La Syrie et l’Irak ont dénoncé hier les frappes américaines nocturnes menées contre des forces d’élite iraniennes et des groupes pro-iraniens dans ces deux pays, en représailles à la mort de 3 soldats américains dans une attaque fin janvier, rapporte l’AFP.
Au moins 23 combattants pro-iraniens ont été tués dans l’est de la Syrie, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH). En Irak, 16 personnes parmi lesquelles des civils ont été tuées, a annoncé samedi le gouvernement irakien. Le bilan pourrait toutefois être plus lourd, selon le Hachd Al Chaabi irakien, coalition de groupes armés pro-iraniens, formés d’ex-paramilitaires intégrés aux forces régulières, annonçant dans ses seuls rangs un bilan de «16 martyrs et 36 blessés».
Les Etats-Unis ont indiqué que ces frappes constituent une riposte à l’attaque du 28 janvier sur une base en Jordanie, près des frontières syrienne et irakienne, qui a coûté la vie à trois militaires américains, attaque attribuée par Washington à des groupes soutenus par l’Iran. «Notre riposte a commencé aujourd’hui. Elle continuera selon le calendrier et aux endroits que nous déciderons», a dit le président américain Joe Biden.
Les représailles américaines contribuent à «attiser le conflit au Moyen-Orient de manière extrêmement dangereuse», a réagi dans un communiqué le ministère syrien des Affaires étrangères. Le gouvernement irakien a, lui, fustigé une «violation de la souveraineté irakienne».
«L’attaque de la nuit dernière est une action aventureuse et une autre erreur stratégique de la part des Américains, qui n’aura d’autre résultat que d’intensifier les tensions et l’instabilité dans la région», a réagi de son côté le porte-parole de la diplomatie iranienne, Nasser Kanani.
Un peu plus tard, la diplomatie russe a condamné les frappes américaines menées accusant Washington de croire en «son impunité» et de «semer le chaos et la destruction» au Proche-Orient. «Nous condamnons fermement ce nouvel acte flagrant d’agression américano-britannique contre des Etats souverains. Nous nous efforçons d’examiner d’urgence la situation dans le cadre du Conseil de sécurité de l’ONU», a indiqué un communiqué de la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova.L’intervention militaire américaine dans la nuit de vendredi à samedi a duré trente minutes environ et a été «un succès», selon la Maison-Blanche, qui a assuré à nouveau ne pas vouloir d’une «guerre» avec l’Iran.
Un total de 85 cibles sur sept sites différents (quatre en Syrie et trois en Irak) ont été visées, a indiqué John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison-Blanche. Ces frappes ont entraîné «la mort d’un certain nombre de civils et de soldats, des blessures chez d’autres et des dégâts importants», selon l’armée syrienne. «L’occupation de certaines parties du territoire syrien par les forces américaines ne peut plus durer», a-t-elle ajouté, affirmant sa «détermination à libérer l’ensemble du territoire syrien du terrorisme et de l’occupation».
«Menace pour la stabilité»
L’Irak a estimé pour sa part que la présence sur son sol d’une coalition internationale antidjihadiste menée par Washington est «devenue une menace pour la sécurité et la stabilité» du pays. La diplomatie irakienne a annoncé plus tard qu’elle compte convoquer le chargé d’affaires américain à Baghdad pour lui remettre une «lettre officielle de protestation». Quelque 900 soldats américains sont déployés en Syrie et 2500 en Irak voisin dans le cadre de la coalition créée pour combattre le groupe Etat islamique (EI), lorsque ce dernier contrôlait des pans entiers de territoires syrien et irakien.
La défaite de l’EI en Syrie a été proclamée en 2019 (et en Irak en 2017), mais la coalition est restée dans le pays pour lutter contre des cellules djihadistes qui continuent d’y mener des attaques. La Maison-Blanche a assuré que les Etats-Unis ont «prévenu le gouvernement irakien avant les frappes», ce que Baghdad a démenti samedi. Depuis la mi-octobre, plus de 165 frappes de drones et tirs de roquettes ont visé les forces américaines déployées avec la coalition antidjihadiste en Irak et en Syrie, mais aucun militaire américain n’avait été tué jusqu’à l’attaque du 28 janvier.
Revendiquées pour la plupart par une nébuleuse de combattants issus des groupes pro-iraniens qui se fait appeler «Résistance islamique en Irak», ces attaques se sont multipliées peu après le début de la guerre à Ghaza le 7 octobre entre le mouvement islamiste palestinien Hamas et Israël, proche allié des Etats-Unis.
L’opération américaine a visé des centres de commandement et de renseignement, ainsi que des infrastructures de stockage de drones et de missiles «qui ont permis les attaques contre les forces américaines et de la coalition», a précisé le Pentagone. «Les Etats-Unis ne veulent de conflit ni au Moyen-Orient ni ailleurs dans le monde. Mais que ceux qui veulent nous faire du mal le sachent bien : si vous touchez à un Américain, nous répondrons», a prévenu dans un communiqué le président américain.