La guerre en Ukraine a un impact immédiat sur l’Egypte, le plus grand importateur de blé au monde, qui dépend de ces deux pays de l’ex-URSS pour plus de 80% de ses céréales. Le secteur du tourisme, vital pour l’Egypte, a également été touché par le conflit, réduisant le flux de vacanciers dans un pays qui souffre encore de la révolution de 2011 et de la pandémie de Covid-19. Ces trois derniers mois, la croissance a plafonné à 3,2%, contre 7,7% il y a un an.
Pour compenser, le Premier ministre égyptien, Mostafa Al Madbouly, a décidé de réduire l’éclairage public. Même la célèbre place Tahrir du Caire sera bientôt plongée dans le noir, a-t-il dit. Cette mesure fait l’objet de critiques. «Les lampadaires restent allumés la journée alors que pour nous, les factures ne font qu’augmenter», se lamente un Cairote trentenaire qui préfère taire son nom. Pour le gouvernement, l’objectif est de «réduire de 15% la quantité de gaz naturel envoyée dans les centrales électriques sur un an» pour les exporter contre des dollars.
Car si l’Egypte est devenue autosuffisante en gaz en 2018, économisant chaque mois 220 millions de dollars d’importation, elle veut maintenant devenir un exportateur de poids.
Mais pour l’économiste Hani Genena, le problème vient d’ailleurs. «La valeur de la livre égyptienne est artificiellement élevée, cela force (l’Etat) à emprunter à l’étranger et fait courir le risque de se retrouver dans l’impasse au moment du remboursement», explique-t-il à l’AFP. Déjà, prévient-il, «depuis une semaine, les banques ne peuvent plus fournir les importateurs en dollars». Car les réserves en devises ne sont plus que de 33,1 milliards de dollars aujourd’hui, contre 41 milliards en février. Alors que Le Caire réclame pour la quatrième fois en six ans un prêt au FMI, il «faut accélérer les négociations», plaide Hani Genena.
D’ici six semaines, l’Egypte «doit mener des réformes dures sur le court terme mais qui permettront de récupérer des dollars», affirme le spécialiste. La première doit être d’«abaisser le taux de change à 25 livres pour un dollar d’ici fin 2024» contre 19,1 aujourd’hui, afin d’«éviter un déséquilibre extérieur», c’est-à-dire encore moins de devises, explique à l’AFP James Swanston, de Capital Economics.
En 2016 déjà, l’Egypte avait décroché un prêt de 12 milliards de dollars du FMI en échange d’une dévaluation brutale et de mesures d’austérité. Puis, en 2020, deux autres de 5,4 et 2,8 milliards de dollars. Cette fois-ci, elle négocie pour obtenir encore plus, alors que deux tiers des 103 millions d’Egyptiens vivent sous le seuil de pauvreté ou sont en passe d’y plonger.