Le gouvernement soudanais a rejeté hier un rapport soutenu par les Nations unies ayant déterminé que la famine s’est propagée dans cinq régions du pays déchiré par la guerre, rapporte l’AFP.
Dans son dernier rapport publié mardi dernier, le système de classification intégrée de la sécurité alimentaire (IPC), utilisé par les agences de l’ONU, a déclaré que 638 000 personnes sont désormais confrontées à des niveaux de faim catastrophiques, et que 8,1 millions de personnes supplémentaires sont au bord de la famine. Le Soudan est déchiré par 20 mois de combats entre l’armée soudanaise et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), qui ont conduit à une terrible crise humanitaire.
Le gouvernement, aligné sur l’armée, «rejette catégoriquement la description de la situation au Soudan par l’IPC comme une famine», selon un communiqué du ministère des Affaires étrangères. Le communiqué a qualifié le rapport d’«essentiellement spéculatif» et a accusé l’IPC de manquements aux procédures et à la transparence. Le gouvernement affirme aussi que l’IPC n’a pas eu accès aux dernières données sur le terrain et n’avait pas consulté l’équipe technique du gouvernement sur la version finale avant publication.
Le gouvernement soudanais a été accusé à plusieurs reprises d’entraver les efforts internationaux visant à évaluer la situation de la sécurité alimentaire dans le pays. Les autorités ont également été accusées de créer des obstacles bureaucratiques au travail humanitaire et de bloquer les visas pour les équipes étrangères.
«La pire crise humanitaire»
L’armée et les FSR ont toutes deux été accusées d’utiliser la famine comme arme de guerre. Selon l’ONG International Rescue Committee (IRC), l’armée «exploite son statut de gouvernement internationalement reconnu (et empêche) l’ONU et d’autres agences d’atteindre les zones contrôlées par les FRS». Le Soudan traverse la «pire crise humanitaire jamais enregistrée», a indiqué l’IRC dans son récent rapport sur les situations d’urgence en 2023. La guerre a fait depuis avril 2023 des dizaines de milliers de morts et plus de 12 millions de déplacés, plusieurs millions d’entre eux étant confrontés à une insécurité alimentaire grave dans les zones contrôlées par l’armée. A travers le pays, près de 25 millions de personnes, soit environ la moitié de la population, sont confrontées à des niveaux élevés d’insécurité alimentaire aiguë, selon les Nations unies.
En octobre, des experts de l’ONU ont accusé les belligérants d’utiliser des «tactiques de famine» contre des millions de civils. Selon les agences d’aide, le gouvernement aligné sur l’armée a placé des obstacles bureaucratiques à leur travail et a profité de sa position d’autorité internationalement reconnue pour fermer les principaux points d’accès à l’aide. Seuls deux convois de l’ONU ont été autorisés à atteindre Zamzam depuis que la famine a été déclarée.
La quasi-totalité du Darfour est désormais contrôlée par les FSR, qui ont également pris le contrôle de pans entiers de la région du Kordofan, au sud, et du centre du Soudan, tandis que l’armée contrôle le nord et l’est du pays. «Une famine prolongée s’installe au Soudan», a déclaré Jean-Martin Bauer, directeur de l’analyse de la sécurité alimentaire et de la nutrition au PAM. «Les gens s’affaiblissent de plus en plus et meurent, car ils n’ont eu que peu ou pas d’accès à la nourriture depuis des mois et des mois.»