Ancien préfet rwandais suspecté d’avoir participé au génocide de 1994 dans le pays, Pierre Kayondo a été mis en examen, mardi, à Paris et incarcéré, a rapporté, hier, l’AFP citant des sources proches du dossier. Pierre Kayondo, qui faisait l’objet d’une enquête en France depuis fin 2021, après une plainte d’un collectif de victimes et qui était suspecté d’habiter au Havre (Seine-Maritime), dans le nord-ouest du pays, a, selon une source judiciaire, été mis en examen pour génocide, complicité de génocide, complicité de crimes contre l’humanité et entente en vue de commettre ces crimes.
D’après une autre source proche du dossier, il a été interpellé, mardi, par les gendarmes de l’Office central de lutte contre les crimes contre l’humanité et les crimes de haine (OCLCH), sur la base d’un mandat d’amener émis par le juge d’instruction. Il a été présenté le même jour à ce magistrat instructeur qui l’a mis en examen. Pierre Kayondo a ensuite été placé en détention provisoire.
Cet homme politique rwandais est visé par une plainte avec constitution de partie civile du Collectif des parties civiles du Rwanda (CPCR) déposée en septembre 2021, et qui a donné lieu à l’ouverture rapide d’une information judiciaire.
Dans sa plainte, le CPCR affirmait que Pierre Kayondo, «ancien préfet de Kibuye et ancien député» dans la préfecture de Gitarama, a «activement participé à l’organisation des exterminations à Ruhango et à Tambwe dans la préfecture de Gitarama, en permettant la constitution de groupes de miliciens interahamwe, en fournissant des armes et en participant à des réunions».
Pour Alain Gauthier, le président du CPCR, Pierre Kayondo «était un proche de personnalités condamnées pour génocide», dont le colonel Aloys Simba et Ephrem Nkezabera, surnommé le «banquier du génocide».
Le 6 avril 1994, la mort du président Habyarimana (dont l’avion abattu transportait également le président burundais Cyprien Ntaryamira) déclenche un génocide contre les Tutsis et les Hutus de l’opposition. Ces massacres ont fait plus de 800 000 morts selon l’ONU.
Le 24 novembre 2006, le Rwanda rompt ses relations diplomatiques avec la France pour protester contre les poursuites engagées par le juge Jean-Louis Bruguière contre des responsables rwandais, dans l’enquête sur l’attentat du 6 avril 1994. En décembre 1997, la commission d’enquête parlementaire belge concernant les événements du Rwanda constate que «la communauté internationale et certaines de ses composantes, dont la Belgique, ont failli en avril 1994». Nommée par le président rwandais Paul Kagamé, la commission Mucyo (du nom de son président, l’ancien ministre de la Justice Jean de Dieu Mucyo) accuse le 5 août 2008, dans son rapport, la France d’avoir contribué à préparer le génocide et d’y avoir participé.
Le 26 mars 2021, le rapport de la commission d’historiens présidée par Vincent Duclert reconnaît des «responsabilités accablantes» de la France, mais souligne l’absence de complicité dans le génocide.
19 avril de la même année, commandé par Kigali, en 2017, au cabinet d’avocats américain Levy Firestone Muse, un rapport conclut à la «lourde responsabilité» de la France dans le génocide, mais ne formule aucune accusation quant à sa participation aux tueries de 1994.