La spectaculaire percée de Bernardo Arevalo inquiète les élites économiques et politiques du pays,
perçue comme un danger pour leurs intérêts, et le ministère public a multiplié les procédures à son encontre.
Le candidat surprise de l’élection présidentielle au Guatemala, Bernardo Arevalo, objet de tentatives de disqualification pendant la campagne, a remporté dimanche le second tour du scrutin avec la promesse d’en finir avec la corruption dans un pays miné par la pauvreté et la violence.
«Le peuple guatémaltèque a parlé haut et fort», a déclaré Bernardo Arevalo, 64 ans, à la presse après sa victoire en prononçant un discours fort contre la corruption. Il a aussi indiqué que les Présidents de deux pays voisins, le Mexicain Andrés Manuel López Obrador et le Salvadorien Nayib Bukele, l’avaient appelé pour le féliciter et discuter d’un programme commun.
Plus tôt, la présidente du Tribunal suprême électoral (TSE) Irma Palencia avait annoncé que M. Arevalo avait obtenu 59% des voix après le dépouillement de 95% des suffrages, contre 36% à sa rivale, l’ex-première Dame Sandra Torres.
Le président sortant de droite, Alejandro Giammattei, a rapidement réagi sur X (anciennement Twitter), félicitant M. Arevalo et l’invitant «à entamer une transition ordonnée dès le lendemain de l’officialisation des résultats».
«La victoire de M. Arevalo signifie la défaite de la vieille politique, du parti au pouvoir (...). Une autre ère commence pour notre pays et nous devrons nous mobiliser pour une transition pacifique», a noté l’analyste indépendant Miguel Angel Sandoval.
Le scrutin s’est déroulé sans qu’aucun «incident significatif» ne soit signalé, selon le TSE, qui a souligné sans plus de précision un «pourcentage historique de participation».
Les deux candidats en lice, Bernardo Arevalo et Sandra Torres, 67 ans, se réclament tous deux de centre gauche. Mais si le premier porte les espoirs de changement dans un pays profondément inégalitaire, sa rivale était considérée comme la représentante de l’establishment.
A la tête du parti Unité nationale de l’espoir (UNE), Sandra Torres promettait des programmes d’aide sociale et diverses subventions pour les pauvres. Cependant, elle avait le soutien de la droite et des évangélistes, et multipliait les discours conservateurs.
«L’expérience diplomatique et parlementaire d’Arevalo lui donne une base de connaissances et d’expérience pour former une large équipe gouvernementale. Cela renforce sa légitimité», a estimé Francisco Rojas, recteur de l’université pour la paix (Upeace).
«Période compliquée»
«Nous devrons voir si Sandra Torres reconnaît sa défaite, mais il y aura une longue période avant la prise de fonctions (le 14 janvier 2024). Ce sera une période complexe», a-t-il ajouté.
L’ancienne épouse de l’ex-président de gauche, Alvaro Colom (2008-2012), bénéficiait du soutien silencieux du Président sortant, dont le mandat a été marqué par la répression contre les magistrats et les journalistes qui dénonçaient la corruption.
Dans la ville indigène de San Juan Sacatepéquez, à une trentaine de kilomètres de la capitale, les électeurs ont dit leurs espoirs de change-ment. «On ne peut plus vivre nulle part, car il y a beaucoup de criminalité», a déploré Maria Rac, une femme au foyer de 66 ans. Efrain Boch, un camionneur de 47 ans, a dit espérer que le nouveau président «s’attaque à la corruption qui nous affecte».
«Nous sommes confiants : le gagnant sera le peuple du Guatemala», a déclaré Bernardo Arevalo, après avoir voté dans un lycée de la capitale. Sandra Torres n’a elle fait aucune déclaration après avoir introduit son bulletin dans l’urne. Qualifié à la surprise générale lors du premier tour, Bernardo Arevalo porte les espoirs de changement, notamment parmi les jeunes qui représentent 16% des 9,4 millions d’inscrits.
«Nous avons été les victimes, les proies, de politiciens corrompus pendant des années», a-t-il déclaré mercredi. «Voter, c’est dire clairement que c’est le peuple guatémaltèque qui dirige ce pays, et non les corrompus», a-t-il assuré.
Ce sociologue et ancien diplomate est le fils du premier président démocratiquement élu du pays, Juan José Arevalo (1945-1951).
La spectaculaire percée de Bernardo Arevalo inquiète les élites économiques et politiques du pays, perçu comme un danger pour leurs intérêts, et le ministère public a multiplié les procédures à son encontre.
Sur avis du parquet, un juge avait ordonné le 12 juillet la suspension de son parti Semilla pour de supposées irrégularités lors de sa création en 2017.
La Cour constitutionnelle avait suspendu cette décision, annulée vendredi par la Cour suprême.
La veille, le procureur Rafael Curruchiche, sanctionné pour «corruption» par Washington, avait annoncé de possibles arrestations à venir de dirigeants de Semilla. Trois décennies après la fin de sa brutale guerre civile, le pays le plus peuplé d’Amérique centrale est enlisé dans la pauvreté, la violence et la corruption, ce qui pousse chaque année des milliers de Guatémaltèques à émigrer.