Les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), en guerre contre l’armée pour le pouvoir au Soudan, ont attaqué vendredi une ville au sud de Khartoum, ont rapporté des habitants à l’AFP. Les FSR du général Mohamed Hamdane Daglo «pillent les banques et les bâtiments publics» de la ville de Bara, à 50 km au nord-est d’El-Obeid, le chef-lieu du Kordofan-Nord, raconte l’un d’eux.
«On est terrorisés, ils tirent et ils pillent et l’armée et la police sont introuvables», accuse un autre habitant, Abdelmohsen Ibrahim. Selon cet habitant, il est déjà trop tard pour intervenir: «Même si l’armée essaye de venir d’El-Obeid, les FSR tiennent la route El-Obeid-Bara.» El-Obeid, à 350 km au sud de Khartoum, est stratégique car elle est un nœud logistique et commercial avec notamment un aéroport et d’immenses entrepôts de stockage de denrées alimentaires et de produits d’exportation, comme la gomme arabique.
Depuis le début de la guerre le 15 avril, de nombreux habitants dénoncent les exactions des paramilitaires tout en accusant l’armée du général Abdel Fattah al-Burhane de ne pas les protéger. Ces exactions ont eu lieu à Khartoum mais aussi au Darfour, vaste région de l’Ouest où l’ONU recense de possibles «crimes contre l’humanité» ainsi qu’au Kordofan-Nord.
A Omdourman, dans la banlieue nord de Khartoum, des témoins ont rapporté «des frappes aériennes dans le secteur du siège de l’organisme public de radiodiffusion et des tirs anti-aériens» en réponse. Un autre témoin a fait état d’une frappe aérienne sur une base des FSR dans le nord de Khartoum. Sur le front diplomatique, l’Igad, le bloc de l’Afrique de l’Est, a annoncé tenir une réunion lundi à Addis Abeba, en Ethiopie, d’après son porte-parole Nour Mahmoud Sheikh al-Jumaa. Et les généraux rivaux Daglo et Burhane pourraient s’y rencontrer, a indiqué vendredi à l’AFP un responsable de l’Igad, sous le couvert de l’anonymat. «Ils pourraient y participer ou envoyer des représentants de haut niveau», a-t-il précisé. L’Igad a récemment annoncé intégrer l’Ethiopie, le Kenya, la Somalie et le Soudan du Sud au mécanisme diplomatique mis en place par le bloc pour résoudre le conflit au Soudan.
Prise par surprise un matin du mois de Ramadhan, l’armée joue depuis le début du conflit principalement de son atout aérien : elle est la seule à avoir des avions de combat. Les FSR, en revanche, ont implanté leurs bases de longue date dans les quartiers résidentiels et privilégient des troupes mobiles juchées sur des pickups armés de batteries anti-aériennes. Ces petits groupes ont pris possession de maisons, volé des voitures et détroussé des habitants fuyant vers les pays voisins, accusent habitants et ONG. Ils sont également accusés d’agresser et de violer des femmes, selon ces sources. Jeudi encore, des habitants de la capitale et du Darfour ont fait état auprès de l’AFP de combats violents avec raids aériens, tirs d’artillerie lourde et affrontements.
En près de trois mois, la guerre entre les deux généraux - devenue conflit ethnique au Darfour selon l’ONU - a fait près de 3000 morts et près de trois millions de déplacés et de réfugiés, fait savoir l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). «En plus des plus de 2,2 millions de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (PDI), près de 700 000 autres ont fui vers les pays voisins», détaille l’organisation onusienne dans un communiqué.
Le flux les plus important vers les pays voisins a été enregistré au niveau des frontières égyptiennes (40%), tchadiennes (28%), du Soudan du Sud (21%) et, enfin, de celles de l’Ethiopie et de la République centrafricaine. «Sur les plus de 697 000 personnes qui ont traversé les pays voisins, 65 % sont des Soudanais et 35 % seraient des rapatriés et des ressortissants de pays tiers. La plupart sont dans des conditions extrêmement précaires», a averti l’OIM. L’organisation onusienne pour les migrations a mis en garde contre les conséquences humanitaires de ces déplacements, alors que le conflit opposant l’armée soudanaise aux Forces de soutien rapide (FSR), déclenché le 15 avril, se poursuit malgré les accords de cessez-le-feu et l’appel au dialogue de la communauté internationale.