Elections législatives en Inde : Les musulmans de plus en plus absents du paysage politique

09/04/2024 mis à jour: 03:09
AFP
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Pays de 1,4 milliard d’habitants, l’Inde compte 220 millions de musulmans

Dans la ville indienne de Rampur, la moitié des électeurs sont musulmans. Pourtant, le député sortant est un fervent soutien du Premier ministre, Narendra Modi, dont la matrice intellectuelle repose sur une idéologie de la suprématie hindoue. 

A l’approche des élections, nationales, à partir du 19 avril, qui devraient déboucher sur la réélection du Premier ministre Narendra Modi, sous la bannière de son parti nationaliste hindou, le Bharatiya Janata Party (BJP), les élus musulmans craignent de voir encore érodée la représentation politique de leur communauté religieuse.


Pays de 1,4 milliard d’habitants, l’Inde compte 220 millions de musulmans, mais la part des élus musulmans parmi les députés de la Lok Sabha (la Chambre basse du Parlement) a été divisée par deux depuis les années 1970. 
Le Parlement sortant ne compte ainsi que 27 députés musulmans sur 543 sièges, et aucun d’entre eux n’est membre du BJP, majoritaire dans l’hémicycle avec 310 députés. «Tout le monde veut être affilié au BJP», explique le député hindou de Rampur, Ghanshyam Singh Lodhi, candidat à sa réélection dans cette ville de l’Etat de l’Uttar Pradesh (nord). Elu lors d’une élection partielle en 2022, M. Lodhi a remplacé le député musulman de la ville après avoir quitté le parti de ce dernier pour se présenter sous l’étiquette du BJP.


Cette sous-représentation des musulmans s’explique, selon Ziya Us Salam, auteur d’un livre sur le sujet, par le fait que les musulmans ont fait confiance aux partis laïques pendant des années, estimant qu’ils pouvaient les représenter, ce qui a conduit à «l’absence notoire de dirigeants musulmans». Il affirme également que plusieurs réformes politiques ont permis, depuis l’indépendance de l’Inde en 1947, de redécouper des circonscriptions électorales à majorité musulmane.  


«Ne pas pouvoir voter»  

A Rampur, la victoire d’un candidat musulman «ne semble plus possible» en raison de la prédominance du BJP, estime Kanwal Bharti, militant et écrivain de 71 ans originaire de la ville. Depuis 1952, les électeurs de Rampur ont pourtant élu des députés musulmans à 15 reprises sur 18 élections. 


Le dernier député musulman en date de la ville fut Mohammad Azam Khan, un homme politique chevronné qui, visé par plus de 80 poursuites judiciaires, a fini par démissionner. D’après ses partisans, la plupart des poursuites ont été engagées contre lui après la victoire du BJP dans l’Uttar Pradesh, lors des élections de 2017. M. Khan a été condamné l’an dernier à trois ans de prison pour avoir tenu des propos haineux contre des rivaux du BJP. Un recours en justice pour contester les résultats de l’élection remportée par M. Lodhi en 2022, lors de laquelle «tous les moyens anticonstitutionnels» auraient été utilisés pour empêcher des circonscriptions à majorité musulmane de voter, a été rejeté pour vice de forme. 


A l’approche des élections nationales qui débuteront le 19 avril, nombre d’électeurs musulmans de Rampur craignent ainsi de ne pas pouvoir s’exprimer dans les urnes. «Si les conditions de la dernière élection se répètent, je ne pourrai à nouveau pas voter», déclare Mohammad Salam Khan, 75 ans.


Pour Asaduddin Owaisin, député sortant musulman, la disparition progressive de sa communauté religieuse du paysage politique est aussi imputable aux partis laïques qui présentent de moins en moins de candidats musulmans, craignant qu’ils n’échouent à attirer le vote des électeurs hindous. «Il est très difficile pour les candidats musulmans de n’importe quel parti politique de gagner», souligne-t-il, accusant en outre le BJP d’attiser la peur contre les musulmans. Lors des deux dernières élections nationales, une poignée de candidats musulmans ont été présentés par le BJP, mais tous ont perdu et des voix se sont élevées pour accuser le parti nationaliste hindou de s’être désintéressé de leur campagne. Selon Ziya Us Salam, les musulmans sont ostracisés au sein de la démocratie indienne.

 «Il ne s’agit pas seulement d’intimidation» mais «d’élimination», insiste-t-il. Le BJP nie pour sa part toute «discrimination active» fondée sur la religion, soulignant que la représentation politique résulte de la victoire des candidats aux élections. «Nous aspirons, dans l’idéal, à avoir des personnes issues de toutes les communautés», a répondu à l’AFP le porte-parole national du BJP, Mmhonlumo Kikon.

 

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