En compétition au 13e Festival culturel local du théâtre professionnel de Sidi Bel Abbès, Plasma est la première pièce mise en scène par le jeune comédien Saïd Zakaria de l’association Mohamed Ben Mohamed de Mostaganem.
La thématique de la trahison est péniblement évoquée dans cette pièce dramatique qui frôle l’absurde sans l’atteindre. Saïd Zakaria s’est encombré en cumulant les sujets et les idées dans un embrouillamini indéfinissable. Le propre du théâtre est-il de tout dire sur scène ?
Et d’exprimer sa colère à chaque tournure de phrases, à chaque réplique ? Sultane (Abdelwahab Tarek) découvre l’infidélité de son épouse Nedjma (Khadidja Zaraa). Il est peiné et atteint au plus profond de lui-même. Il se confie à son ami Ali mais se sent comme happé par un labyrinthe après la découverte d’une autre trahison. Que fera-t-il face à un tel désastre ? Se venger de son épouse ? Se révolter ? Il noie ses tourments dans la boisson et tombe pieds et poings liés dans le tourbillon des hallucinations.
Il voit autour de lui des personnages désarticulés et zombifiés qui lui suggèrent ce qu’il doit faire. L’un d’eux a perdu l’usage des membres inférieurs. Il confie être le fruit d’un adultère. Il vit dans la rue au milieu de restes de journaux. Des journaux réduits à l’état d’un amas de détritus. Une critique maladroite de la presse ? Le metteur en scène se défend malaisément : «C’est votre lecture. Ce n’est pas ce que je voulais suggérer.
Pour moi, les promesses qui sont annoncées dans les journaux doivent être vraies. L’homme qui vit dans la rue passe son temps à lire les vieux journaux trouvés sur son chemin pour se consoler». Ali déchire des journaux sur scène. Juste pour se consoler aussi ?
L’homme handicapé dit à Sultane, quelque peu perdu, qu’il souhaitait ne pas naître d’une relation extraconjugale en lui soufflant l’idée de tuer son épouse avant la naissance d’un enfant qui pourrait lui ressembler. Ce personnage semble être inspiré d’une pièce de Ould Abderrahmane Kaki.
Ali, meurs debout !
Saïd Zakaria a repris dans la pièce la célèbre réplique «Ya Ali mout wakef» (Ne ramasse pas Ali ! Meurs debout) du film L’Opium et le bâton d’Ahmed Rachedi (sorti en 1971). Dans ce long métrage, le rôle d’Ali, un moudjahid, est interprété par Sid Ali Kouiret. Il est exécuté par une rafale dans le dos par un soldat français. «Cela symbolise l’homme qui s’attache à ses principes. C’est aussi un symbole de courage», a-t-il expliqué. Ali avec les autres maquisards est présent aussi sur scène.
Il donne des conseils à Sultane perdu dans ses pensées contradictoires sur le combat et la lutte pour la dignité. Assisté de Yacine Youssefi, Saïd Zakaria invite le hirak de 2019 dans sa pièce. La date du 22 février est choisie comme celle d’un crime. Et «Ya Ali mout wakef» était l’un des slogans des marches du hirak. «Le peuple de la ville idéale a exprimé sa colère pour arrêter le mouvement du train qui provoque du bruit. Ils veulent vivre dans la quiétude», annonce une voix à la radio. Mais quel train ? Au spectateur de deviner la suite.
Et pourquoi la ville serait-elle donc idéale ? Et pourquoi «convoquer» l’utopie de Platon ? «Le bruit du train cache beaucoup de choses qui auraient pu avoir lieu. Je parle du changement dans les attitudes pour que les relations entre les gens ne soient pas atteintes par les mauvaises intentions», a noté le metteur en scène. Le titre de la pièce, qui aurait pu être Nedjma, loin du personnage de Kateb Yacine, est probablement lié à la biologie, pas au téléviseur.
Le plasma est un liquide composé d’eau où vivent les globules rouges et blancs ainsi que les plaquettes. «Le plasma est à la base de la vie. Je voulais au départ aborder la question de l’infidélité en mariage et ses conséquences sur la société», a soutenu le concepteur du spectacle.
Le triangle rouge
La scénographie dynamique de la pièce est dominée par la présence d’un triangle rouge au milieu comme pour rappeler les idées de résistance. Ce triangle est présent sur les réseaux sociaux ces dernières semaines symbolisant la riposte des brigades d’El Qassam, le bras armé du Hamas, aux attaques d’Israël contre les civils palestiniens à Ghaza. La pièce reprend un célèbre poème de l’Irakien Muthaffar Al-Nawab «Al Qods asimatou ourabitikoum» (El Qods capitale de votre arabité) dans lequel il critique vertement l’attitude passive des dirigeants arabes face à la tragédie palestinienne.
A cause de ses poèmes non conciliants et féroces, Muthaffar Al-Nawab a perdu sa nationalité. Il circulait avec un passeport libyen. Pour rester dans l’expression contemporaine, la pièce Plasma débute par une brève chorégraphie comme pour «introduire» le spectacle. «Je voulais aussi attirer l’attention des spectateurs. Les expressions corporelles étaient liées à l’enchaînement de l’histoire. Je me suis basé sur la méthode de l’Actors studio. J’ai rassemblé les comédiens pour écrire ensemble le texte et la conception de la scénographie.
C’est une manière de construire ensemble le spectacle et de laisser le comédien bâtir son personnage», a précisé Saïd Zakaria. «L’association Mohamed Ben Mohamed de Mostaganem est une nouvelle. Nous avons été formés au niveau de la troupe El Ichara. L’association a déjà produit la pièce Ahrar al dhahra et prépare une nouvelle pièce», a-t-il ajouté.
Notre envoyé spécial à Sidi Bel Abbès Fayçal Métaoui