son côté, l’Union européenne a fait état hier de la mise en place d’un «pont aérien humanitaire» via la Turquie, destiné à venir en aide au peuple syrien qui, faut-il le rappeler, subit une crise humanitaire majeure. «Les vols d’aide financés par l’Union européenne transporteront un total de quelque 50 tonnes de fournitures médicales issues des stocks de l’UE à Dubaï, qui seront acheminées à Adana, en Turquie, pour distribution à travers la frontière dans les prochains jours», a indiqué la Commission européenne dans un communiqué. «Une aide supplémentaire de 46 tonnes sera acheminée par camions depuis le Danemark vers Adana en Turquie avant d’être redistribuée en Syrie», ajoute le communiqué. Selon le Bureau humanitaire des Nations unies (Ocha), 1,1 million de personnes, principalement des femmes et des enfants, ont été déplacées depuis le début de l’offensive islamiste de Hayat Tahrir Al Sham le 27 novembre.
 

Des funérailles émouvantes pour Mazen Al Hamada

En ces jours pleins de bruit et de fureur qui ont succédé à la chute de l’une des plus vieilles dictatures au monde, il faut dire que les plaies sont encore ouvertes et les blessures béantes. Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme, plus de 100 000 personnes ont perdu la vie dans les prisons syriennes depuis le début des troubles en Syrie en mars 2011. Et depuis la chute de Bachar Al Assad, il ne se passe pas un jour sans qu’il y ait des flots de témoignages glaçants qui mettent à nu l’effroyable machine carcérale du système Al Assad et ses épouvantables «abattoirs humains». 

Jeudi, une des figures emblématiques de l’opposition syrienne, Mazen Al Hamada, un homme chétif de 47 ans originaire de Deir Ezzor, a été inhumé au milieu d’une grande émotion. Mazen était l’un des premiers activistes à dénoncer la torture à grande échelle pratiquée dans les centres de détention syriens. Son corps sauvagement mutilé a été retrouvé mardi dernier dans la morgue de l’hôpital Harasta, près de Damas. Il est mort en détention. Il avait été incarcéré dans le pénitencier de Saydnaya. 

Son visage défiguré témoignait de sévices d’une extrême barbarie qui lui ont été infligés. Selon plusieurs médias, c’est sa nièce Joud Al Hamada qui a révélé via un message posté sur Facebook que sa dépouille se trouvait à Harasta. Dans son message, la jeune femme se désolait que l’âme et le corps de son oncle éprouvés par les mortifications, n’aient pas pu résister encore quelques jours pour assister à la chute du bourreau de Damas et voir la lumière de cette aube nouvelle. 

L’histoire de Mazen est triste. Alors qu’il menait une vie paisible à Deir Ezzor, gagnant confortablement sa vie comme cadre dans une compagnie pétrolière, sa vie bascule lorsqu’éclatent les révoltes de 2011. Il s’engage très vite dans l’insurrection avant de se voir rapidement arrêter. Il subira les pires sévices dans les geôles de la dictature. Relâché, il réussit à quitter la Syrie et à s’établir aux Pays-Bas où il obtient l’asile politique. Il commence alors à dénoncer à visage découvert les exactions du régime syrien, multipliant les témoignages sur les méthodes sadiques du clan Al Assad et les horreurs vécues par les prisonniers politiques dans l’enfer de Saydnaya. En février 2020, quelque chose le pousse à rentrer au pays, et dès son arrivé à l’aéroport de Damas, il est cueilli par la police politique. Il disparaît complètement dans le trou noir de Saydnaya. Sa famille n’a plus de nouvelles de lui jusqu’à ce que sa nièce annonce sa mort le mardi 10 décembre. 

Lors des funérailles de Mazen, les manifestants «ont scandé des slogans révolutionnaires, que l’on pouvait entendre dans les principales rues et places de Damas», relate un papier publié sur le site d’Al Jazeera. «La voix rauque et en pleurs, les personnes au visage fermé portaient des photos de martyrs et de leurs proches  disparus pour honorer leur mémoire, scandant ‘‘Dam al chahid ma nessianou’’ (Le sang du martyr ne sera pas oublié’) ou encore ‘‘Oum al chahid kolna weladek’’ (Mère du martyr, nous sommes tous tes enfants)», poursuit le reportage d’Al Jazeera. L’agence Associated Press (AP) qui a couvert également les obsèques, précise : «Lors de la procession de ce jeudi, la foule a transporté le corps de M. Al Hamada de l’hôpital Al Mujtahid vers une mosquée du centre de Damas, puis a défilé sur la place Al Hijaz avant de l’enterrer dans une banlieue de Damas.» AP note : «Inimaginable une semaine auparavant, le cortège de Mazen Al Hamada a rappelé les funérailles transformées en manifestations des premiers jours du soulèvement contre Al Assad il y a 13 ans.» 

Exprimant une pensée émue à la mémoire de Mazen Al Hamada, l’écrivaine libanaise Rania Mahio Al Khalili a écrit ces mots en partageant une vidéo de ses obsèques sur le réseau X : «On dit que pour connaître la valeur d’un homme, il faut regarder ses funérailles. Mazen Al Hamada a été tué quelques jours avant la chute du régime (…) et ses funérailles sont les premières manifestations de la victoire de la liberté sur la barbarie. Ils l’ont fait revenir (de son exil, ndlr) pour l’immoler en martyr sur l’autel de la patrie. Des funérailles qu’aucun des tyrans qui ont volé sa Syrie ne connaîtront jamais.»  Mustapha Benfodil

 

 


 

La Jordanie accueille un sommet sur la Syrie

La Jordanie accueillera aujourd’hui un sommet, consacré à la crise syrienne, réunissant des  ministres des Affaires étrangères de plusieurs pays occidentaux et arabes. C’est ce qu’a annoncé jeudi le ministère jordanien des Affaires étrangères, rapporte l’AFP. Cette rencontre, axée sur «l’évolution de la situation en Syrie», rassemblera des représentants de Jordanie, Arabie Saoudite, Irak, Liban, Egypte, Emirats arabes unis, Bahreïn et Qatar, ainsi que leurs homologues turcs et américains, de même que le chef de la diplomatie de l’Union européenne et l’envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie, a précisé la même source.    

 

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