Équateur : Tatouages d’animaux, gang dans la peau ?

16/11/2023 mis à jour: 03:07
AFP
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Être tatoué d’un aigle ou d’un tigre sur la peau expose à un danger de mort en Equateur, car cela peut être un signe d’appartenance à l’un des nombreux gangs qui prolifèrent dans le pays et ont usurpé ces symboles animaliers. 

Los Lobos (loups), Las Aguilas (aigles), Los Tiguerones (tigre) et le puissant gang des Choneros, qui ont le lion pour emblème, sèment aujourd’hui la terreur dans ce petit pays autrefois considéré comme un havre de paix entre les deux plus grands producteurs de cocaïne au monde : la Colombie et le Pérou. Loups, lions, aigles ou tigres sont tagués sur les murs de maisons pour signifier l’appartenance d’un quartier entier à un clan et sont tatoués à l’encre sur le corps de leurs membres. 

Dans la ville portuaire de Guayaquil, désormais épicentre du narcotrafic et de toutes les violences entre gangs, criminels et policiers portent une attention particulière à ces marques d’appartenance. «Je préfère toujours garder mon tatouage caché sous mes vêtements», explique à l’AFP sous couvert d’anonymat un jeune homme qui a un tigre tatoué sur le dos, non pas qu’il appartienne à un gang, mais parce qu’il y a quelques années seulement, il aimait l’animal et sa symbolique, sans imaginer qu’un jour cela puisse mettre sa vie en danger. «C’est tellement absurde qu’on soit catalogué, stigmatisé pour ça comme membre d’un gang, peste-t-il.

Mort assurée

Les tatoueurs eux-mêmes sont pris dans la tourmente et certains «ont été tués», affirme l’un d’eux à l’AFP. «Pas pour leurs liens avec des gangs mais parce que quelqu’un a découvert qu’ils avaient simplement recouvert un tatouage ou réalisé un jour un tatouage pour un rival», indique le jeune homme, souhaitant demeurer anonyme, car il a autrefois servi un gang. «Ils souillent l’art», déplore-t-il aujourd’hui. «Je fais des recherches sur les réseaux sociaux pour savoir qui me contacte pour réaliser un tatouage», explique un autre tatoueur de Guayaquil. «Face au danger, je dois littéralement me comporter comme un membre du FBI». 

Selon le contexte, un tatouage peut signifier une «mort assurée», confirme-t-il. Durant leurs opérations, policiers et militaires cherchent le moindre tatouage qui pourrait trahir une appartenance à un gang. Ils font de même sur les candidats désireux d’intégrer les forces armées, afin de se prémunir contre toute infiltration. Le colonel Roberto Santamaria, chef de la police de Nueva Prosperina, le quartier le plus violent de Guayaquil, explique que les tatouages sont désormais affaire d’identité et de loyauté à l’égard des gangs, comme c’est le cas en Amérique centrale avec les tristement célèbres «maras» (bandes criminelles) et ses membres du MS-13 ou du Barrio 18 entièrement tatoués, jusqu’au visage parfois. «La culture de la drogue conduit à la création de légendes et d’histoires, et c’est une façon de recruter des mineurs en leur faisant croire qu’ils font partie d’une structure», dit-il à l’AFP. Sur son téléphone portable, il montre des images d’hommes à la peau recouverte de tatouages d’animaux, un fusil-mitrailleur AK47 en main. 

«Chaque gang a sa particularité. Los Tiguerones par exemple c’est un tigre avec un béret et des étoiles qui représentent la hiérarchie au sein du gang», détaille M. Santamaria. Dans l’ultra-violent système carcéral de l’Equateur, où les affrontements entre gangs rivaux ont fait quelque 460 morts depuis 2021, les victimes étant retrouvées démembrées, décapitées ou incinérées, un simple tatouage est aussi synonyme de vie ou de mort. 

Les nouveaux condamnés «s’identifient selon les symboles tatoués sur leur corps afin de ne pas être placés dans une aile dirigée par un autre gang, car ils savent que s’ils y sont conduits, ils vont mourir», affirme le colonel de police.
 

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