Quelque 6,6 millions électeurs ont été convoqués hier aux urnes pour choisir leur Président, 210 parlementaires et 1970 élus locaux. Le Président doit être élu à la majorité absolue. Si aucun des candidats n’obtient 50% des voix, un deuxième tour est organisé. Le Parlementaires et élus locaux doivent seulement obtenir une majorité simple.
Dix hommes et une femme se présentent à la présidentielle et plus de 600 candidats aux législatives. Les résultats définitifs doivent être publiés dans les cinq jours suivant le scrutin. L’opposition, forte dans les villes, veut engranger un vote protestataire ancré dans une grogne croissante liée à une économie sinistrée, marquée par un chômage record et l’hyperinflation. Mais le président Mnangagwa et son parti l’Union nationale africaine du Zimbabwe Front patriotique (Zanu-PF), au pouvoir depuis l’indépendance en 1980 de ce pays enclavé d’Afrique australe, semblent déterminés à s’accrocher au pouvoir.
Le chef de l’opposition Nelson Chamisa, avocat et pasteur de 45 ans, a voté à la mi-journée et sa Coalition des citoyens pour le changement (CCC) a dénoncé des intimidations, rapporte l’AFP. Sa porte-parole Fadzayi Mahere a salué une «très forte participation». Mais elle signale des manœuvres de partisans de la Zanu-PF, arrivés dans certains bureaux sous couvert de sondages de sortie des urnes, pour semer la peur et inciter à voter pour le pouvoir, «ce qui est complètement illégal». «Le régime panique», a-t-elle affirmé.
De fausses affiches ont aussi été distribuées, mais «les citoyens ne se laisseront pas abuser». «Entourloupes ou pas entourloupes, notre victoire est certaine», a déclaré N. Chamisa à ses partisans après avoir voté. La commission électorale (ZEC) a reconnu que seuls 23% des bureaux de vote ont pu ouvrir à l’heure à Harare, bastion de l’opposition, en raison de retards logistiques. Chamisa a rappelé lundi que plus de 100 meetings de son mouvement ont été interdits. «Mais Dieu dit que c’est le moment pour moi d’être président».
En 2018, l’armée a tiré à balles réelles contre des manifestants contestant l’élection, tuant six personnes. Le Président a pro-mis une élection équitable. Mais «la Zanu-PF est inarrêtable. La victoire est certaine», a-t-il répété samedi. Les Zimbabwéens sont plongés depuis des années dans une profonde crise économique. Mais après des mois d’une campagne répressive à l’égard de l’opposition (arrestations, invisibilité dans les médias d’Etat, entre autres), peu croient aux chances de Nelson Chamisa. Human Rights Watch a prédit un «processus électoral gravement défectueux».
Et d’importantes irrégularités ont été relevées sur les listes électorales par des organisations de la société civile, suscitant aussi des craintes de fraude lors du décompte des bulletins. Artisan d’une ligne dure et poids lourd de la Zanu-PF, Mnangagwa devient chef de l’Etat à l’issue d’une guerre de succession qui l’oppose à Grace Mugabe, l’épouse du président nonagénaire écarté en 2017. Le bras de fer qui s’engage entre les rivaux se solde dans un premier temps par le limogeage de Mnangagwa du poste de vice-président. Craignant pour sa vie, il fuit au Mozambique.
Mais en quelques semaines, la situation se renverse. Les généraux prennent le pouvoir et désignent Mnangagwa. Le pays assiste au retour triomphal de l’ancien dauphin soutenu par le parti au pouvoir. L’année suivante, Mnangagwa remporte la présidentielle avec 50,8%. Des lois ont été récemment adoptées qui musellent toute opinion dissidente. Militants, élus et intellectuels sont arrêtés, multiplient les séjours en prison. Le Président accuse les sanctions occidentales contre le Zimbabwe d’empêcher l’économie exsangue de se relever. Le président Mnangagwa était un intime de Mugabe. Il a enchaîné les postes clés dans le dispositif d’Etat. Son mentor l’écarte un temps, se méfiant de son ambition.
Mais il le choisit pour diriger sa campagne en 2008. Mugabe perd le premier tour et Mnangagwa aurait supervisé la vague de violence et d’intimidation qui contraint l’opposition à se retirer du second tour. Ex-ministre de la Défense notamment, il conserve des liens étroits avec les services de renseignements qu’il a dirigés. En campagne en 2018, il échappe à une explosion qui tue deux personnes, alors qu’il quitte le podium d’un rassemblement.