Histoire : Les derniers résidus de l’Algérie française

14/06/2022 mis à jour: 01:21
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L’Histoire bégaie : un ancien légionnaire, capitaine lors du putsch de 1961, élevé dans l’Ordre de la légion d’honneur en avril dernier, 61 ans après avoir fomenté contre l’Etat. à Perpignan, les anciens de l’OAS, regroupés au sein de l’Adimad ont honoré leurs criminels de guerre.

En avril dernier, le sujet avait été traité sous forme presque émouvante par la chaîne privée TF1 : «Le capitaine Joseph Estoup avait été condamné en 1961 pour rébellion.

Son unité participait alors à un coup d’Etat contre le président de Gaulle. 61 ans plus tard, il a été fait commandeur de Légion d’honneur. 73 ans après avoir endossé pour la première fois l’uniforme militaire, le capitaine à la retraite Joseph Estoup (…) occupait la place d’honneur lors de la célébration la plus importante de la Légion étrangère, la fête de Camerone.

Et à l’officier de s’exprimer sans le moindre regret sur sa participation au coup d’Etat contre le pouvoir français incarné alors par le général de Gaulle. Aucun remord, aucune remise en cause de s’être laissé entraîner dans une action profondément anti-républicaine avec son unité - le 1er régiment étranger de parachutistes (REP).

Au journaliste, il dit : «On était arrivé à un point de saturation qui fait que personne n’a eu envie de dire non». Dégradé et perdant son ruban de la Légion d’honneur, suspendu de ses droits civiques, emprisonné, il avait été réhabilité en 1982. Et c’est le président Chirac qui l’avait élevé comme officier de la Légion d’honneur.

«Un scandale pour la république»

Pour Henri Pouillot de l’Association républicaine et anciens combattants (ARAC), cette remise de la légion d’honneur à un ancien militaire putschiste de l’armée coloniale pendant la guerre d’Algérie est un «scandale» : «Donc, aujourd’hui, un homme qui a tenté de renverser la République, se voit promu au plus haut grade de la Légion d’honneur, après en avoir été déchu il y a 61 ans de celui de chevalier de cette Légion d’Honneur.

Quel exemple, quel scandale !!! pour les valeurs de notre République. Appelé à cette époque à l’armée, (j’étais affecté en Algérie juste quelques mois plus tard), c’est pour une bonne part grâce à la résistance des appelés du contingent que ce putsch a échoué.

Quelle insulte à ces jeunes d’alors, qui ont perdu plus de deux ans de leur jeunesse, pour cette guerre injuste, qui ont évité que la République Française bascule dans une dictature militaire». Jean-François Gavoury, fils du commissaire Gavoyru assassiné par l’OAS à Alger, s’est insurgé contre cette distinction imméritée : Jusqu’à sa mort, «mon père se portait bien de n’être titulaire d’aucune décoration à titre civil ou militaire. (…) Par lettre du 22 juin 1961, Louis Joxe, alors ministre d’Etat chargé des affaires algériennes, a soumis au général Georges Catroux, grand chancelier, un projet de décret de nomination dans l’Ordre national de la Légion d’honneur à titre posthume le concernant : le texte sera signé le 4 août 1961 (…) L’envie me prend de saisir le chef de l’Etat d’une demande tendant au retrait du décret précité du 4 août 1961.

Au-delà de ces considérations, une réflexion s’impose sur la juxtaposition des termes ‘‘Ordre’’, ‘‘Légion’’ et ‘‘Honneur’’». En effet, ajoute M. Gavoury, «l’on ne saurait soutenir que la Légion s’est honorée, avec M. Estoup (et - hélas - tant d’autres), en bravant l’autorité de la loi et l’ordre démocratique».

Perpignan, la stèle de l’OAS

Jeudi 2 juin, le préfet des Pyrénées-Orientales a pris un arrêté interdisant toute réunion dans et autour d’un cimetière de Perpignan prévu mardi 7 juin.

C’est ce que rapporte le journal régional L’Indépendant : «Compte tenu de la sensibilité du contexte local et la détermination des protagonistes, tout rassemblement, quels qu’en soient les organisateurs, aux abords ou à l’intérieur du cimetière du Haut-Vernet, à Perpignan, présente un risque sérieux et grave de troubles à l’ordre public», détaille le quotidien qui raconte le «duel à distance entre partisans et opposants de l’Algérie Française».

L’expression du journaliste paraissant tellement désuète soixante ans après la sanction d’un long combat qui a rendu son indépendance à l’Algérie : «Partisans et opposants de l’Algérie française se sont affrontés au jeu du chat et de la souris pour défendre leur vision de l’Histoire, malgré la présence des forces de l’ordre».

«Une poignée de personnes ont répondu à l’appel de l’Adimad-Mraf pour déposer une gerbe au pied d’une stèle controversée marquant la date anniversaire de l’exécution de deux membres de l’OAS, condamnés à mort par la justice française pour l’assassinat d’un fonctionnaire».

Comme sur l’air célèbre du ‘‘On ne regrette rien’’ des soldats regagnant leur casernes en avril 1961 ; un des responsables de l’ex-OAS a réitéré : «On n’a fait que défendre un patrimoine français et ce que nos pères avaient créé en Algérie.

Si c’est un crime, alors nous sommes des criminels». Le journaliste de L’Indépendant estimant que le discours était «teinté de remarques racistes ou homophobes».

Des opposants à ce rassemblement, menés par l’Association nationale des Pieds noirs progressistes, ont protesté par des banderoles pour manifester leur hostilité à une initiative qu’ils considèrent être «une apologie de crime de guerre». Ils militent depuis plusieurs mois pour que la «stèle érigée en 2003 dans le cimetière perpignanais soit déplacée dans un lieu privé et remplacée par un monument rendant hommage à tous les disparus de la Guerre d’Algérie».

 

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