Berlin, Londres et d’autres alliés européens de Kiev ont opposé hier une fin de non-recevoir aux propos du président français, Emmanuel Macron, estimant la veille que l’envoi de troupes occidentales en Ukraine ne pouvait pas «être exclu», rapporte l’AFP. Le Kremlin de son côté a jugé qu’il n’est «absolument pas dans l’intérêt de ces pays» d’envoyer des soldats en Ukraine.
Le simple fait d’évoquer cette possibilité constitue «un nouvel élément très important» dans le conflit, a ajouté le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov. Interrogé sur le risque d’un conflit direct entre l’Otan et la Russie, en cas de présence militaire en Ukraine, Dmitri Peskov a répondu que «dans ce cas, nous ne devrions pas parler de probabilité, mais d’inévitabilité».
Lundi à Paris, Emmanuel Macron a reconnu qu’il n’y a «pas de consensus aujourd’hui pour envoyer de manière officielle, assumée et endossée des troupes au sol». «Mais en dynamique, rien ne doit être exclu. Nous ferons tout ce qu’il faut pour que la Russie ne puisse pas gagner cette guerre», a-t-il ajouté, disant «assumer» une «ambiguïté stratégique». «Beaucoup de gens qui disent ‘‘Jamais, jamais’’ aujourd’hui étaient les mêmes qui disaient ‘‘Jamais des tanks, jamais des avions, jamais des missiles à longue portée’’ il y a deux ans», a-t-il aussi souligné.
Le chef de l’Etat français s’exprimait à l’issue d’une conférence internationale de soutien à l’Ukraine, organisée à la hâte en France en présence de 27 autres pays, à un moment critique pour Kiev, en attente des armes occidentales nécessaires à sa survie. Cet hypothétique envoi de troupes en Ukraine, sur une base bilatérale, serait lié à des actions identifiées comme prioritaires pour les Européens : cyberdéfense, coproduction d’armement en Ukraine, déminage, entre autres. «Certaines de ces actions pourraient nécessiter une présence sur le territoire ukrainien, sans franchir le seuil de belligérance», a précisé hier le chef de la diplomatie française, Stéphane Séjourné. Donc pas de troupes destinées à combattre directement les Russes.
«Être plus prudent»
Le Royaume-Uni a d’ailleurs reconnu qu’«un petit nombre» de personnes envoyées par Londres se trouvaient déjà sur place «pour soutenir les forces armées ukrainiennes, notamment en termes de formation médicale», selon un porte-parole du Premier ministre britannique, Rishi Sunak, précisant toutefois : «Nous ne prévoyons pas de déploiement à grande échelle.» Le chancelier allemand, Olaf Scholz, a affirmé qu’«aucun soldat» ne serait envoyé en Ukraine par des pays d’Europe ou de l’Otan : «Ce qui a été décidé entre nous dès le début continue à être valide pour l’avenir», à savoir «qu’il n’y aura aucune troupe au sol, aucun soldat envoyé ni par les Etats européens ni par les Etats de l’Otan sur le sol ukrainien».
Le soutien à Kiev «ne prévoit pas la présence sur le territoire ukrainien de troupes d’Etats européens ou de l’Otan», a souligné le gouvernement italien, dont le ministre des Affaires étrangères, Antonio Tajani, a appelé à «être très prudent» sur ce sujet, car «nous ne devons pas apparaître comme étant en guerre avec la Russie».
L’Espagne n’est «pas d’accord» avec l’idée lancée par E. Macron, et le duo formé par la Pologne et la République tchèque «n’envisage pas d’envoyer» de troupes en Ukraine, selon leurs dirigeants. Ulf Kristersson, Premier ministre de la Suède, qui va très prochainement devenir le 32e membre de l’Otan, a fait valoir qu’«il n’y a pas de demande» côté ukrainien pour des troupes au sol. Donc «la question n’est pas d’actualité», a-t-il affirmé, sans toutefois exclure cette possibilité à l’avenir.
L’Otan aussi a écarté tout envoi de troupes sur le théâtre des opérations. «L’Otan et les Alliés apportent une aide militaire sans précédent à l’Ukraine. Nous l’avons fait depuis 2014 et nous sommes passés à la vitesse supérieure après l’invasion russe à grande échelle. Mais il n’y a aucun projet de troupes de combat de l’Otan sur le terrain en Ukraine», a indiqué hier un responsable de l’Alliance.
Depuis qu’il a reçu le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, mi-février à l’Elysée pour signer un accord de sécurité bilatéral, Emmanuel Macron peint un tableau très sombre des intentions de Vladimir Poutine et tente de se positionner en première ligne de l’appui apporté à Kiev. Au sein de la classe politique française, l’éventualité d’envoyer des troupes en Ukraine a soulevé un tollé chez l’opposition, de la gauche radicale à l’extrême droite en passant par les socialistes et la droite.
Le Premier ministre français, Gabriel Attal, a jugé hier qu’il y a «lieu de se demander si les troupes de Vladimir Poutine (n’étaient) pas déjà» en France, visant nommément Marine Le Pen, dans une passe d’armes tendue au Parlement avec la députée d’extrême droite, favorite de la présidentielle de 2027.