Fuites dans l’armée allemande : Moscou dénonce «l’implication directe» de l’Occident en Ukraine

05/03/2024 mis à jour: 09:45
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Dmitri Peskov, porte-parole du Kremlin

Moscou a dénoncé hier «l’implication directe» de l’Occident en Ukraine et convoqué l’ambassadeur allemand après la diffusion sur les réseaux sociaux, depuis la Russie, d’échanges entre des officiers allemands sur des livraisons d’armes à Kiev, rapporte l’AFP. 

La diffusion vendredi de l’enregistrement audio d’une visioconférence récente entre officiers allemands de haut rang, évoquant en particulier la possible livraison de missiles à l’Ukraine, a provoqué une crise entre les deux pays, et un choc à Berlin. Ces échanges, dont l’authenticité a été confirmée par Berlin, montrent «une fois de plus l’implication directe de l’Occident collectif dans le conflit en Ukraine», a déclaré à la presse le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. Dans cette conversation, les participants parlent notamment de l’hypothèse de fournir à Kiev des missiles de longue portée Taurus, de fabrication allemande, de ce qui serait nécessaire aux forces ukrainiennes pour les utiliser et de leur impact éventuel. 

Son contenu est très embarrassant pour l’Allemagne, car Berlin refuse officiellement de livrer des missiles Taurus à Kiev, en arguant d’un risque d’escalade du conflit. Les participants évoquent aussi l’hypothèse de frappes contre le pont de Crimée reliant la péninsule annexée par Moscou en 2014 et le territoire russe, l’un d’eux soulignant qu’il faudrait entre 10 et 20 missiles pour en venir à bout. 

«L’enregistrement lui-même témoigne qu’au sein de la Bundeswehr (l’armée allemande, ndlr), on discute de manière détaillée et concrète de projets d’effectuer des frappes contre le territoire russe», a observé Dmitri Peskov. Les déclarations du porte-parole du Kremlin sont intervenues alors que l’ambassadeur d’Allemagne, Alexander Graf Lambsdorff, s’est rendu lundi matin au ministère russe des Affaires étrangères. L’ambassadeur a quitté le ministère sans faire de commentaire, après y avoir passé un peu plus d’une heure, selon les agences de presse russes. Berlin a démenti que son ambassadeur ait été convoqué, un porte-parole de la diplomatie allemande affirmant qu’il a ce rendez-vous «prévu de longue date au ministère russe des Affaires étrangères». Dès samedi, Berlin a confirmé que l’enregistrement était authentique et qu’il a été «intercepté». 

Le chancelier allemand Olaf Scholz a promis une enquête «très approfondie» et «très rapide» sur la publication de ces informations. «J’espère que nous pourrons apprendre d’une manière ou d’une autre (...) à quoi cette enquête a abouti», a commenté lundi, D. Peskov. «Il faut établir bien évidemment si la Bundeswehr le fait de sa propre initiative. Et alors la question est de savoir à quel point la Bundeswehr est contrôlable et à quel point M. Scholz contrôle tout cela, ou bien si cela fait partie d’une politique de l’Etat allemand», a-t-il indiqué. «Dans les deux cas, c’est très mauvais», a conclu le porte-parole du Kremlin.

 Pour sa part, le ministre allemand de la Défense, Boris Pistorius, a accusé dimanche le président russe, Vladimir Poutine, de chercher à «déstabiliser» l’Allemagne avec l’espionnage d’échanges militaires confidentiels sur l’Ukraine. Cela «fait partie d’une guerre de l’information que Poutine mène», a-t-il affirmé, «il s’agit clairement de saper notre unité (...), de semer la division politique sur le plan intérieur et j’espère sincèrement que Poutine n’y parviendra pas». Selon le magazine Der Spiegel, la visioconférence a eu lieu via la plateforme publique WebEx et non un réseau interne ultra-sécurisé de la Luftwaffe (l’armée de l’air, ndlr). 

Et l’un des officiers se trouvait dans un hôtel de Singapour, dont la chambre pourrait avoir été piégée avec des micros, affirment certains médias. Le contre-espionnage militaire allemand devra déterminer si «la bonne plateforme a été choisie» pour la conversation, a reconnu B. Pistorius.

Kiev « n’a rien reçu »

Par ailleurs, le Premier ministre ukrainien, Denys Chmygal, a affirmé hier que son pays n’a pas reçu plus de 16 milliards d’euros d’aide collectés par la Pologne et la Commission européenne lors de deux conférences de donateurs à Varsovie en 2022, dans la foulée de l’offensive russe. «Ces fonds ont été réunis. Selon nos informations, plus de 10 milliards d’euros à la première (conférence) et plus de 6 milliards à la deuxième», a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse à Kiev, alors que son pays s’inquiète de l’effritement du soutien occidental après deux ans de guerre. 

Selon lui, ces fonds «ont été levés par la Pologne avec la Commission européenne pour le soutien de l’Ukraine». «Nous ne savons pas ce qu’ils sont devenus, ces fonds. Comment ont-ils été dépensés, qu’ont-ils soutenu? L’Ukraine n’a rien reçu», a poursuivi le chef du gouvernement. 
 

Dans le sillage de l’intervention russe en février 2022, les Occidentaux ont annoncé le déblocage de dizaines de milliards d’euros en soutien à Kiev. Début avril 2022, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a annoncé à Varsovie qu’une campagne internationale de collecte de fonds a permis de réunir 10,1 milliards d’euros pour soutenir les personnes déplacées en Ukraine du fait des hostilités. Le gouvernement polonais a ensuite annoncé qu’une conférence de donateurs qui s’était tenue à Varsovie avait réuni plus de 6,3 milliards d’euros pour l’aide humanitaire à l’Ukraine. 
 

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