Un débat sur le parcours artistique des comédiennes Yamina Ghassoul et Farida Saboundji, décédées en 2022, a été organisé au Théâtre régional Azzeddine Medjoubi, à la faveur du 6e Festival national du théâtre féminin d'Annaba qui se poursuit jusqu'au 5 octobre.
Le débat s’est concentré sur le manque de documents et de photos sur ces deux pionnières de l’art théâtral algérien. Brahim Noual, enseignant et critique, a regretté l’inexistence d’une biographie de Yamina Ghassoul. «Il est désolant de ne commencer à s’intéresser aux artistes qu’après leur mort.
Il faut construire la mémoire collective du théâtre algérien. Les jeunes doivent continuer à faire des recherches. Nous devons sauvegarder l’histoire culturelle et artistique de l’Algérie. Jusqu’ici, nous avons accordé peu d’intérêt à cette histoire», a-t-il dit.
Nabil Hadji, conseiller au ministère de la Culture et des Arts, a évoqué les archives de la troupe artistique du FLN (créé à Tunis en 1958) qui se trouvent encore à l’étranger. «Il est nécessaire de recueillir les témoignages des artistes de leur vivant.
Des artistes sont décédés sans livrer leurs mémoires. Certains autres gardent de précieux documents chez eux, des photos, des enregistrements sonores ou vidéo. Il faudrait peut-être créer une institution qui se chargerait de la collecte de toutes ces archives privées. Le travail de la mémoire est collectif. Il faut penser à la numérisation des archives, créer une banque de données sur tous les travaux du théâtre algérien», a-t-il plaidé.
Nabil Hadji dit n’avoir pas trouvé de photos sur le comédien Hassan Hassani (Boubagra) lorsqu’il avait entamé les recherches pour la réalisation d’un documentaire. «Les responsables des festivals doivent penser aussi à sauvegarder les archives de ces manifestations culturelles pour éviter les pertes», a-t-il dit.
J’ai presque 600 produits sur le théâtre à la télévision
Brahim Noual a lancé un appel pour la création d’un Centre national d’information et de documentation sur le théâtre. A Oran, Mourad Senouci, directeur du Théâtre régional Abdelkader Alloula (TRO), a pris l’initiative de créer un centre de documentation, soutenu par la Fondation Abdelkader Alloula. Fatiha Ghassoul, sœur de Yamina, a déclaré avoir demandé la biographie de la défunte artiste à l’ONDA (Office national des droits d’auteur et des droits voisins). «Ils m’ont dit qu’ils ne l’ont pas trouvé», a-t-elle dit. «Cette biographie a-t-elle perdu par rapport à un archivage qui n’est pas considéré ? On veut savoir où sont passées nos archives ?», s’est interrogé, pour sa part, la comédienne et metteur en scène Tounes Aït Ali.
Lynda Sellam, commissaire du Festival national du théâtre féminin d’Annaba, révèle n’avoir presque rien trouvé sur Farida Saboundji et Yamina Ghassoul, même après avoir sollicité le Théâtre national Mahieddine Bachtarzi (TNA), le Théâtre régional Abdelkader Alloula d’Oran et l’ONDA. «Il existe peu de choses. Même les archives de notre propre festival ont disparu. Cette année, nous avons décidé de collecter tous les documents relatifs au festival», a-t-elle annoncé.
Ali Aissaoui, ancien réalisateur à l’ENTV (l’ex-RTA) a rappelé que la télévision a consacré en 1992 une émission à Yamina Ghassoul. «J’ai presque 600 produits sur le théâtre à la télévision dont des rushes», a-t-il dit. Un trésor que les festivals peuvent solliciter pour les hommages.
«Farida Saboundji était peinée par le fait de ne plus être sollicitée pour des rôles à la télévision. Mon appel est lancé pour tous les réalisateurs de s’intéresser aux comédiens d’un certain âge pour qu’ils ne se sentent pas marginalisés», a soutenu Sid Ali Bensalem, président de l’Association du 3e millénaire. Une association qui organise depuis les années 2000 des cérémonies au Théâtre national Mahieddine Bachtarzi, à Alger, pour rendre hommage aux artistes algériens. Sid Ali Bensalem a proposé à Lynda Sellam de consacrer la prochaine édition du festival à la comédienne Nouria.
Des intervenants ont évoqué le rôle que peut jouer la chaîne Edhakira, qui fait partie du groupe de la télévision publique ENVT, pour la diffusion des archives filmées et pour l’enregistrement des témoignages. Une étudiante, en phase de préparation d’un doctorat sur les metteuses en scène en Algérie, a déclaré qu’il n’existe presque rien sur Hamida Chellali, une pionnière de la mise en scène théâtrale en Algérie. «Cette artiste est toujours vivante. Prenez attache avec elle et enregistrez son témoignage», a-t-il plaidé. Selon Brahim Noual, Hamida Chellali a abandonné le théâtre pour se consacrer aux arts plastiques.
Fayçal Métaoui