C’est un devoir de mémoire pour la commémoration de ce 70e anniversaire de la répression meurtrière par la police française durant la fête nationale du 14 Juillet 1953 à Paris sur le cortège d’une manifestation pacifique d’Algériens organisée par le MTLD (Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques) une année avant la guerre d’indépendance algérienne.
Les balles meurtrières du bal du 14 juillet 1953 : un massacre d’Algériens connu, «non reconnu» par la France coloniale. Cette histoire tragique est quasiment peu connue des peuples des deux rives de la Méditerranée. Comment ce mensonge d’Etat a si bien fonctionné ? Un massacre occulté non du bal mais des «balles du 14 juillet 1953». Comme si une page d’histoire avait été déchirée et mise à la poubelle.
Ce drame tragique s’est bien déroulé en plein Paris où le bal du 14 juillet 1953 s’est achevé par des balles tirées par la police française sur des manifestants algériens et des groupes solidaires de la cause algérienne. Et cela continue, ainsi, du 14 juillet 1953 au 27 juin 2023 par des morts qui se ressemblent comme toujours par des hommes le plus souvent des non-blancs, métissés, issus des banlieues, dont la mort récente de Nahel Merzouk, adolescent de 17 ans, franco-algérien, tué froidement par balle à bout portant par un policier lors d’un contrôle routier à Nanterre (Ile-de-France), suscitant une vive émotion au sein de la société française.
Quelques jours après le 1er juillet, un autre jeune, Mohammed Bendriss, est décédé après un possible tir de flash-ball policier lors de violences urbaines à Marseille. La France mériterait-elle de célébrer la Fête nationale cette année ? La question peut se poser où la gauche héritière de Jean Jaurès est sur le point d’être excommuniée par le nouveau parti de droite rassemblant les élites «modérées» jusqu’aux droites extrêmes.
Alors que chaque année en France chacun danse et crie sa joie, c’est avec tristesse et larmes que les enfants d’émigrés algériens, dont le père et le grand-père sont de nouveau assassinés par leur oubli, ce jour de fête nationale. La France continue à marginaliser des générations d’immigrés et refuse comme toujours de reconnaître ses fautes.
Le 14 juillet 1953, comme chaque année depuis 1936, le PCF (Parti communiste français), la CGT (Confédération générale du travail) et de nombreuses organisations progressistes organisent à Paris un défilé populaire et joyeux qui se veut une célébration des valeurs de la République et en l’honneur de la révolution française. Ce jour-là, le cortège s’ébranle de la place de la Bastille vers place de la Nation.
Comme chaque année depuis le début des années 1950, les messalistes, militants indépendantistes du MTLD en Algérie dirigés par Messali Hadj, prennent part au défilé national. Ils sont encadrés par leur propre service d’ordre que l’on reconnaît à son brassard vert.
Cette manifestation de tradition pacifique, arrivée à la place de la Nation, jour de fête nationale, s’achève par des tirs de la police parisienne sur le cortège du MTLD algérien. Au moment de la dislocation de cette manifestation en l’honneur de la révolution française, la police charge et tire froidement sur un cortège de manifestants algériens.
Que s’est-il passé ce jour de fête qui se voulait joyeuse, mais devenu sanglant et tragique : un cortège autonome fort encadré par des militants messalistes du MTLD, derrière un immense portrait de son chef Messali Hadj (1898-1974), alors en résidence surveillée à Niort. On scande des slogans favorables à une Algérie libre indépendante. Les mots d’ordre sont clairs et sans ambiguïté : «A bas le colonialisme», «Nous voulons l’indépendance».
Les militants algériens sont au nombre de 6000 à 8000, soit plus d’un tiers de la totalité des manifestants. Le massacre commence à la fin de la manifestation. Des parachutistes et des «bérets rouges» provoquent et agressent les manifestants algériens, où parmi eux se trouve aussi des policiers infiltrés.
Arrivée à la place de la Nation, la manifestation doit se disloquer. La journée de ce jour de fête vire rapidement au cauchemar. Après son passage devant la tribune officielle, le cortège des manifestants messalistes se presse en direction de l’avenue du Trône, où des cars attendent les militants pour recueillir les drapeaux algériens et le portrait de Messali Hadj qu’ils portaient fièrement durant le défilé. La police chauffée à blanc exige le retrait de l’immense portrait de Messali Hadj.
Devant le refus des Algériens, des rues adjacentes, de la place de la Nation, des policiers surgissent, foncent sur eux et s’acharnent à piétiner le grand portrait du leader indépendantiste et les drapeaux algériens. Une brigade spéciale anti-algérienne, la BAV «Brigade des agressions et violences) avait été créée en 1953 au sein de la police judiciaire pour contrôler puis réprimer spécifiquement les Algériens. Éclate alors une bagarre intense et puis sans sommation de la part des policiers, des coups de feu claquent. Une panique générale s’en suit. Sous une pluie battante, les manifestants se font agresser et matraquer par la police parisienne. Sur l’avenue du Trône, des cars de police sont brûlés et plusieurs endommagés.
La violence est inouïe, brève et intense. Les policiers traquent sans pitié les manifestants algériens en les cherchant dans les cafés et les entrées d’immeubles. D’après le bilan officiel de la Préfecture de police de Paris : «Sept restent au sol (six Algériens et un Français Maurice Lurot)» et «une centaine de manifestants ont été blessés dont plus de quarante-huit autres sont tombés sous les balles de la police (210 douilles sont retrouvées)». Un vrai carnage. Sans compter les tabassés et les matraqués, ce chiffre est à réévaluer où de nombreux blessés, de peur d’être incarcérés, ne se rendent pas aux hôpitaux et rejoignent directement leur domicile.
Dans les jours qui suivent, l’émotion est intense et la presse de gauche (l’Humanité) s’indigne de ce massacre. Maurice Papon était l’auteur de ce crime d’Etat, en sa qualité de secrétaire général de la Préfecture de la Seine. Une grande partie de la presse, et à leur tête le ministre de l’Intérieur, le radical Léon-Martinaud-Déplat, accusent les victimes d’avoir provoqué ces violences.
Sans oublier aussi ce 14 juillet 1957 où le général Massu, ancien résistant et néanmoins tortionnaire en chef lors de «la Bataille d’Alger», est décoré par le président du conseil Maurice Bourges Maunoury de l’insigne de Grand-Croix de la Légion d’honneur. Anne Hidalgo, maire de Paris, a dévoilé officiellement, 12 avenue du Trône, le 6 juillet 2017, une plaque commémorative à la mémoire des martyrs assassinés par la police de Maurice Papon le 14 juillet 1953 à Paris.
Daniel Kupferstein a le mérite d’avoir d’effectué une enquête minutieuse sur ce massacre policier à Paris et a sorti un livre Les balles du 14 juillet 1953 et un film du même titre que son livre. Un devoir de mémoire : non à l’oubli et à l’amnésie de ce massacre connu, «non reconnu» par la France colonisatrice, lors d’un sinistre «bal» du 14 juillet 1953 par des «balles» tirées froidement sur des Algériens lors d’une pacifique manifestation.
Pour Emmanuel Blanchard : «La France a une histoire longue de racialisation de l’emprise policière.»
Le sinistre bal par balles continue toujours du 14 juillet 1953 au 27 juin 2023 par la mort de Nahel Merzouk, adolescent de 17 ans, franco-algérien, tué froidement par balle à bout portant par un policier lors d’un contrôle routier à Nanterre (Ile-de-France).
L’ONU appelle la France à «se pencher sérieusement sur les problèmes de racisme au sein des forces de l’ordre» et le gouvernement algérien «choqué et consterné par la mort brutale et tragique de Nahel… appelle l’Etat français «à la protection des ressortissants algériens en France».
Par Omar Flici,
Médecin gynécologue