Immigration clandestine vers l’Espagne en 2024 : 10 457 morts en Méditerranée occidentale

28/12/2024 mis à jour: 13:46
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Avec 9757 morts, la route atlantique vers les îles Canaries reste la plus meurtrière au monde

Les flux migratoires vers les pays du sud de l’Europe augmentent d’année en année. Dans un rapport publié ce jeudi, l’ONG espagnole Caminando Fronteras (Frontières à pied) a fait état de 10 457 personnes qui sont mortes ou ont disparu au cours de l’année 2024 à la frontière occidentale euro-africaine en tentant de rallier l’Espagne. 

Parmi les victimes figurent 421 femmes et 1538 enfants et adolescents, indique cette organisation, qui parle de la période la plus meurtrière jamais enregistrée, soulignant que 131 bateaux ont été perdus avec toutes les personnes à bord. L’augmentation observée s’élève à  plus de 58% par rapport à l’année dernière, avec des chiffres dévastateurs de 30 morts par jour, alors que la moyenne était de 18 victimes par jour en 2023. «Nous avons vu des femmes mourantes avec des bébés dans les bras et nous n’avons rien pu faire pour elles. Nous avons traversé le désert et vu les cadavres, les os. Ce sont des images que l’on ne peut pas oublier, que l’on ne peut pas effacer, mais il faut continuer. Je fais des cauchemars toutes les nuits. Certaines personnes qui ont survécu se sont “réfugiées” en Algérie…» a témoigné un réfugié malien aux membres de l’ONG.

Avec 9757 morts, la route atlantique vers les îles Canaries reste la plus meurtrière au monde et a enregistré une nette augmentation des départs depuis la Mauritanie, indique la même source, ajoutant que la route algérienne en mer Méditerranée a vu, quant à elle, le décès de 517 migrants. 

Selon Caminando Fronteras, cette dernière présente un risque élevé de perdre le cap et de se retrouver dans les zones les plus hostiles de la mer Méditerranée.


Non-respect du devoir de sauvetage

La semaine passée, trois jeunes de Bordj Menaïel ont péri, alors que 11 autres sont portés disparus suite au naufrage de leur embarcation près des côtes espagnoles. Cette tragédie n’est pas la première. 

De nombreuses familles de la région sont depuis plusieurs mois sans nouvelles de leurs enfants disparus en haute mer. «Sur cette partie du trajet, le profil des personnes prenant la mer a changé de manière significative. Alors que par le passé, la plupart venaient d’Algérie, on observe aujourd’hui un nombre croissant de personnes originaires du Sahel, d’Afrique de l’Ouest, d’Afrique de l’Est et d’Asie. On dénombre également des Syriens, des Palestiniens et des Yéménites. 

Désormais, même si les Algérien(ne)s restent majoritaires, près de 40% des personnes s’engageant sur cette route maritime proviennent donc d’autres régions», note la même source. En sus des chiffres,  le rapport, intitulé «Droit à la vie 2024», émet des critiques acerbes à l’égard des autorités espagnoles, dénonçant «les effets de la nécro-politique», le non-respect des protocoles de sauvetage et l’externalisation des frontières, qui sont parmi les principales causes de l’augmentation du nombre de décès aux frontières de l’Etat espagnol. 

 «L’inaction directe des services de recherche et de sauvetage a été déterminante dans la survenue de 69 tragédies… Le résultat de notre enquête démontre que le recours aux moyens de recherche et de sauvetage à des fins de contrôle migratoire est la principale cause de la mortalité aux frontières», a-t-on dénoncé, en critiquant la politique de contrôle des migrations adoptée par le gouvernement espagnol. Les victimes de ces traversées périlleuses sont parfois originaires de 28 pays lointains, comme le Pakistan, le Bangladesh, le Yémen, l’Irak, la Syrie, la Somalie, l’Ethiopie, l’Egypte, etc. 

L’autre préoccupation est l’augmentation du nombre d’enfants et d’adolescents sur les principales routes migratoires vers l’Espagne. «Ces mineurs sont traités comme des migrants plutôt que comme des enfants, et sont donc exposés au marketing politique… 

La situation est particulièrement critique aux îles Canaries, où des enfants non identifiés comme tels vivent avec des adultes dans des centres d’accueil, une réalité qui les expose à de graves dangers», alerte la même ONG, évoquant le drame des femmes qui participent à ces voyages à haut risque en fuyant leurs pays sous-développés ou en conflit. «Il a été observé une présence croissante de femmes sur la route des Baléares en provenance d’Afrique centrale et occidentale, traversant la Libye et la Tunisie…» Ces femmes subissent des «violences, des discriminations, du racisme, des expulsions et des violences sexuelles et  sont contraintes de survivre dans des conditions extrêmes», s’est-on indigné. 

L’ONG aborde aussi le cas des disparus et les souffrances endurées par leurs familles. «Malgré quelques progrès dans la réception des plaintes et des exemples de bonnes pratiques, les obstacles à l’exercice de leurs droits restent nombreux, et les difficultés à prélever des échantillons d’ADN ou à déposer des plaintes sont particulièrement choquantes… 

En l’absence de garanties pour l’exercice de leurs droits, les familles courent le risque de tomber entre les mains de bandes d’extorqueurs», a-t-elle déploré. 
 

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