Le parti au pouvoir au Sénégal se dirige vers une très large majorité absolue au Parlement, au lendemain de législatives censées donner au Président et au Premier ministre les moyens de mener d'amples réformes, selon des projections des médias publiées hier, cités par l’AFP.
La radio RFM crédite le Pastef de 119 sièges sur 165 à l'Assemblée nationale et le site d'information Dakaractu lui attribue jusqu'à 131 députés, des estimations établies à partir de résultats provisoires. Le quotidien gouvernemental Le Soleil titre sur «La déferlante Pastef». Les organes électoraux ont jusqu'à la soirée d’aujourd’hui pour publier les résultats officiels provisoires au niveau des départements.
Mais ces projections annoncent la possible victoire «écrasante» que réclamait le Premier ministre Ousmane Sonko, président du Pastef, pour appliquer l'agenda de rupture et de transformation de l'Etat, qui a porté son second Bassirou Diomaye Faye à la tête du pays lors de la présidentielle de mars dernier.
Plusieurs journaux parlent d'une «razzia» qui fait du Premier ministre, qui était encore en prison une dizaine de jours avant la présidentielle de mars, le maître du jeu politique. «Sénégal Moy Sonko» (le Sénégal, c'est Sonko, en wolof) titre le journal Le Quotidien, pourtant critique du pouvoir, détournant le slogan avec lequel le Pastef a convaincu les électeurs à la présidentielle que voter pour Bassirou Diomaye Faye, c'était comme voter pour O. Sonko. Ce dernier a été empêché de se présenter par l'invalidation de sa candidature en raison d'une condamnation définitive pour diffamation contre un ministre.
Les adversaires du Pastef semblent laminés. La coalition Takku Wallu Sénégal de l'ancien président Macky Sall ne décrocherait que 15 mandats de députés, selon les projections des mêmes médias.
«PANAFRICANISME DE GAUCHE»
Bassirou Diomaye Faye a été élu président au premier tour en mars, dénué de toute expérience exécutive mais tiré vers le sommet par l'enthousiasme et l'aspiration au changement d'une population jeune et éprouvée par trois années de confrontation politique et de crise économique. Il a nommé chef de gouvernement son mentor Sonko, qui aurait dû être à sa place s'il n'avait été déclaré inéligible. Pendant des mois après la présidentielle de mars, ces avocats d'un «panafricanisme de gauche» ont mené une cohabitation conflictuelle avec une Assemblée toujours dominée par l'ancienne majorité présidentielle. Le président Faye l'a dissoute dès que les délais constitutionnels l'ont permis, en septembre.
Environ 7,3 millions d'électeurs étaient donc appelés dimanche à élire 165 députés qui siégeront pour cinq ans. Les électeurs devaient décider de donner ou non au duo Faye-Sonko les moyens de tenir ses promesses : améliorer la vie d'une population dont une grande partie se bat au quotidien pour joindre les deux bouts, partager avec elle les revenus des ressources naturelles, comme les hydrocarbures, et de la pêche qui auraient été bradés à l'étranger, combattre la corruption, transformer l'Etat et sa justice. Le coût de la vie reste une préoccupation majeure pour la population, tout comme le chômage qui atteint plus de 20%. Les nouveaux gouvernants sont à leur tour confrontés à la vague de ces centaines de compatriotes qui partent chaque mois en pirogue chercher un avenir meilleur en Europe.
Historiquement, les Sénégalais ont l'habitude de mettre en cohérence leur choix à la présidentielle et aux législatives, et le parti des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l'éthique et la fraternité (Pastef) de O. Sonko est donné favori par les experts. En face, l'opposition était dispersée. Elle a fait campagne en reprenant à son compte le grief formulé par un certain nombre de Sénégalais, selon lequel, pendant huit mois, O. Sonko a beaucoup parlé et peu agi. L'intéressé s'en défend en arguant de l'état dans lequel lui et M. Faye ont trouvé le pays, et des multiples résistances à son ambition de changer les pratiques et le système.