Guinée : L’ex-dictateur Dadis Camara arrêté après une courte cavale

05/11/2023 mis à jour: 01:44
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L’évasion avortée de Moussa Dadis Camara suscite de nombreuses interrogations

L’ancien dictateur guinéen Moussa Dadis Camara a été sorti de prison hier matin par un commando lourdement armé après des échanges de tirs nourris dans le centre de Conakry et est introuvable, rapporte l’AFP, citant un ministre et des avocats.

Deux ou trois autres anciens responsables, actuellement jugés comme lui pour un massacre perpétré en 2009 sous sa présidence, ont également été extraits de la prison, selon ces sources, sans qu’apparaisse clairement si Moussa Dadis Camara s’est échappé de son plein gré. L’un d’eux a été repris. 
 

L’assaut du commando a réveillé avant l’aube le centre de la capitale au son des armes automatiques. «Il était environ 5h. Des hommes lourdement armés ont fait irruption à la maison central de Conakry», a déclaré le ministre de la Justice, Alphonse Charles Wright. «Ils ont réussi à partir avec quatre accusés dans le procès des événements du 28 septembre (2009), notamment le capitaine Moussa Dadis Camara», a-t-il dit.

 Il a assuré que les frontières étaient fermées. «Je dis au peuple de Guinée qu’ils seront retrouvés partout où ils seront», a-t-il affirmé. Un des prisonniers sortis, le colonel Moussa Tiegboro Camara, secrétaire d’Etat chargé de la lutte contre la drogue et le crime organisé sous Dadis Camara, a été repris, a-t-il ajouté. L’avocat du détenu, Jean Sovogui, a assuré qu’il a échappé à ce qu’il a présenté comme ses «ravisseurs». L’avocat du capitaine Dadis Camara, Jocamey Haba, a déclaré avoir eu confirmation du parquet que son client a été sorti de prison. Il a évoqué la possibilité que Dadis Camara ait été emmené contre son gré. «Je continue de penser qu’il a été enlevé. Il a confiance en la justice de son pays, c’est pourquoi il n’aurait jamais tenté de s’évader», a-t-il ajouté en faisant référence au procès actuellement en cours. «Sa vie est en danger», a-t-il assuré.

L’opération du commando a secoué Kaloum, quartier de la Présidence, des institutions, des affaires et d’un certain nombre d’ambassades, mais aussi de la prison centrale.
 

Le souvenir de septembre 2021

Cet accès de fièvre a immédiatement réveillé le souvenir du putsch, mené à peu près à la même heure, du 5 septembre 2021, quand le colonel Mamady Doumbouya a pris d’assaut le palais présidentiel avec ses hommes et renversé le président civil Alpha Condé par les armes. Mais plusieurs sites d’information ont rapidement indiqué que le commando lourdement armé avait visé la prison centrale. Le ministre de la Justice a tenu à préciser qu’il s’agit d’une évasion et non d’une tentative de coup d’Etat. Outre Moussa Dadis Camara et Moussa Tiegboro Camara, les sites d’information ont fait état de l’évasion de Claude Pivi et Blaise Goumou, également jugés parmi une dizaine d’anciens responsables militaires et gouvernementaux pour le massacre de 2009. 

Un peu plus tard dans la journée, l’état-major des armées en Guinée a réaffirmé son «engagement indéfectible» auprès des autorités et appelé la population au calme après l’opération armée qui a fait sortir de prison l’ancien dictateur Moussa Dadis Camara. Dans un communiqué lu à la télévision d’Etat, le chef d’état-major général des armées, le général Ibrahima Sory Bangoura, présente cette opération comme une tentative pour «saboter» l’action de réforme menée sous la conduite du colonel Mamady Doumbouya, qui a pris le pouvoir par la force en septembre 2021. «Nous, forces de défense et de sécurité, réaffirmons notre engagement indéfectible envers ces réformes, qui sont cruciales pour le progrès et la stabilité de notre nation», a-t-il dit. «Nous invitons la population au calme et à la vigilance», a-t-il ajouté. 
 

La Guinée, pays à l’histoire politique tourmentée depuis l’indépendance vis-à-vis de la France, vient d’entrer dans la deuxième année de ce procès, pour lequel Moussa Dadis Camara est détenu depuis le début des audiences, en septembre 2022. Ce procès concerne une litanie de meurtres, actes de torture, viols et autres enlèvements commis le 28 septembre 2009 par les forces de sécurité au stade du 28 Septembre, dans la banlieue de Conakry, où s’étaient réunis des dizaines de milliers de sympathisants de l’opposition, et aux alentours. Au moins 156 personnes y ont été tuées et des centaines blessées, et au moins 109 femmes violées, selon le rapport d’une commission d’enquête mandatée par l’ONU.  
 

Ce procès s’est ouvert alors que le nouvel homme fort du pays, le colonel Doumbouya, a promis, après son coup de force, de refonder l’Etat guinéen et de faire de la justice sa «boussole». Après le putsch de 2021, le colonel Doumbouya s’est fait investir président et s’est engagé, sous la pression internationale, à remettre le pouvoir à des civils élus dans un délai de deux ans à partir de janvier 2023. Les Forces vives de Guinée, collectif de partis et d’organisations de l’opposition, ont récemment dénoncé des engagements non tenus et une dérive autoritaire, évoquant une «dictature naissante». Il est a signaler que l’ancien dictateur a été repris et remis derrière les barreaux, ont annoncé l’armée et son avocat.

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