Les sanctions américaines interviennent alors que l’état-major interarmées de la Corée du Sud a fait état, mercredi dans un communiqué, d’un «lancement de missile balistique par la Corée du Nord», a priori depuis l’aéroport de Sunan, au nord de Pyongyang.
Les Etats-Unis ont imposé hier «pour la première fois» des sanctions financières à un «mélangeur de cryptomonnaie», un service sophistiqué accusé dans ce dossier d’implication dans le blanchiment d’argent virtuel par la Corée du Nord, rapporte l’AFP.
Ce «mixeur», Blender.io, est accusé par le Trésor américain d’avoir aidé à blanchir une partie du butin du «plus grand braquage de cryptomonnaies» au monde (le vol fin mars de 620 millions de dollars imputé par les autorités américaines à un groupe de hackeurs liés à Pyongyang).
«Les mélangeurs de monnaie virtuelle qui favorisent des transactions illégales représentent une menace pour la sécurité nationale des Etats-Unis», a déclaré le sous-secrétaire au Trésor, Brian Nelson, dans un communiqué. «Nous prenons des mesures contre les activités financières illégales de la Corée du Nord et ne laisserons pas sans réponse les vols soutenus par cet Etat et ses blanchisseurs d’argent», a-t-il prévenu.
Au-delà, c’est un avertissement clair qui est adressé au pouvoir nord-coréen, au moment où il multiplie les essais de missiles, dénoncés par les Etats-Unis comme autant de «provocations» en violation des résolutions du Conseil de sécurité de l’Organisation des nations unies (ONU).
«Afin de contourner les sanctions sévères de l’ONU et des Etats-Unis, la Corée du Nord s’est tournée vers le vol de fonds issus d’échanges en cryptomonnaie et de sociétés s’appuyant sur des blockchains pour générer des revenus pour ses programmes illégaux d’armes de destruction massive et de missiles balistiques», a affirmé le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, dans un autre communiqué.
Pour autant, le chef de la diplomatie américaine a rappelé une fois de plus la main tendue de Washington, qui ne cesse de réitérer ses appels au dialogue avec Pyongyang, restés sans réponse depuis l’arrivée du président Joe Biden à la Maison-Blanche début 2021. Ce dernier doit se rendre en Corée du Sud fin mai.
La police fédérale américaine a accusé mi-avril le groupe Lazarus et APT38, des hackeurs «associés» au régime reclus d’Asie de l’Est, d’être responsables du vol de 620 millions de dollars en ethereum, qui a suivi le piratage du jeu vidéo Axie Infinity fin mars.
Le réseau Ronin, utilisé pour ce jeu en ligne, a été victime d’une des plus grosses attaques informatiques impliquant des cryptomonnaies. Axie Infinity est un jeu basé sur la blockchain, un registre numérique décentralisé qui ne peut être modifié. Il permet de gagner de l’argent sous forme de NFT, des jetons numériques. D’après le Trésor américain, Blender a été utilisé dans le blanchiment de plus de 20,5 millions de dollars sur les 620 millions volés.
Blender, qui est aussi le nom anglais pour un mixeur en cuisine, est un service qui facilite le blanchiment des fonds extorqués par des pirates informatiques «en brouillant les cartes sur leur origine, destination et contreparties», d’après le Trésor.
«Sous couvert d’une discrétion accrue», il «mixe» l’argent virtuel issu de transactions illicites avec d’autres cryptomonnaies anonymes avant de les «transmettre à leurs destinataires finaux», et est donc à ce titre «souvent utilisé» par des hors-la-loi, ajoute le ministère américain des Finances, qui souligne que Blender a aidé au transfert de plus de 500 millions de dollars en Bitcoin depuis sa création en 2017.
Les sanctions américaines interviennent alors que l’état-major interarmées de la Corée du Sud a fait état, mercredi dans un communiqué, d’un «lancement de missile balistique par la Corée du Nord», a priori depuis l’aéroport de Sunan, au nord de Pyongyang.
Le projectile a parcouru 470 km et atteint une altitude de 780 km avant de tomber en mer du Japon, a ajouté l’état-major, qualifiant ce tir de «violation flagrante des résolutions du Conseil de sécurité» de l’ONU. Pyongyang, qui a interrompu ses essais nucléaires en 2017, a rompu en mars un moratoire de cinq ans sur ses essais de missiles balistiques intercontinentaux (ICBM) en lançant un puissant projectile, capable d’atteindre les Etats-Unis.
De son côté, le ministre japonais de la Défense, Makoto Oniki, a confirmé cette trajectoire et précisé que le missile a terminé sa course «hors de la zone économique exclusive du Japon». «Le lancement répété de missiles balistiques menace la paix et la sécurité de notre nation, de la région et de la communauté internationale», a-t-il indiqué.
14 tirs d’essai depuis janvier
En dépit de sévères sanctions internationales, la Corée du Nord redouble d’efforts ces derniers mois pour moderniser son armée, et a procédé à 14 tirs d’essai depuis janvier.
Lors d’un grand défilé militaire le 25 avril, le dirigeant nord-coréen, Kim Jong-un, a promis de «renforcer et développer les capacités nucléaires de notre nation à un rythme accéléré». Et d’observer : «Les armes nucléaires, symbole de notre force nationale et au centre de notre puissance militaire, doivent être renforcées en termes de qualité et de portée.»
Quelques jours plus tard, il a qualifié l’arme nucléaire de «bouée de sauvetage garantissant la sécurité de notre pays», et menacé de l’utiliser «à titre préventif». Les nombreux pourparlers diplomatiques visant à convaincre Pyongyang de renoncer à la bombe atomique sont au point mort depuis l’échec, en 2019, d’une rencontre entre Kim Jong-un et le président américain de l’époque, Donald Trump.
Le nouveau lancement intervient par ailleurs à moins d’une semaine de la prise de fonctions du nouveau président sud-coréen, Yoon Suk-yeol, qui a promis de se montrer plus ferme à l’égard de son voisin du Nord. Pendant sa campagne électorale, il a plaidé pour que les Etats-Unis renforcent les défenses antimissiles en Corée du Sud, voire y déploient des armes nucléaires tactiques.
Le porte-parole du Pentagone, John Kirby, a déclaré mercredi être «très inquiet de ces tests et de la nature provocatrice de leur programme de missiles balistiques». Il a indiqué que les Etats-Unis ont invité Pyongyang à revenir à la table des discussions «sans condition préalable», tout en travaillant «au fait d’être prêt pour notre alliance» avec Séoul et Tokyo.
Interrogée mardi sur une mise au vote en mai d’un projet de résolution américain alourdissant les sanctions internationales contre Pyongyang, l’ambassadrice américaine à l’ONU, Linda Thomas-Greenfield, a répondu que son pays compte «aller de l’avant» ce mois-ci à ce sujet.
Mis en avril sur la table du Conseil de sécurité, le texte prévoit de réduire de quatre millions à deux millions de barils la quantité de pétrole brut que la Corée du Nord serait autorisée à importer chaque année à des fins civiles, et imposerait des restrictions sur de nouvelles exportations nord-coréennes, notamment de combustibles minéraux et d’horloges.
Selon des diplomates, la Chine et la Russie, détentrices d’un droit de veto au Conseil, ont refusé jusqu’à présent de discuter du contenu du projet. Aucune date pour un vote n’a été avancée, a précisé l’un de ces diplomates.