Le contexte économique est marqué par une pression sur le pouvoir d’achat des citoyens. Hacène Menouar, président de l’association El Aman, revient sur ce sujet d’actualité. A travers cet entretien, il partage son analyse et son éclairage sur les enjeux actuels, tout en proposant des pistes pour renforcer la résilience du consommateur face à la hausse des prix. Il a fait de la généralisation de la grande distribution son cheval de bataille.
Entretien réalisé par Kamel Benelkadi
L’inflation a des impacts négatifs sur le pouvoir d’achat des citoyens. Le président de la République a promis d’en faire une priorité lors de son investiture. Quelle est votre analyse à ce sujet ?
L’inflation impacte négativement le pouvoir d’achat mais aussi l’économie en général. J’irai plus loin, elle a des répercussions sur la santé et l’environnement. Le président de la République en est bien conscient, c’est pour cela qu’il en parle. Il en a toujours fait une priorité, mais nous souhaitons, en tant qu’association El Aman, que lors de ce deuxième mandat, il s’appuie sur l’expertise et la science. Pour cela, il va falloir un dialogue ouvert et sincère avec des experts algériens, pour connaître et cerner la problématique et ensuite envisager des solutions techniques et scientifiques, qui seraient loin de la démagogie ou du populisme. Il faut affronter cette problématique avec courage.
En tant qu’association de consommateurs, vous avez toujours recommandé de développer la grande distribution pour mettre de l’ordre dans le secteur et garantir une meilleure maîtrise des prix. Le gouvernement semble aller dans ce sens. Selon vous, faut-il aller plus rapidement pour la concrétisation de ce genre d’investissements ?
En tant qu'El Aman, c’est ce qu’on demande depuis longtemps, la nécessité d’avoir un urbanisme commercial, des études d’urbanisme qui seraient orientées de telle sorte à dégager des assiettes commerciales. Pourquoi ? Parce que l’acte de vendre ou d’acheter est un acte qui devrait être étudié. Donc, on ne va pas implanter des projets dans des endroits qui seraient désertés, qui ne seraient pas fréquentés, ni par les commerçants ni par les consommateurs. Surtout quand on parle d’hypermarché, c’est toute une étude socio-urbaine et socioéconomique qui devrait être établie.
Donc, l’opérateur ou le promoteur de ces hypermarchés, qui certainement vont être des privés algériens ou des privés algériens et des privés étrangers, vont faire des études. Et eux, ils vont faire le projet pour gagner de l’argent. Ils vont faire des études de faisabilité et même des études financières et économiques. Si le terrain n’est pas valable, ils ne vont pas concrétiser le projet. Les autorités compétentes, notamment le ministère de l’Habitat, de l’Urbanisme et de la Ville, devraient déjà engager des études spécifiques pour cela sur le territoire national, avec des priorités.
Les priorités sont d’implanter ces surfaces commerciales dans et autour des grandes villes afin de permettre un accès facile, sans causer d’embouteillages et qui ne soient pas trop loin, ni trop proche des ensembles urbains. Nous avons des socio-urbanistes qui peuvent commencer à identifier ou à géolocaliser des assiettes qui peuvent contenir les premiers hypermarchés qui, pour nous, devraient voir le jour en 2025. C’est avec cela que l’on va résoudre beaucoup de problèmes. On va résorber graduellement l’informel, donner plus de sécurité aux consommateurs, plus de sécurité sanitaire aux aliments, parce qu’il va y avoir un contrôle rigoureux, et booster la numérisation et le paiement électronique ainsi que la traçabilité.
Les consommateurs ont aussi un rôle à jouer pour lutter contre la spéculation et les prix exagérés. Quel est votre message à ce sujet ?
Les consommateurs devraient être conscients que nous sommes sous la menace de certains enjeux géopolitiques, des pays sont en train de guetter la moindre erreur et attendre à ce qu’on soit affaiblis pour qu’ils profitent de l’Algérie et nous envahissent.
La leçon de ce qui se passe à Ghaza et au Soudan nous apprend que nous devrions être forts d’abord dans la santé, mais beaucoup plus dans l’économie. Et c’est pour cela qu’on doit être des consommateurs-collaborateurs, des consommateurs avertis, des consommateurs qui ont une culture de consommation qui va nous amener à préférer les produits nationaux pour booster notre économie, et aider les opérateurs à faire beaucoup plus de concurrence, à réaliser plus de projets, à innover, mais aussi être collaboratifs dans le sens de se retirer de tout ce qui est informel, c’est-à-dire si j’ai le choix d’acheter un objet à 100 DA dans le marché informel, mais que je le trouve à 120 DA dans le marché formel, on doit avoir cette culture de donner les 20 DA en plus pour acheter un produit dans le formel, parce que le formel c’est un commerçant qui paye ses impôts et les impôts vont dans l’intérêt de l’économie nationale. Donc, le consommateur doit être un acteur aussi, il ne doit pas juste subir mais doit aussi être actif, collaborer, jouer son jeu de consommateur qui collabore à faire développer l’économie nationale.
Plus que jamais, le monde est en crise, bouleversé par des conflits géopolitiques. Comment l’Algérie pourra-t-elle assurer sa sécurité alimentaire et quels sont les enjeux à prendre en considération ?
C’est vrai, c’est le moment de gagner la bataille de la cohésion sociale, parce qu’on a des ennemis qui nous guettent, nous regardent et attendent que l’on tombe. Et c’est pour cela qu’on va devoir aussi jouer un rôle, comme l’ont fait nos parents et nos grands-parents lors de la Révolution.
C’est une révolution économique qu’on va devoir faire et non armée. C’est avec l’économie qu’on va être plus forts. Et ça va nous demander d’avoir un peu plus de nationalisme, de patriotisme dans tout ce qu’on fait. Même celui qui va à l’école devra travailler plus que les années précédentes pour devenir un cadre, un citoyen qui va être actif. Idem pour les universitaires et les fonctionnaires qui ont l’habitude d’aller au travail, mais maintenant ils devront aller travailler plus sérieusement.
Il est vrai qu’on va devoir être patients, par exemple, s’il y a des produits qui manquent et qui ne sont pas nécessaires, on peut s’en passer, on n’a pas à les importer. J’ai toujours dit, par exemple, on n’a pas à importer de la viande, ni blanche ni rouge. Si on ne mange pas de viande, cela ne pourra que faire du bien à notre santé, parce qu’on est en train de manger d’une manière anarchique.
Donc, à quoi bon dépenser des devises fortes pour acheter de la viande de mauvaise qualité, juste pour faire plaisir à certaines bouches ? Une chose est certaine, nous pouvons faire mieux dans tous les secteurs, à commencer par celui de l’agriculture.