Héros ou vandale ? : «Fleximan», le saboteur de radars routiers qui divise l’Italie

07/02/2024 mis à jour: 05:31
AFP
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Une voiture passe devant la caméra d’un radar sur une route de Lagnasco, dans le nord-ouest de l’italie. Un radar qui sera peut-être l’une des prochaines victimes du mystérieux saboteur baptisé « Fleximan » qui fait débat dans le pays… (Photo Marco Bertorello/AFP)

Voiture et vitesse sont une passion ancienne en Italie, patrie de Lamborghini, Maserati et bien sûr Ferrari dont les chevaux cabrés usent leurs fers sur les circuits mythiques d’Imola et Monza. De la petite Fiat 500 à la fringante Lancia Aurélia, la bagnole est un signe extérieur d’italianité, au même titre que la pasta et le parmesan. 

Un certain goût de la liberté qui a un prix, pour les chauffards et leurs victimes: des amendes de plusieurs centaines d’euros d’un côté, plus de 3000 morts par an de l’autre. Alors forcément, Fleximan fait beaucoup parler. Les carabiniers ont bien arrêté la semaine dernière un cinquantenaire soupçonné d’avoir détruit à mains nues deux radars en novembre, mais d’après les autorités il ne s’agit pas du Fleximan qui a vandalisé ces derniers mois une douzaine de radars dans le Nord, du Piémont à la Vénétie en passant par la Lombardie.

 Il doit son sobriquet à la meuleuse électrique qu’il utilise pour abattre les radars en les sectionnant au pied, comme en témoignent des images de vidéosurveillance où il apparaît le visage dissimulé sous une capuche, seul ou avec un acolyte. 

Interrogés par l’AFP, les carabiniers ont assuré être à pied d’œuvre «nuit et jour» pour tenter de l’interpeller. Sur les réseaux sociaux, le fauteur de troubles est souvent présenté en héros des automobilistes excédés par le «racket» de l’Etat, paré des attributs flamboyants des super-héros. Des T-shirts à son effigie sont à vendre sur Amazon. A Padoue (nord), un graffeur lui a dédié une «œuvre» murale en représentant le personnage iconique d’UmaThurman dans Kill Bill armé d’un sabre d’une main, empoignant un radar de l’autre.
 

Symbole d’égoïsme 

Les familles de victimes d’accidents routiers déplorent, elles, ses agissements et la publicité qui les accompagne. Les édiles locaux se déchirent, eux aussi, entre ceux qui refusent «de laisser les criminels gagner» et ceux qui, comme Marco Schiesaro, maire de Cadoneghe, en Vénétie, le soutiennent à mots couverts. «Je n’étais déjà pas convaincu (par la présence d’un radar sur ma commune), et j’ai décidé de ne pas en remettre», a-t-il lâché dans la presse. 

La presse qui, fatalement, est tout aussi divisée. Tandis que le journal Libero, proche de la majorité gouvernementale ultra-conservatrice, évoque des actes de «résistance» contre «les bureaucrates et les moralistes» - sans cependant cautionner Fleximan -, le très sérieux Il Corriere della Sera dénonce le produit de «fake news». «Robin des bois volait aux riches pour donner aux pauvres. Fleximan vole des vies. 

Ce n’est pas un héros mais un nouveau symbole de l’égoïsme», a fustigé le premier quotidien italien. En 2022, 3159 personnes ont trouvé la mort sur les routes italiennes, soit 53 morts par million d’habitants selon la Commission européenne, un peu plus qu’en France (49), nettement moins qu’en Roumanie (86) mais 2,5 fois plus qu’en Suède. La vitesse, encore, au cœur d’une polémique entre la ville de Bologne, dirigée par la gauche, qui vient de l’abaisser à 30 km/h, et le vice-Premier ministre d’extrême droite Matteo Salvini, en charge des transports. 

Un «choix idéologique» censé permettre «de mieux entendre le chant des oiseaux», a-t-il raillé sur X. L’association de sécurité routière Asaps lui a répondu en rappelant qu’un piéton percuté à 30 km/h a entre 80 et 90% de plus de chances de survie qu’à 50 km/h. 
 

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