Les crises et polémiques autour des produits, de première nécessité pour certains d’entre eux, se suivent et se ressemblent. Connaissant des remous ces tout derniers mois, la corporation des boulangers semble vouloir passer à une autre étape dans la protestation, en imposant carrément le prix de 15 DA pour la baguette de pain.
C’est en tout cas ce qui se passe au niveau de certaines régions du pays, à l’image de Béjaïa, où les boulangers ont décidé d’opter pour ce prix à partir du 12 février prochain, tout en menaçant de fermer leurs locaux si jamais ils sont visés par des poursuites ou des «représailles», comme ils l’ont indiqué dans un communiqué, de la part des services de la Direction de contrôle et des prix (DCP).
La problématique relative au prix du pain se pose depuis plusieurs années déjà. Fixé à 7,5 DA en 1996, c’est-à-dire depuis plus de 25 ans, ce tarif n’a connu aucun changement depuis, même si concrètement, la baguette est cédée à 10 DA depuis plusieurs années déjà. Aujourd’hui, les boulangers affirment qu’ils n’arrivent plus à produire du pain à ce prix-là. Si la situation était jusque-là maîtrisée, dans la mesure où le consommateur réussissait toujours à trouver du pain à 10 DA, désormais ce n’est plus évident. Un problème qui s’ajoute à toutes les crises que le pays a vécues récemment, à l’image de celles de la pomme de terre, du poulet, de l’huile ou du lait en sachet, des produits qui ont connu une hausse vertigineuse des prix ou une pénurie.
Les plus hautes autorités du pays, à commencer par le ministre du Commerce et de la Promotion des exportations, Kamel Rezig, ont à chaque fois mis en cause des «spéculateurs». D’ailleurs c’est dans l’optique de lutter contre cette spéculation que la législation a été adaptée, notamment en rendant plus lourdes les peines encourues. Ainsi, la nouvelle loi contre la spéculation, qui est entrée en vigueur début janvier, prévoit des peines pouvant aller jusqu’à la perpétuité à l’encontre des spéculateurs. Cela va-t-il suffire pour régler ces crises répétitives ?
Commerçants et distributeurs au banc des accusés
Tout récemment, cette problématique a même touché certains produits pharmaceutiques, notamment ceux utilisés dans le traitement de la Covid-19. Comme pour le secteur du Commerce, là encore c’est la «spéculation» qui est mise en cause. Le ministre de l’Industrie pharmaceutique, Abderrahmane Djamel Lotfi Benbahmed, a déploré, lundi 31 janvier sur les ondes de la Radio nationale, «une rétention et une spéculation» de la part de certains distributeurs, qui «ne libéraient pas leurs produits dans le délai légal de 48 heures».
Il a également évoqué «le lobby de l’importation». Jeudi 3 février, ce ministère a indiqué dans un communiqué que «20 mises en demeure ont été prononcées» à l’encontre de distributeurs. Il a ajouté que deux établissements pharmaceutiques de distribution ont été fermés. Le même jour, l’Association des distributeurs pharmaceutiques algériens (Adpha) a réagi en affirmant qu’elle est «légitimement préoccupée par toute une série d’accusations infondées qui sont émises ici et là et qui tendent à rendre les grossistes répartiteurs responsables des dernières perturbations ayant touché le marché interne des médicaments, et singulièrement ceux d’entre eux en rapport avec les protocoles de traitement de la pandémie».
Si les autorités évoquent quasi automatiquement les «spéculateurs» comme étant les responsables de ces crises, la multiplication de ces dernières et surtout le fait qu’elles touchent divers secteurs et filières laissent supposer que ce phénomène n’explique pas tout. «Etant les premiers témoins des ruptures épisodiques qui affectent leurs clients, nos membres regrettent d’autant plus les désagréments qui leur sont ainsi causés qu’ils savent parfaitement qu’à l’origine, le problème de fond est tout simplement celui d’une croissance de la consommation à laquelle la politique de flux tendus qui lui est de fait imposée ne permettait pas de répondre avec efficacité», explique l’Adpha, pour rester sur cette tension autour de certains médicaments.
Problèmes
Organisationnels
En définitif, ne pourrait-il pas s’agir finalement et tout simplement de problèmes organisationnels liés au secteur de la distribution, de marges bénéficiaires, pour ce qui est de certains produits (pain, huile…), de hausse de la demande et encore des répercussions des effets de l’augmentation des prix des produits sur le marché international conjugués à la baisse de la valeur du dinar ? La spéculation explique-t-elle à elle seule toutes ces perturbations touchant plusieurs produits, et ce, depuis de nombreux mois déjà ?
Dans ce sens, le député Smail Kouadria, président de la commission des affaires économiques à l’APN et membre de la commission d’enquête parlementaire chargée de faire la lumière sur la pénurie de l’huile de table, a indiqué, le 1er février sur une chaîne de télévision privée, qu’il avait constaté «un problème de suffisance de la production et non de la spéculation», remettant en cause pour l’occasion les chiffres relatifs aux quantités de l’huile de table produites avancés par le ministère du Commerce.
Dans tous les cas de figure, il est a priori clair que les mesures répressives prises ces derniers temps n’ont pas contribué à stabiliser le marché, qui est de plus en plus volatile, avec une tendance généralisée de hausse des prix. D’où la nécessité, en dernier lieu, d’établir un véritable état des lieux des diverses filières en impliquant les concernés.