Entre l’Algérie et la France : Fragile statu quo… en attendant l’embellie

05/03/2023 mis à jour: 02:30
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C’est donc un fragile statu quo dans les rapports entre les deux pays qu’est venu remettre en cause une récente rumeur faisant état de la suspension des visas consulaires. Elle a été démentie du côté algérien, dont l’ambassadeur à Paris est toujours en rappel sur instruction du président Tebboune. Ce fut la réponse algérienne en protestation contre l’exfiltration via la Tunisie de la militante Amira Bouraoui, condamnée par la justice algérienne et interdite de sortie du territoire.

Après un lourd silence de quelques jours, accompagné d’une grande polémique dans les deux pays, le président Macron a fini par évoquer cette tension en affirmant qu’il «sait pouvoir compter sur l’amitié et l’engagement du président algérien Abdelmadjid Tebboune. Nous avancerons là aussi». «Je pense qu’il y a beaucoup de gens qui ont intérêt à ce que l’on fait depuis des années maintenant avec l’Algérie ne réussisse pas» a-t-il souligné, précisant qu’il a «un message très simple, continuer, ce n’est pas le premier coup de grisou, j’en ai déjà eu, mais il faut continuer ainsi, humblement, pragmatiquement», a-t-il encore dit. Par ailleurs, Macron a mis en avant  l’«énorme travail sur la mémoire» entre l’Algérie et la France. «On va continuer ce travail avec nos jeunesses, on a fait un gros travail sur le plan économique et militaire», citant la visite du général d’armée Saïd Chanegriha, en janvier en France. Le chef de l’Etat français a aussi évoqué la question de la mobilité et des visas avec l’Algérie, affirmant qu’il a confié au ministre de l’Europe et des Affaires étrangères la mission pour établir une politique claire de lutte contre l’immigration clandestine sans qu’il y ait un impact sur les étudiants, les artistes et le rapprochement entre les familles. Pour rappel du contexte, le président français avait effectué un visite de trois jours en août dernier en Algérie se traduisant par la signature d’un accord de «partenariat renouvelé entre l’Algérie et la France». Le président Tebboune avait estimé à ce moment-là que «la France et l’Algérie sont susceptibles d’aller loin», avant d'évoquer la tenue d’un sommet de très haut niveau réunissant à Alger les Présidents et les services de sécurité des deux pays, et cela pour la première fois depuis l’indépendance de l’Algérie en 1962.

Pour sa part, le chef de l’Etat français avait déclaré que sa visite a permis de traiter de «tous les sujets sensibles» entre les deux pays, estimant que l’accord de «partenariat renouvelé» qui a été signé va permettre de faire en sorte que «l’intimité se renforce en ayant un dialogue permanent sur tous les sujets, y compris les sujets qui empêchaient d’aller de l’avant, car ils revenaient sans cesse». Emmanuel Macron a cité, notamment, «la question de la mémoire» entre les deux pays et leur histoire qu’il voudrait «commune».

le chantage des visas et la politique migratoire

La visite d'Emmanuel Macron a été suivie de la signature de plusieurs accords de partenariat suite à la venue d'Elizabeth Borne, la Première ministre française. Comme le président Tebboune avait annoncé une visite à Paris pour le mois de mai prochain, le chef de l’Etat français s’est exprimé sur la possibilité d’une cérémonie de recueillement sur les sépultures des membres de la suite de l'Emir Abdelkader, héros de la résistance à la colonisation française, enterrés à Amboise où il a été détenu avec toute sa famille de 1842 à 1848. Pour Macron, ce serait «un très beau et très fort moment» et qu’il le «souhaitait». «Je crois que cela fera sens dans l’histoire du peuple algérien. Pour le peuple français, ce sera l’occasion de comprendre des réalités souvent cachées», dit-il encore. Bien avant, Emmanuel Macron avait estimé que la colonisation française est «un crime contre l’humanité, une barbarie» et il avait rendu hommage aux victimes de la répression par la police française de la marche pacifique des Algériens à Paris en Octobre 1961. Il a aussi reconnu l’assassinat de l’avocat et militant Ali Boumendjel par les autorités françaises de l’époque. Mais quelque temps après, dans une interview au journal Le Point, il avait estimé qu’il «n’a pas à demander pardon, ce n’est pas le sujet, le mot romprait tous les liens»«Le pire serait de conclure : ''On s’excuse et chacun reprend son chemin''», dit-il. «Le travail de mémoire et d’histoire n’est pas un solde de tout compte», poursuit-il. «C’est bien au contraire soutenir que dedans il y a de l’inqualifiable, de l’incompris, de l’indécidable peut-être, de l’impardonnable.» Un autre rétropédalage donc après que, quelques mois avant, il ait émis «des doutes sur l’existence d’une nation algérienne construite», à ses yeux sur «une rente mémorielle» ce qui avait suscité, à ce moment-là, une autre crise diplomatique entre Alger et Paris. Toujours en matière d’histoire, il y eut le fameux rapport de l’historien Benjamin Stora, qui avait été jugé incomplet par l’Algérie car n'évoquant ni la question des excuses ni celle de la repentance des autorités françaises . Sur cette question , la relève a été prise depuis par une commission d’historiens français et algériens. Elle devra incessamment rendre sa copie.

Un autre nuage gris est venu  relancer la tension entre les deux pays, mais pas de nature officielle. Un brûlot signé par l’ex-ambassadeur de France à Alger Xavier Driencourt ne ménage pas les régimes politiques algériens et va plus loin en prédisant «l’effondrement» de l’Algérie qui «entraînera la France dans sa chute».

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