Après deux ans d’absence pour cause de pandémie mondiale de Covid-19, l’Africa CEO Forum (AFC), considéré comme le plus grand rassemblement annuel du secteur privé en Afrique, revient cette année et se tiendra les 13 et 14 juin 2022 à Abidjan, en Côte d’Ivoire.
5 chefs d’Etat africains ont déjà confirmé leur présence à cet événement de référence, qui prévoit 23 panels pour plus de 80 intervenants et regroupe un peu plus de 1000 décideurs issus de 25 pays pour parler finance, économie et coopération.
Face aux multiples bouleversements que connaît le monde, comme la situation sanitaire et la guerre en Ukraine, l’ACF ambitionne de proposer de nouvelles routes pour la croissance africaine. Frédéric Maury, directeur général délégué en parle dans cet entretien accordé à El Watan.
Entretien réalisé par Djamel Alilat
- C’est le grand retour de l’Africa CEO Forum en présentiel après 2 ans d’absence. Comment percevez-vous ce retour ?
La dernière édition du sommet annuel de l’Africa CEO Forum a eu lieu en 2019 à Kigali. L’événement avait connu un immense succès, dans une dynamique continentale qui était forte, puisqu’un an plus tôt l’accord portant création de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) avait été signé.
Depuis, de la Covid à la guerre en Ukraine, le monde a été profondément bouleversé. Les bouleversements successifs survenus depuis deux ans accélèrent la transformation des économies : course aux vaccins, perturbation des chaînes logistiques, digitalisation des économies, transition climatique, envolée des prix de l’énergie et des biens alimentaires, retour de l’inflation, des dettes et des tensions commerciales… La question de la souveraineté économique est désormais au cœur des préoccupations des Etats à travers le monde.
Pour l’Afrique, il existe de nombreux risques, mais aussi, dans la situation actuelle, de nombreuses opportunités. L’Africa CEO Forum aimerait que ces crises agissent comme un déclic, qu’elles soient l’occasion pour le continent de bâtir les nouvelles routes de sa prospérité. Des nouvelles routes qui doivent se penser et se faire ensemble, pas de manière atomisée comme cela se passe de plus en plus ailleurs.
Enfin, sur une note plus personnelle, ce grand retour en physique de l’Africa CEO Forum est une source de satisfaction évidemment pour la centaine de personnes qui travaillent sur ce projet : si nous faisons désormais beaucoup d’événements digitaux qui continuent à très bien fonctionner et qui ont une vraie utilité pour notre communauté issue de 70 pays différents, tous sont ravis de se retrouver enfin !
- Quel sera le thème général du Forum cette année ? Quels sont les grands axes des débats de cette édition ?
En tant que plateforme de référence du secteur privé africain, l’Africa CEO Forum se tient en permanence au fait des grandes tendances qui affectent les économies africaines et leurs leaders. En dehors des sujets que j’ai abordés un peu plus tôt, nous examinerons, à quelques mois de la Cop27 en Egypte, les opportunités économiques liées à la transition climatique. Dans le cas des minerais verts mais aussi du gaz naturel, qui est désormais vu comme une énergie de transition, notre conviction est que l’Afrique a une carte à jouer.
Nous aborderons aussi des sujets clés en termes de souveraineté économique africaine, comme le développement d’une industrie pharmaceutique locale, la refonte de la logistique dans un contexte post-Covid, la relocalisation de la data. Enfin, je voudrais mentionner une dernière initiative qui me tient à cœur car elle est toute jeune : le Disruptors Club.
Fondé cette année avec l’appui de Visa, ce club réunit les dirigeants des start-up africaines les plus dynamiques du continent. A l’Africa CEO Forum 2022, ils seront 25 cette année, ayant levé près d’un milliard de dollars, dont plusieurs venant du Maghreb : le fondateur d’Instadeep, leader de l’intelligence artificielle venu de Tunisie, ou Chari, star du e-commerce au Maroc.
- Pouvez-vous nous donner une idée du nombre de grands acteurs politiques, économiques et sociaux qui seront présents à ce rendez-vous qui est toujours considéré comme le plus grand rassemblement du secteur privé africain ?
Plusieurs chefs d’Etat ont confirmé leur participation : les présidents de la Côte d’Ivoire, du Ghana, de la Mauritanie, du Niger, du Sénégal ainsi que le vice-président du Nigeria et plusieurs Premiers ministres, du Rwanda au Gabon. Et nous discutons actuellement avec deux dirigeants internationaux, dont je ne peux encore révéler les noms. Nous compterons plusieurs dizaines de décideurs politiques africains. Pas pour se faire plaisir, mais parce que depuis 2016, l’Africa CEO Forum devenant la plateforme de référence des dirigeants du secteur privé africain, il nous est apparu clairement que le dialogue public-privé était essentiel : à la fois pour faciliter les investissements et le financement et pour travailler à l’amélioration du climat des affaires.
- L’Afrique du Nord, particulièrement l’Algérie, ne semble pas avoir réussi à faire jonction avec le reste du continent, et la coopération Nord-Sud semble peu efficace. Que peut faire l’Africa CEO Forum pour une plus grande intégration des économies africaines ?
Pour la Tunisie, l’Algérie ou l’Egypte, le constat n’est en effet pas très positif en termes d’intégration Nord-Sud. Sans doute parce que l’Algérie et l’Egypte sont de gros marchés et qu’elles ne ressentent pas forcément le besoin de sortir de leurs frontières.
Pour la Tunisie, c’est un peu différent. Disons que le pays a ses propres difficultés à gérer et qu’il est de toute manière historiquement tourné vers l’Europe. En permanence, nous mettons beaucoup d’énergie à attirer les grands patrons et les décideurs publics d’Afrique du Nord autour des activités de l’Africa CEO Forum pour que justement grandisse cette intégration économique Nord-Sud.
Les 13 et 14 juin à Abidjan, la cheffe du gouvernement tunisienne sera à notre événement, accompagnée de plusieurs dirigeants d’entreprises, ainsi que Rania El Mashat, ministre égyptienne de la Coopération internationale, ou Mahmoud Mohieldin, le High-Level Climate Champion des Nations unies dans le cadre de la Cop27.